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L’agriculture biologique : pour le présent… et pour l’avenir

1er août 2013- Publié le 31 juillet 20133 - La Nouvelle.net / Aux Jardins biologiques de la ferme-école du cégep de Victoriaville (tout au bout du Boisé des frères), le panorama a tout autant à offrir que chacun de ces jeunes collégiens qui en sont à leur deuxième année de formation en production légumière et fruitière biologique. Ce sont eux qui ont choisi l’angle de l’entrevue de cette année. Parce que depuis trois ans, c’est là, dans cet immense potager d’un hectare, que le prof Ghislain Jutras a implanté sa classe verte.
 

La cohorte 2013 des étudiants de deuxième année en production biologique avec, au-dessus, leur prof, Ghislain Jutras.

Ce sont ces huit collégiens, âgés entre 22 et 30 ans, qui ont voulu parler de leurs parcours, si différents les uns des autres. Et démontrer que l’agriculture, en tout cas la production biologique, n’attire pas que des fils ou des filles d’agriculteurs. D’ailleurs, un seul d’entre les huit (Caleb Lebel était absent ce matin-là) que l’on a rencontrés est né sur une ferme.

Un dénominateur commun relie plusieurs de ces jeunes… Ils ont choisi l’agriculture biologique après quelques incursions dans d’autres «champs». Ils l’ont choisie pour eux… mais aussi pour le bien des autres, pour le bien de la terre. Pour le présent… et pour l’avenir.

Certains, même par philosophie.

Vincent Marcoux

Comme Vincent Marcoux, originaire de Lévis, qui avait amorcé des études universitaires en philosophie justement.

«C’est une question de sens», dit le jeune homme de 24 ans, après avoir multiplié les expériences auprès d’Équiterre, de la ferme La Grenilette. Et qui s’est dit qu’au lieu de palabrer sur l’importance de poser des gestes locaux, il se ferait plus convaincant s’il mettait lui-même les mains à la terre.

Il décrie l’agriculture industrielle qui, finalement, ne nourrit pas la population internationale et déplore que la paysannerie ne soit pas enseignée, ni soutenue, celle qui cultive pour nourrir le monde plutôt que pour nourrir des animaux. «Les agriculteurs produisent à s’en détruire eux-mêmes, tant ils sont stressés et endettés.»

Avec sa conjointe (Caroline Tougas), Vincent dit avoir tout laissé à Québec, incluant un emploi, pour engranger des compétences en agriculture de proximité. Il y a d’autres moyens d’accéder à la terre qu’en la recevant en héritage de ses parents. «Beaucoup de gens ont des terres, mais ne savent pas quoi en faire», dit-il.

Corrine Tougas

Elle aussi âgée de 24 ans, comme son compagnon, Corrine Tougas est née à Berthier-sur-Mer. Elle a étudié en cinéma et en anthropologie avant de mettre le doigt sur ce qu’elle souhaitait, «vivre proche de la nature».

Elle sait qu’il s’agit d’un «rêve exigeant, mais il est primaire et viscéral.» Et elle va un peu à contre-courant du système économique qui force les gens à migrer vers la ville en quête d’un emploi. «Et en ville, les gens sont dépendants. Pour moi, le point le plus important, c’est l’autonomie, Si au, moins, je peux produire moi-même la matière première dont j’ai besoin pour être en vie! Dans le champ, c’est très physique et palpable le contact que j’ai avec la vie.»

Corrine aurait souhaité une voie plus rapide qu’un programme d’études de trois ans avant de parvenir à ses fins, comme travailler sur des fermes.

Caroline Ayotte

Déjà maman d’une fillette de 4 ans, Caroline Ayotte s’est retrouvée en agriculture biologique, d’abord inspirée, dit-elle, par le gros jardin de sa mère à Saint-Justin et par les premiers livres d’Yves Gagnon.

À 26 ans, elle a déjà une longue feuille de route. Elle n’avait que 16 ans lorsqu’elle s’est dirigée vers la Colombie-Britannique pour travailler, durant six ans, tant à la récolte de petits fruits qu’à titre de house keeper dans des hôtels. Ce séjour dans l’Ouest canadien lui a permis d’apprendre l’anglais et de tâter toutes sortes de productions, même la taille de vigne.

Elle est revenue au Québec enceinte, désireuse d’accoucher ici. «Je suis revenue sans projet précis.» Seule avec sa petite, la jeune maman s’est remise aux études, décrochant un diplôme d’études professionnelles en horticulture et jardinerie. «Ma démarche scolaire m’a donné un moment pour me poser.»

Son projet d’entreprise est presque entièrement dessiné et il s’installera à Victoriaville. Caroline a choisi un mode de vie, cultiver et inspirer les autres. Profiter elle-même de sa production biologique… et en faire profiter les autres, les parents, particulièrement.

Sarah Lamontagne

Montréalaise d’origine, Sarah Lamontagne a «découvert» l’agriculture par le Cirque du soleil où elle travaillait à l’atelier de chaussures!

Et c’est dans une école de forge de France où elle a étudié que des Israëliens ont piqué sa curiosité pour l’éco-hameau de La Baie au Québec! Elle s’y est rendue en 2009, a pu s’entretenir avec ses habitants… pour y apprendre que l’agriculture biologique s’enseignait au cégep de Victoriaville.

Sarah s’est inscrite pour une session… avant d’accoucher et a repris le fil du programme collégial de formation, avec tout plein de projets, comme celui de cultiver la terre de son compagnon à Sainte-Clotilde, une terre servant d’arène à des jeux médiévaux.

