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L’écologisation des cégeps

En deuxième vitesse

En 2022, la Fédération des cégeps s’est dotée d’un plan ambitieux pour soutenir le virage écologique du réseau collégial. Où en est-elle dans la mise en œuvre de ce Plan d’action pour l’écologisation du réseau des cégeps 2022-2024?

Élise Prioleau, Portail du réseau collégial

Les cégeps sont-ils de grands pollueurs ? Myriam Lefebvre, chargée de projet en écologisation à la Fédération des cégeps répond sans hésiter par l’affirmative. « Un cégep, c’est comme une petite ville, qui a beaucoup d’approvisionnement, qui génère des tonnes de déchets et beaucoup de déplacements », illustre-t-elle. Parmi les sources de pollution, la flotte informatique des établissements pèse lourd sur le bilan carbone du réseau. Ce sont toutefois les déplacements des usagers des cégeps qui seraient responsables de la première source de pollution.

« Un cégep, c’est comme une petite ville, qui a beaucoup d’approvisionnement, qui génère des tonnes de déchets et beaucoup de déplacements »  Myriam Lefebvre

Rappelons que dans les dernières décennies, de nombreux cégeps ont mis en place des projets inspirants pour verdir leurs établissements, notamment dans le cadre du programme Cégep Vert d’Environnement jeunesse. En 2019, les directrices et directeurs membres de la Commission des affaires étudiantes de la Fédération des cégeps ont voulu soutenir activement l’ensemble des établissements dans leur démarche d’écologisation.

« En 2018, ils ont constitué un comité fédératif, qui a réalisé un portrait de l’avancement de l’écologisation des cégeps en collaboration avec le Centre d’initiation à la recherche et d’aide au développement durable (CIRADD). Ils ont ensuite mis en place un plan d’action à partir des données recueillies sur le terrain », relate Myriam Lefebvre, embauchée en août dernier pour réaliser ce Plan d’action pour l’écologisation du réseau des cégeps.

Mesurer les émissions de GES du réseau

Parmi les cinq grands objectifs du plan d’action de la Fédération, l’un d’entre eux vise à « encourager les cégeps à atteindre la carboneutralité d’ici 2030 ». En 2023, la Fédération souhaite encourager ses établissements à mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre, produits en grande partie par déplacements des étudiants et des membres du personnel. Pour les établissements, il s’agit d’abord de réaliser un audit qui leur permettra de quantifier leurs GES.

« Pour soutenir cette démarche, un sous-comité a réalisé une boîte à outils pour accompagner le personnel des cégeps. Elle regroupe des renseignements utiles et aussi des offres de subventions et de partenariats. Son but est d’aider les cégeps à faire l’inventaire de leurs émissions de GES, pour mettre en place ensuite un plan de réduction de ces émissions et à élaborer des stratégies de compensation », explique Myriam Lefebvre.

Afin de faciliter l’utilisation des ressources regroupées dans la boîte à outils, une série de quatre webinaires est offerte aux membres du réseau en cet hiver 2023.

Un expert en écologisation par cégep

Cet automne, la Fédération des cégeps a déposé une demande de financement au ministère de l’Enseignement supérieur et au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. L’objectif étant de financer l’embauche d’un professionnel en écologisation dans chacun des 48 cégeps membres.

« Ce qui était ressorti du rapport du CIRADD en 2021, c’était notamment le manque de moyens. C’était le besoin d’avoir une ressource professionnelle qui puisse agir comme conseiller conseillère auprès des directions des établissements, pour faciliter l’écologisation du réseau, pour faire le suivi et pour outiller les communautés collégiales », explique Myriam Lefebvre.

La demande de financement a également été accompagnée d’une réflexion stratégique avec les cégeps. « D’un cégep à l’autre, le nombre de ressources dédiées à l’écologisation diffère. En plus, elles ne sont pas toujours rattachées aux mêmes directions. Nous avons donc suscité une réflexion commune : à quelle direction les cégeps pourraient-ils rattacher leur future ressource professionnelle pour qu’elle ait un meilleur champ d’action ? Quelles seraient les tâches qui lui seraient imparties pour permettre la réalisation du plan d’écologisation à l’intérieur des cégeps ? »

Centraliser l’information

Parmi les grands objectifs du plan d’action figure celui de « favoriser l’adhésion et la participation de la communauté collégiale aux objectifs de développement durable (ODD) ». Pour ce faire, la Fédération a mis sur pied un groupe de partage sur Teams pour centraliser l’information sur l’écologisation des cégeps. Plus de 160 professionnels sur réseau y participent.

« Dans le cadre de ce groupe, je fais une veille de tout ce qui se fait en matière d’écologisation qui touche de près ou de loin le collégial. Le but de ce groupe est d’inspirer et d’outiller les intervenants en écologisation dans le réseau. Puis c’est aussi un lieu d’échange sur les difficultés rencontrées ou encore sur les bons coups vécus au sein des communautés. »

« On va toucher à tout, les campus, les plans de cours, les contenus de cours, les activités de recherche appliquée, les relations avec le milieu et toute la culture institutionnelle » Virgile Deroche

La communauté de pratique figure parmi les projets mis en place cet automne par la Fédération des cégeps afin d’organiser une structure de réseautage dans le réseau autour de l’écologisation des établissements. Une structure qui permettrait de soutenir et de stimuler l’écologisation de l’ensemble des établissements, qui jusque-là évoluaient chacun isolément et de manière inégale.

« Un des objectifs du comité fédératif c’était de mettre à contribution l’ensemble du réseau collégial. Jusqu’à maintenant, il y avait les deux tiers des cégeps qui avaient une certification de nature Cégep Vert. L’idée était de mettre tous les cégeps ensemble et de nous donner une force de réseautage, de partage d’expertise, explique Denis Deschamps, président du Comité fédératif sur l’écologisation des cégeps. « Nous pourrons aussi faire des représentations importantes auprès des ministères. »

Un grand changement institutionnel

Le CIRADD agit en tant qu’expert-conseil auprès de la Fédération des cégeps pour l’écologisation du réseau. « Le modèle d’écologisation que nous avons proposé au réseau collégial est axé sur le développement durable. Le cadre qu’il fournit s’intéresse au changement institutionnel, c’est-à-dire les changements profonds dans les façons de faire, les stratégies et les politiques des établissements. On va toucher à tout, les campus, les plans de cours, les contenus de cours, les activités de recherche appliquée, les relations avec le milieu et toute la culture institutionnelle », soutient Virgile Deroche, chargé de projet au CIRADD.

Le chercheur se réjouit du virage institutionnel qu’a pris la Fédération des cégeps en matière de développement durable. « Si on veut un changement durable en environnement, il faut que tous les milieux opèrent un changement institutionnel. C’est un gros chantier. Ce sont des démarches dans lesquelles il est important de mobiliser tous les membres de la communauté collégiale, les enseignants, les étudiants, le personnel de soutien et les directions », explique-t-il.

Le Plan d’écologisation du réseau des cégeps 2022-2024 n’est que le début d’un virage écologique plus vaste, conclut Denis Deschamps. « Ce n’est que le premier plan d’action de la Fédération des cégeps sur l’écologisation. On s’est donné une visée jusqu’en 2030. De 2022 à 2024, ce sera notre premier jalon, mais on aura encore plus d’ouvrage à faire de 2024 à 2030, pour nous assurer que le réseau collégial soit un leader mondial en termes d’écologisation. C’est mon vœu le plus cher. »