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Comment penser le vivre-ensemble dans une société plurielle?


 

Un texte de M. Charles Marois, président du Jeune Conseil de Montréal

 

 

 

 

Plus importante simulation parlementaire municipale francophone en Amérique du Nord, le Jeune Conseil de Montréal est un organisme à but non lucratif qui promeut l’engagement citoyen chez les jeunes Montréalais âgés de 18 à 30 ans. Par ses mandats, il contribue à initier les jeunes à la vie politique municipale, aux enjeux des administrations locales et à contrer le décrochage citoyen.

 

Le Jeune Conseil s’intéresse donc particulièrement au vivre-ensemble et à la création d’espaces de réflexion

Le Jeune Conseil s’intéresse donc particulièrement au vivre-ensemble et à la création d’espaces de réflexion, de débat et d’écoute qui permettent aux jeunes de se doter d’un esprit critique en toute collégialité. Bien que difficile à définir, le vivre-ensemble pour nos membres s’exprime par la reconnaissance de la singularité, l’engagement sincère dans la vie communautaire et la citoyenneté comme forme sociale. Les espaces de réflexion sont quant à eux un outil permettant aux jeunes de discuter de manière informelle, d’approfondir des concepts polarisants et de faire entendre leur voix.

Un espace de réflexion inclusif

Un espace de réflexion inclusif, que ce soit une simulation politique, un panel d’experts ou une table ronde, doit partir du principe de la reconnaissance de l’individualité d’une personne et de ses préoccupations. Ce principe ne marque pas une tendance à la distanciation de l’individu vis-à-vis de la société, mais fonde plutôt l’attente d’une réciprocité, d’une reconnaissance mutuelle de son authenticité. C’est-à-dire qu’il faut lutter contre les discriminations qui réduisent et assimilent les individus à des traits de caractère dépréciatifs. Trop souvent, on ne reconnait pas l’individu dans sa personnalité authentique. Il n’est pas considéré comme quelqu’un, mais bien relégué à sa communauté ou à son groupe marginalisé. Parallèlement, on lui refuse sa qualité d’individu quelconque, puisqu’on l’enferme dans une catégorie. On répond souvent à ces discriminations par des appels au « Prenez des initiatives! », « Soyez responsables! » alors qu’on devrait plutôt envisager de rendre nos espaces de réflexion plus accessibles et représentatifs.
La suite logique de la reconnaissance est l’engagement dans la vie sociale.

L’engagement du citoyen ou de la citoyenne dans la société dépend de la perception qu’il et elle a de l’engagement des autres. Il va de soi qu’un citoyen sera plus enclin à financer des dépenses collectives s’il ressent que tous et toutes y mettront de leur part. À l’inverse, si le citoyen ressent un effet de deux poids deux mesures, une défiance sociale s’installe pouvant aller jusqu’à une défiance envers l’État. La fuite devant l’impôt et la banalisation de la petite corruption en sont des exemples parlants. La défiance produit de la sorte un mélange de ressentiment généralisé et de dissolution simultanée du civisme. On en arrive à douter de plus en plus du changement qu’on peut apporter à notre communauté et d’un véritable vivre-ensemble.

Le vivre-ensemble doit se faire au-delà des droits personnels.

Enfin, le vivre-ensemble doit se faire au-delà des droits personnels. Il doit se définir par la relation aux autres. Dans la même logique qu’on souhaite voir les citoyens et citoyennes participer aux mêmes fêtes nationales ou festives, il faut favoriser les rassemblements réflexifs où tous et toutes sont soumis aux exigences du débat et de la participation aux questions sociétales. Il faut favoriser notre partage de l’espace : l’accessibilité aux transports et aux commerces, le désenclavement des quartiers, la création de places publiques plutôt que d’espaces privés. La citoyenneté doit s’exercer dans sa forme sociale.

La politique municipale est bien souvent la réponse au vivre-ensemble.

En ce sens, la politique municipale, de par la proximité des enjeux à la réalité du citoyen ou de la citoyenne, est bien souvent la réponse au vivre-ensemble. Qu’on discute d’itinérance ou de logements abordables, qu’on cherche à réformer la police municipale ou à instaurer un guichet unique pour les services d’immigration, ou encore qu’on réfléchisse aux impacts de l’économie numérique et participative, la politique municipale concerne à tous les instants l’ensemble des citoyens et leur bien-être. Or, bien souvent, les jeunes peu formés pour débattre et pour analyser la politique ne savent comment participer, argumenter ou faire entendre leur voix. La politique, donnant l’image d’être un jeu d’initiés, intimide. Nous tenons pour acquis qu’en vieillissant nous nous intéresserons naturellement à la chose.

La mission du Jeune Conseil est donc d’initier le plus rapidement possible les jeunes à l’art oratoire et à encourager leur participation active à la sphère publique. Le vivre-ensemble, au-delà du débat, passe aussi par le réseau de solidarité qui doit exister entre les jeunes qui vivent des réalités très différentes au sein de la même ville.

Simulation du Jeune Conseil de Montréal, les Conseils sous 18 ans et les Rendez-vous du parc.

Depuis maintenant trente ans, année après année, le Jeune Conseil travaille à l’éducation civique des jeunes montréalais par la simulation du Jeune Conseil de Montréal, les Conseils sous 18 ans et les Rendez-vous du parc. C’est dans cette logique que notre organisme a, jusqu’à aujourd’hui, initié et formé près de 2000 jeunes dont plusieurs personnalités politiques, tels que l’actuel maire de Montréal, monsieur Denis Coderre, la vice-présidente du comité exécutif, madame Anie Samson et la présidente du Conseil des Montréalaises, madame Cathy Wong. Chaque année, nous soumettons, bonifions et votons, après en avoir débattu, quatre projets de règlements qui seront présentés au Conseil de Ville. Nous analysons les qualités et les travers de la politique apartisane et partisane.

C’est définitivement par la multiplication de ces espaces d’écoute et de discussion que les jeunes sauront maitriser les enjeux auxquels ils et elles sont confrontés. Bien entendu, l’écoute n’empêche pas la confrontation et le débat critique. L’écoute ne sous-entend pas la recherche de consensus. La politique et la rhétorique peuvent parfois être violentes, mais la réalité est que si nous ne permettons pas ces débats en chair et en os, les espaces numériques s’en chargeront pour le bien, et pour le pire. Ces rassemblements permettent de prendre conscience de l’importance du débat et de la confrontation des points de vue pour se forger une opinion sur les réalités politiques, économiques et sociales de notre métropole.

Ce qu’il faut retenir, c’est que l’apparition d’une parole plus diversifiée représente une opportunité de nous interroger sur les manières de penser la politique et le social, leur efficacité, leur rapport à la vie et aux formes de capitaux dans notre société plurielle.