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Hommage à mes étudiants

Montréal, le 20 juin 2011 - Libre opinion - Le Devoir -

Michèle Rolland - Professeure (tout juste) retraitée du collégial 

Chers étudiantes et étudiants que j'ai eu le plaisir de découvrir à différentes époques, sachez que je garde de très bons souvenirs de vous. Au début de mon enseignement, dans les années 1980, vous étiez des étudiants engagés presque à temps plein dans vos études. Vous étiez peut-être la moitié à travailler quelques heures par semaine. Il y avait de l'espace dans vos vies pour profiter pleinement de votre entrée dans l'univers de jeunes adultes. Vous aviez une vie sociale active avec vos amis et vous ne comptiez plus les partys qui s'enchaînaient les uns après les autres. L'expression à la mode était «c'est cool»... Vous n'étiez pas axés sur la réussite à tout prix, mais plus sur le plaisir d'apprendre, peu importe les résultats.

Et puis... j'ai vu défiler sous mes yeux différents courants de pensées, mais surtout de modes, les casquettes, palettes en avant, en arrière. Je me souviens qu'une d'entre vous portait sa casquette tellement tout le temps qu'un beau jour à la sortie du métro je ne l'ai pas reconnue. Eh oui, elle n'avait pas sa casquette ce jour-là. J'ai découvert trois ans plus tard sa jolie chevelure. L'expression courante était «Y a rien là»...

Et puis... est apparue la mode des baladeurs ou walkmans. Le premier que j'ai eu sur les oreilles par simple curiosité appartenait à nulle autre qu'à Sylvie Paquette, auteure, compositeure et interprète de ses chansons. Elle trimballait sa guitare dans les cours et nous chantait une chanson à la première occasion. Pas étonnant qu'elle soit devenue ce qu'elle est.

Et puis... La mode des montres qui sonnent toutes les heures est venue perturber une certaine tranquillité dans les cours, surtout que les montres ne sonnaient pas toutes en même temps... Je vous revois encore le sourire en coin, face à cette légère perturbation du déroulement des cours.

Et puis... ont commencé les cheveux aux couleurs arc-en-ciel, bleus, verts, rouges, orange, jaunes, etc. Je dois avouer que ça faisait du bien de me trouver devant toute cette carte des couleurs qui contrastait avec la couleur beige et terne de nos salles de cours. L'expression courante devenait «Yes man», même si nous étions une majorité de femmes...

Et puis... insidieusement, vos heures de travail à l'extérieur augmentaient et prenaient de plus en plus de place dans vos vies, au détriment de vos études. C'est à partir de cette période que j'ai dû commencer à apprendre à négocier entre les exigences de vos employeurs, votre difficulté pour certains à poser vos limites et nos exigences scolaires. La valorisation du travail pendant les études allait progressant.

Et puis... sont apparus simultanément la mode des camisoles à «bedaine» et les body piercing. Les camisoles servaient à exhiber un piercing au nombril. Entre autres. C'est aussi à cette époque que j'ai commencé à voir des langues sorties pour aussi épater la galerie avec un bijou sur une langue percée. Évidemment, cette mode devenait incompatible avec les exigences des milieux de stage. Il fallait donc faire des ajustements, faire disparaître les piercings apparents et allonger les camisoles.

Et puis... le mauvais stress a commencé à gagner du terrain, dû à vos horaires de fou rendant presque incompatible l'arrimage entre vos cours, travaux et heures de travail à l'extérieur. Je commençais à vous trouver plus fatigués, malades avec de plus en plus de maux associés aux personnes âgées, ulcères d'estomac, etc. J'avoue qu'en même temps que je vous trouvais courageux de poursuivre vos études dans ces conditions, je vous plaignais de ne pas profiter pleinement de votre vie de jeune adulte.

Et puis... nous sommes entrés dans l'ère de la réussite et de la performance à tout prix. Non seulement fallait-il réussir à tout prix ses études, mais il fallait aussi être performant au travail à l'extérieur. Nous sommes alors beaucoup éloignés de l'époque où vous aviez le temps de prendre le temps, hélas pour vous... Mais malgré tout, il y a la mode des «Yo» qui s'installe.
 
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Michèle Rolland - Professeure (tout juste) retraitée du collégial