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Des étudiants chercheurs dans les cégeps, ça existe

Entrevue réalisée par Mme Marie Lacoursière avec Mme Marie-Claude Delarosbil et M.Julien Scheggia, étudiante et étudiant en technique de Bioécologie au Cégep de Saint-Laurent et récipiendaires du Prix étudiant de l’Association pour la recherche au collégial (ARC) 2014.

Les Prix étudiants de l’Association pour la recherche au collégial (ARC) font connaître et valorisent la participation des étudiantes et des étudiants à des activités de formation à la recherche menée au sein des établissements d’enseignement collégial dans tous les programmes et toutes les disciplines. L’ARC décernait ainsi, le 14 mai dernier, dans le cadre du 82e Congrès de l’ACFAS, les Prix étudiants de la 19e édition du concours, marquée par la qualité exceptionnelle de la maîtrise du sujet qui se dégageait des communications orales présentées.

Madame Marie-Claude Delarosbil  et monsieur Julien Scheggia ont alors obtenu le premier prix de ce concours pour leur projet « Étude comparative de l’efficacité d’absorption des sels de déglaçage des eaux de ruissellement routières par Typha latifolia et Spartinapectinata en marais filtrant ».

Le comité d’évaluation a particulièrement apprécié l’aspect novateur du projet supervisé par monsieur  Dominique Dufault et madame Lyne Duhaime, enseignant et enseignante de biologie au Cégep de Saint-Laurent. Ce dernier prix s’ajoute aux douze autres déjà remportés par des étudiantes et étudiants de ce cégep depuis la création du concours.

Des étudiants chercheurs dans les cégeps? Ça existe

Monsieur David Drouin, étudiant chercheur au Cégep de Sainte-Foy durant l’année 2012, affirmait, suite à sa recherche sur la résistance bactérienne développée en réaction aux antibiotiques traditionnels, qu’il était effectivement possible de faire de la recherche de haut niveau au collégial, même en tant qu’étudiant. Nous avons interrogé nos lauréats de 2014 sur la question.

Malgré un budget quelque peu restreint, il est possible de faire de la recherche de haut niveau au collégial, et ce, dans des domaines très diversifiés, de préciser Julien Scheggia. « Les nombreux projets de recherche achevés par mes collègues de bioécologie ont été effectués avec une grande rigueur scientifique et plusieurs ont probablement permis d’acquérir de meilleures connaissances sur les sujets à l’étude.»

Il m’est cependant apparu plus difficile d’élaborer un projet de recherche en milieu naturel en raison des coûts que ce type de projet entraîne. En laboratoire, la plupart ou encore la totalité des instruments et du matériel nécessaire à la réalisation d’une recherche scientifique sont disponibles. Chez nous, les étudiants ont la possibilité de choisir leur projet de recherche, ce qui rend le travail et la démarche intéressants et passionnants. Nous avons la chance d’être encadrés par des professeurs qui croient en nous et aux efforts que nous faisons pour mener à bien nos projets de fins d’études. Ils nous accompagnent et nous guident tout au long du processus avec passion et rigueur."

Le projet que Marie-Claude et moi avons conduit était ambitieux. Les moyens financiers à notre disposition nous empêchaient de réaliser exactement ce que nous avions convenu de faire au départ. Quand je pense entre autres à nos marais filtrants, nous nous sommes débrouillés pour faire diminuer les coûts grâce à la mise en place de dispositifs totalement artisanaux. Il a fallu faire face à la dormance des plantes qui débutaient puisque nous étions en octobre. Mais avec des recherches et le soutien de nos professeurs, nous avons pu contrer cela et mener à terme notre projet. Notre projet de recherche était de plus ambitieux quant à la cueillette de données qui supposait de nombreuses analyses et manipulations. Il a graduellement pris la forme de celui qui a été présenté au concours du Développement durable au Cégep de Rosemont même et à l’ARC et qui nous a valu un prix aux deux endroits. La recherche nous a permis de développer de nombreuses aptitudes de chercheur et technicien en biologie et de nous découvrir des capacités insoupçonnées jusque-là. »

