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Portrait fidèle ou pas de leur état, un réinvestissement est réclamé dans les cégeps et les universités
Zacharie Goudreault, Le Devoir
Si un portrait plus juste de l’état des besoins en maintien des actifs immobiliers dans les universités et cégeps vieillissants de la province ne sera dévoilé que l’an prochain, des élus d’opposition et le milieu collégial pressent Québec d’investir dès maintenant dans la réalisation des travaux nécessaires pour contrer la dégradation, bien réelle, de ces établissements.
« Que l’on revoie la méthode de calcul, c’est une chose, mais cela ne change en rien l’urgence d’investir », martèle, dans une déclaration acheminée vendredi au Devoir, la présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, qui rappelle que « le déficit de maintien des infrastructures est majeur et s’aggrave à cause d’un sous-financement chronique ».
Mme Montpetit réagissait ainsi à un reportage publié vendredi dans nos pages dans lequel on apprend que ce n’est que dans le budget de l’an prochain, soit en mars 2026, que l’on connaîtra les résultats d’une révision en cours de la méthode de calcul des besoins pour remettre en état les cégeps et les universités de la province. Québec présentera alors un nouveau portrait du déficit de maintien des actifs immobilier pour ces établissements. Il faudra entre-temps se baser sur celui de l’an dernier pour avoir une idée de l’ampleur des travaux à réaliser, qui sont évalués à 1,43 milliard dans les immeubles du réseau universitaire et à 700,5 millions dans ceux du réseau collégial. Un portrait qui n’est pas « fidèle à la réalité », selon la ministre de l’Enseignement supérieure, Pascale Déry.
« Est-ce qu’il n’est pas fidèle ou on n’aime pas le résultat qu’on y voit ? », lance la deuxième vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Anne Dionne.
Elle remet ainsi en question les propos de Pascale Déry, qui a affirmé à plusieurs reprises, en entrevue au Devoir jeudi, que cet exercice ne vise pas à « embellir » le portrait disponible de l’état des infrastructures de nos cégeps et de nos universités. Il vise plutôt à faciliter le tri des besoins afin que les travaux les plus urgents soient priorisés à l’avenir, a-t-elle affirmé.
Des « projets urgents » sur pause
Or, dans les derniers mois, nombre de cégeps ont dû mettre sur pause la réalisation de nombreux projets visant à améliorer l’état de leurs installations, à la suite de l’imposition d’un plafonnement des dépenses destinées, entre autres, à la réfection de leurs bâtiments et à l’achat de matériel. Le gel du recrutement externe mis en place l’automne dernier dans la fonction publique complexifie aussi la planification et la réalisation de plusieurs chantiers, dans les écoles tout comme dans les établissements d’enseignement supérieur.
« On craint que [le gouvernement] cherche à maquiller l’état » de nos cégeps et de nos universités alors que ceux-ci continuent de se dégrader, poursuit Mme Dionne. « Au lieu de faire ça, il faudrait qu’on réinvestisse maintenant » dans l’entretien et l’agrandissement de ces établissements qui accueillent de plus en plus d’étudiants, insiste-t-elle.
Or, en ce moment, « ce que j’entends sur le terrain, c’est que des projets urgents ne sont pas réalisés » en raison des restrictions budgétaires imposées, relève la porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’enseignement supérieur, Michelle Setlakwe. « On espère qu’il n’y aura pas de bris de service », ajoute-t-elle.
Le déficit de maintien d’actifs des cégeps et des universités a d’ailleurs continué de se creuser dans les dernières années malgré une hausse des investissements étant dédiés à leur entretien.
« Les cégeps disposent d’équipes d’expertes et d’experts en bâtiments, incluant des ingénieures et ingénieurs, des architectes, des techniciennes et techniciens qui appliquent une gestion rigoureuse pour évaluer l’état de leurs infrastructures. Cependant, sans le financement nécessaire, le déficit de maintien continue de se creuser », estime Marie Montpetit.
Une situation qui préoccupe Michelle Setlakwe, qui se montre impatiente de consulter le budget du Québec qui sera présenté mardi prochain.
« On ne peut pas être contre l’idée de prioriser les bons projets », a-t-elle déclaré au Devoir vendredi, en référence à la révision en cours de la méthode de calcul du déficit de maintien d’actifs dans le réseau de l’enseignement supérieur. « Mais il faut qu’il y ait des investissements substantiels pour renverser la tendance parce que je ne vois pas comment on va y arriver avec les sommes qui sont prévues [au Plan québécois des infrastructures] », ajoute-t-elle.
L’élue déplore d’ailleurs le manque de « planification adéquate » du gouvernement, pour répondre à l’ajout attendu de 24 000 étudiants dans les cégeps du Québec, d’ici 2030. « On s’en va tranquillement vers une atteinte à cette valeur tellement importante dans notre société qui consiste à donner accès à l’éducation supérieure à nos jeunes dans leur région », en raison du manque de places anticipées dans certains cégeps, poursuit-elle.