À 24 ans, Sarah souhaiterait aider d’autres jeunes à accéder à des terres, créer un incubateur d’entreprises. Elle voudrait poursuivre ses études en génie agro-environnemental afin de développer des technologies afin de survivre à l’ère post-pétrolière. «Ëtre agriculteur, souligne-t-elle, c’est observer, s’adapter, analyser et rechercher. Tout change dans la nature et il faut assurer un garde-manger pour nos enfants.»
 

L'immense potager d'un hectare nécessite beaucoup de gestion.

Le cégep de Victoriaville a l'exclusivité au Québec de l'enseignement du profil production légumière et fruitière biologique.

Un grand potager où les collégiens apprennent... et où poussent ce dont les chevreuils et les marmottes raffolent.
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Mélika Brouillette

La plus jeune étudiante de la cohorte, Mélika Brouillette, 22 ans, s’est inscrite en agriculture biologique, suivant en cela l’amour qu’elle a toujours eu pour la nature, les plantes et la nourriture.

Originaire de Saint-Eustache, elle a cumulé deux diplômes d’études professionnelles, un en horticulture ornementale, l’autre en aménagement paysager. Elle dit aujourd’hui de ses deux diplômes qu’ils visaient davantage l’«esthétique», alors qu’aujourd’hui, à l’aise dans son programme de formation, elle joint l’agréable à l’utile, l’utile étant de nourrir du monde.

Son conjoint – un technicien agricole – possédant déjà une terre, Mélika peut viser une production maraîchère à court terme.

Mathieu Picard-Flibotte

Avec Mario Plante, Mathieu Picard-Flibotte est le seul collégien originaire de la région. Il a aussi 22 ans… quelques mois de moins que Mélika, précise-t-il.

Natif et résidant de Sainte-Sophie-d’Halifax, c’est sa passion pour les plantes qui l’a mené vers une formation collégiale en agriculture biologique. «J’ai toujours été fasciné et intrigué par les plantes.»

Mais il y a autre chose aussi. Son père, un enseignant, a toujours possédé une terre qu’il avait achetée et qu’il a essayé de cultiver. Il l’a finalement transformée en pinède. «C’est une des premières terres de Sainte-Sophie qui avait été défrichée. Elle a déjà servi pour des grandes cultures.»

Avec les connaissances qu’il a acquises, Mathieu se dit qu’il faudrait faire disparaître les épinettes qui acidifient le sol. Il étudie la possibilité de convertir cette terre.

De façon plus globale, Mathieu se désole des effets néfastes de l’agriculture conventionnelle. «Le sol, comme un animal, peut être maltraité.» Il dit qu’il sortira du Cégep avec autant de «confusion» que lorsqu’il est y entré. «Ce ne seront pas les mêmes confusions toutefois.» Il n’aspire pas à l’élevage et veut mettre à profit ses connaissances, se disant qu’on n’a pas besoin de cultiver de grandes surfaces, mais d’apprendre les moyens d’améliorer le rendement de plus petites parcelles. Son projet n’est pas encore défini, mais il adore le concret du champ… et l’idée d’être son propre patron.

Mario Plante

Originaire de Victoriaville, Mario Plante est le «doyen» de la cohorte. Il est le seul qui soit né sur une ferme, une ferme laitière. À 30 ans, il a déjà un passé d’informaticien, ayant étudié et travaillé durant quatre ans dans ce domaine à Québec et à Drummondville. Il n’a pas délaissé ce travail parce qu’il lui déplaisait. Mais il lui manquait le contact avec l’extérieur.

Il s’est inscrit en production biologique surtout alléché par la pomiculture, visant reprendre un verger de la région, sinon à en implanter un sur une terre et, à plus long terme, produire du cidre. «Je ne connais qu’un producteur de cidre de pommes bio au Québec. Il y aurait un marché pour cela.»

Travaillant aussi au CETAB+, Mario soutient à avoir appris ce qu’il avait à apprendre de la production. «Il me reste des cours de gestion, car il faut aussi savoir mettre ses produits en marché.»

Sophie Cormier-Rondeau

Née à Montréal, c’est par les voyages que Sophie Cormier-Rondeau, 26 ans, en est arrivée à s’inscrire en agriculture biologique.

Elle a étudié le théâtre et le clown à Montréal et s’est retrouvée, elle aussi, en Colombie-Britannique pour exprimer son art… et participer, pour la paie, à la récolte de cerises. «Mais elles étaient pleines de pesticides.»

Elle a participé au programme Woof (Working on Organic Farm), «par lequel on fournit les bras et en échange, on nous loge et nous nourrit)».

À son retour au Québec, dans une ferme de Sainte-Thècle, elle renouvelle l’expérience de la production maraîchère qu’elle a tant aimée. «Je suis tombée en amour avec ce mode de vie.»

L’art clownesque et l’agriculture, c’est pareil, dit-elle. «Les deux nécessitent de l’effort et du travail, c’est un long labeur.»

Aussi drôles l’un que l’autre? «Si vous saviez comme on rit aussi avec nos petites betteraves!»

Portes ouvertes

Organisée par le CETAB+, une journée porte ouvertes s’organise pour samedi (3 août) entre 13 et 14 heures. On pourra visiter, entre autres, le prolifique jardin des étudiants (35 espèces de fruits et de légumes, une centaine de variétés).

Et le kiosque de vente des produits maraîchers est ouvert tous les jours de la semaine, de 9 à 17 heures et de 9 à 16 heures les samedis et dimanches. À compter du 19 août, le kiosque sera ouvert jusqu’à 18 heures pendant les jours de la semaine et jusqu’à 17 heures les fins de semaine.