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La réplique › Le français au collégial - La dévalorisation de quoi, au juste?

30 octobre 2014  | Guy Demers - Président du chantier sur l’offre de formation collégiale | Article d'opinion publié dans Le Devoir - Une réplique à l'article d'Antoine Robitaille, le 27 ocotobre 2014

Le problème de la maîtrise de la langue chez les étudiants n’est pas nouveau. C’est d’ailleurs une situation largement partagée par les systèmes d’éducation de plusieurs pays. Connu depuis de nombreuses années, ce problème suscite, à intervalles plus ou moins réguliers, débats et prises de position, mais, hélas, trop peu de solutions. Depuis les 20 dernières années, on observe une diversité croissante des profils d’étudiants. Les collèges tentent, à même des ressources limitées, d’offrir des services de soutien en vue de combler les lacunes éprouvées par un bon pourcentage d’étudiants au sujet de la maîtrise de la langue, et dont on accuse le premier cycle du secondaire d’être responsable.
 
La tentation est grande de regarder en amont du processus de formation pour trouver la cause de ce malaise et, finalement, déterminer le responsable. Pendant ce temps, des étudiants qui ont achevé l’essentiel d’un parcours de formation devant les conduire à l’exercice d’une profession reçoivent, à la veille d’obtenir leur diplôme, un verdict cinglant : disqualifié ! La logique qui conduit à de telles condamnations relève de celle que nous décrions souvent en éducation, soit la logique de production. Au terme du processus de fabrication, le contrôle de la qualité repère la pièce défectueuse. Le verdict tombe : rejetée ! Il y a cependant une très grande différence entre une chaîne de production et le processus de formation. Depuis trop longtemps, la preuve est faite que, sans aide, certains ne pourront tout simplement pas y arriver. Notre objectif en éducation demeure toujours le même : favoriser la réussite du plus grand nombre.
 
On essaie trop peu souvent de s’insérer dans les souliers des étudiants pour comprendre le processus qui conduit à la situation dont il est question ici. Faisons une tentative ! Les étudiants qui se présentent aux portes des collèges ont des profils extrêmement diversifiés. Il est reconnu depuis longtemps que plusieurs d’entre eux ont des lacunes importantes au regard de la maîtrise de la langue. Malgré ce handicap, et parfois après avoir fréquenté à quelques reprises un centre d’aide, plusieurs poursuivent leur parcours de formation, réussissent la majorité de leurs cours et commencent à anticiper le moment où ils obtiendront leur diplôme. Quelques mois avant la fin de leurs études, ils sont soumis à l’épreuve uniforme en langue d’enseignement, qu’ils échouent. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois… après trois et le plus souvent quatre années de formation dans les programmes d’études techniques les plus exigeants. Mais que se passe-t-il dans la tête de ces étudiants que des échecs répétés affligent à la fin de leur parcours ? À défaut d’avoir pu corriger ce handicap depuis le tout début de leur formation collégiale, ils sont confrontés au désespoir de ne jamais pouvoir obtenir leur diplôme d’études collégiales pour lequel ils ont persévéré. Freinés devant le fil d’arrivée, ils abandonnent les études et viennent s’ajouter, un à un, à la horde des exclus du système d’éducation. Nous serions bien avisés de ne pas transformer le parcours scolaire de ces étudiants en miroir aux alouettes. Une société qui agit de la sorte prend de grands risques.

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