La recherche collégiale prépare un avenir meilleur, dans de nombreux domaines.
En lien avec la recherche qu’ils ont effectuée, les deux étudiants conviennent que la recherche collégiale peut avoir des incidences sur la vie. Selon Marie-Claude, très préoccupée par la conservation des ressources naturelles pour l’avenir, leur recherche sur les marais filtrants est très innovante. Leur but premier était de trouver un moyen de diminuer l’impact négatif des sels afin de pouvoir protéger les milieux aquatiques. Les résultats obtenus au final du projet apporteront probablement, selon son confrère Julien, des éclaircissements sur le sujet et feront peut-être l’objet d’une étude plus approfondie dans un avenir prochain. « Nous avons dû malheureusement simplifier notre protocole alors que l’objectif premier était d’obtenir une recherche plus approfondie en tenant compte de variables supplémentaires comme les concentrations du phosphore total, de nitrates, de nitrites et de l’azote ammoniacal dans l’eau sortant des marais filtrants, par exemple. Une analyse des bactéries en symbiose avec les plantes devait également être faite et, au départ, le projet recueillait quatre plantes dont le phragmite européen qui envahit le Québec actuellement au détriment des quenouilles à larges feuilles. Par ailleurs, ce qui nous tenait vraiment à cœur, c’était de faire une recherche sur un sujet d’actualité et que le fruit de cette recherche puisse faire avancer les connaissances actuelles afin de protéger l’environnement et de contribuer à la conservation écologique. »

Les étudiants estiment ainsi avoir pu souligner les problèmes qu’apporte l’épandage des sels de déglaçage sur les organismes aquatiques et les végétaux, tout en apportant une solution facile et réalisable afin de prévenir ou du moins ralentir la destruction d’écosystèmes. Ainsi, en évitant la destruction d’écosystèmes en réduisant la pollution des sols et de l’eau par le sel de déglaçage, il est possible de conserver à plus long terme la biodiversité qui est une richesse au Québec et qui a un impact direct sur nos vies même si nous n’en sommes pas toujours conscients.
Un cheminement scientifique qui aura des incidences sur les plans personnel et professionnel des deux étudiants

Marie-Claude estime que ce qui a fait sa force durant ce parcours fut sa maîtrise du sujet. « J’aime passer de nombreuses heures à me documenter sur les divers aspects du sujet sur lequel je me questionne. J’ai, durant ce parcours, découvert que la recherche m’intéresse vraiment. J’espère avoir la chance d’en mener de nombreuses autres tout aussi passionnantes au cours de ma carrière professionnelle. » Pour Julien, leurs principales forces ont été la cohésion d’équipe et leur rigueur scientifique : « Nous avions le plus gros projet de notre année scolaire, nous étions passionnés par notre sujet et avions hâte d’en voir les résultats. Nous avons prévu l’ensemble des démarches à suivre lors de l’élaboration du projet, ce qui nous a permis d’éviter des erreurs de manipulations et de faire face aux imprévus comme l’apparition d’une mouche parasitaire mangeuse d’algues et de racines dont nous ne connaissions pas l’existence avant le projet. Cela nous a profité. Nous avons dû faire rapidement le plan de la situation et la recherche littéraire afin d’apporter quelques changements au protocole de départ pour contrer la prolifération du parasite. L’expérience fut extrêmement bénéfique pour nous deux. La vie est truffée d’imprévus et il suffit de prendre le temps de les affronter et de réfléchir pour mieux rebondir. Voilà ce que je retire de cette intéressante expérience qui nous a permis de mieux maîtriser toute la démarche scientifique en travaillant dans des conditions d’encadrement facilitantes. »

Un parcours scolaire signifiant et enrichissant

Selon les deux chercheurs étudiants, la technique de Bioécologie du Cégep de Saint-Laurent leur a de toute évidence permis de se dépasser. « J’ai eu l’occasion quasi unique, précise Marie-Claude, de découvrir un large éventail de domaines auxquels je ne croyais pas m’intéresser. La diversité des cours offerts et la passion des professeurs pour leur domaine respectif m’ont permis de trouver ma voie. » Et Julien de renchérir : « Cela nous permet de nous découvrir comme biologiste, de faire face à nos capacités et d’échanger avec d’autres scientifiques, ce qui est toujours très enrichissant. »






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