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L’art de miser sur ses forces

Par Alain Lallier

Entretien avec M. Sylvain Lambert, directeur général du cégep Édouard-Montpetit

La reprise de la session d’hiver au cégep Édouard-Montpetit s’est faite le 6 avril pour la formation continue et le 16 pour la formation régulière. Pour le directeur général, le défi a été de réagir à l’information au fur et à mesure de sa diffusion par le gouvernement et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. « Dès l’annonce de la fermeture des cégeps, les deux choses les plus importantes que nous avons faites ont été de mettre en place un comité de gestion de crise afin que l’équipe de direction puisse échanger rapidement et efficacement ainsi que des canaux de communication spécifiques pour informer fréquemment et de façon claire les membres de notre personnel et nos étudiants. Nos stratégies, nos décisions et nos actions ont porté fruit. Nous sommes maintenant en mode proactif plutôt que réactif, parce que nous voyons clairement que les choses se placeront dans le futur. Ce sont nos fragilités qui ont été mises à l’épreuve dans cette aventure, mais nous nous en sortons gagnants jusqu’à présent. »

Compter sur une équipe compétente et mobilisée
Pour Sylvain Lambert, cette situation exceptionnelle a permis de mettre en lumière la grande compétence de l’équipe de direction et de gestion qui s’est efficacement activée, ainsi que la solidarité de l'ensemble du personnel, qui s'est rapidement mobilisé. « D’avoir un plan de mesures d’urgence a été précieux. Chaque année, nous avons fait de la formation et avons développé des réflexes dans ce type de situations. Chaque crise est unique et les outils de gestion de crise tels journal de bord, outils de communication, cellulaires sont importants.  Il y a des réflexes qui ont été intégrés et nous avons pu les mesurer à leur juste valeur. »

Penser d’abord aux besoins des étudiants
Le directeur général souligne la grande préoccupation accordée au bien-être des étudiants. « Des mesures de soutien pour répondre aux besoins de ceux qui vivaient plus d’anxiété ou d’isolement ont rapidement été pensé en mode alternatif. Ainsi, le Cégep a donné accès à des ressources en ligne comme les psychologues et conseillers en orientation. De plus, notre objectif visait la possibilité de donner des cours mais,pour pouvoir le faire, il faut que les étudiants soient disposés et qu’ils aient les ressources requises pour le faire. Nous savions que ce n’était pas tout le monde qui avait un ordinateur à la maison. Nous avons donc fait un sondage et nous sommes assurés d’en avoir un certain nombre à rendre disponible en faisant, dans ce sens, des achats importants d’appareils supplémentaires. »

"En résumé, nous n’avons jamais coupé le contact avec nos étudiants. Si on les envoie dans la nature et qu’ils n’ont plus de nouvelles de nous,ça ne marchera pas." - Sylvain Lambert

(...) Par ailleurs, l’aspect financier était vital pour ceux qui avaient perdu leur emploi à temps partiel.Des mesures de soutien avec la Fondation ont été établies pour créer un fonds d’urgence. La communauté plus élargie a été sollicitée. L’argent destiné à des projets, qui dans le contexte ne se réaliseront pas,a été versé à ce fond. « En résumé, explique-t-il, nous n’avons jamais coupé le contact avec nos étudiants. Si on les envoie dans la nature et qu’ils n’ont plus de nouvelles de nous,ça ne marchera pas. Les enseignants ont repris contact avec les étudiants afin de s’assurer qu’ils avaient le matériel pédagogique nécessaire pour revoir des notions déjà vues, leur faire parvenir de la documentation et qu’ils soient prêts à la reprise de la session. »

Comment devenir du jour au lendemain un collège à distance ?
Même si le Cégep Édouard-Montpetit n’est pas reconnu comme un cégep à distance, son directeur général souligne que l’établissement pouvait compter sur toutes les plateformes pour ce faire : Moodle, Zoom, Teams, Webex et Léa. « Du point de vue des outils technologiques, nous avons une équipe incroyable au service de l’informatique pour faire face aux changements requis. Le défi demeure de faire le virage avec les enseignants qui sont à vitesse variable dans l’utilisation de ces technologies. Certains les utilisaient déjà beaucoup. Pour d’autres, tout un apprentissage est à faire. Nous avons eu au départ d’importantes discussions avec nos différents départements. Pour les programmes techniques, la situation diffère et nous avons dû nous mettre en mode solutions. Par exemple, pour les cours en aéronautique, le service d’informatique a pu permettre aux étudiants de prendre le contrôle d’un ordinateur à l’ÉNA, qui opère le logiciel CATIA utilisé dans ce domaine d’études. Il faut vraiment se mettre en mode créatif et penser en-dehors de la boîte. En arts visuels, les professeurs déploient des idées incroyables. Ils ont pensé à des expositions virtuelles. Des étudiants travailleront ainsi en sculpture avec des matériaux accessibles à la maison. En peinture, les étudiants travaillent avec du curcuma. En photographie, on a proposé des exercices avec des contraintes de prise de photo avec deux mètres de distance…Les professeurs ont réalisé qu’il y avait beaucoup de matériel sur le Web. De plus, de grandes maisons d’édition de manuels scolaires ont dès le départ rendu disponible gratuitement leur catalogue.» (Ex. : Chenelière Éducation).

"Du point de vue des outils technologiques, nous avons une équipe incroyable au service de l’informatique pour faire face aux changements requis." - Sylvain Lambert

Contrer les interventions malveillantes
Les journaux ont fait état que des personnes malveillantes étaient intervenues pendant un cours en ligne entre autres sur la plateforme Zoom, on parle de « zoom bombing ». À ce sujet, le directeur général signale que Zoom était déjà utilisé dans plusieurs maisons d’enseignement. Des personnes ont constaté des failles de sécurité. Les services d’informatique ont donné les consignes de sécurité. D’autres plateformes peuvent être utilisées pour assurer une plus grande confidentialité, si nécessaire.

Des outils réseau déjà en place
Sylvain Lambert souligne que le réseau collégial disposait déjà d’outils de communication à distance pensés pour le collégial. Le Portail Omnivox est présent dans nombre d’établissements. Léa facilite le travail des enseignants en leur offrant un environnement de communication Prof-Étudiants qui permet à chaque enseignant de diffuser aisément de l’information à ses classes, d’interagir avec les classes ainsi qu’avec les étudiants. En mode de fonctionnement à distance, la question du plagiat inquiétait également beaucoup les enseignants. Encore là, un logiciel assez puissant permet de passer au tamis un texte d’étudiant afin de repérer ceux et celles qui auraient opté pour le copier-coller.

Le réseau collaboratif collégial mis à contribution
Le réseau collégial est réputé pour avoir développé nombre de chaînes collaboratives via ses conseillers pédagogiques, Performa, CCDMD, AQPC,Profweb,Cégep à distance. Au niveau de la Fédération des cégeps, des rencontres ont été organisées entre directions afin de faciliter le partage de solutions entre enseignants. Les collèges s’échangent du matériel pédagogique. Par exemple, le Cégep André-Laurendeau a rendu disponibles des capsules vidéo en chimie. Les cégeps de la Montérégie se parlent toutes les semaines pour faire le point et partager l’information.

Une occasion de faire évoluer des situations
Au-delà du cliché voulant qu’il y aura un avant et un après cette crise,Sylvain Lambert croit que la question de l’enseignement à distance profitera de cette situation lui permettant de faire des avancées.« Nous parlons du e-campus, mais nous ne savons pas par quel bout le prendre. La nécessité étant la mère de l’invention, nous voyons des gens adopter de nouvelles façons de faire. Ce n’est pas la panacée. Ce n’est pas vrai que nous ferons seulement de la formation à distance dans le futur, mais les gens réaliseront le potentiel de tous ces outils. Par-delà la pédagogie, c’est toute la question du télétravail qui va évoluer. C’est fou de voir que nous continuons à travailler sans aller au cégep. De plus, nous en voyons l’effet sur l’environnement, les routes et la congestion. Nous ferons sans doute des avancées par rapport à l’ensemble de l’œuvre. »






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