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Des artistes d’animation parmi les mieux cotés au pays.

Entrevue réalisée avec madame Catherine Arcand et messieurs Pierre Grenier, et Nicolas Demers, enseignante et enseignants dans les deux programmes en cinéma d’animation du Cégep du Vieux Montréal.

Dessin Élodie Robillard

Au milieu des années 90, l’industrie de l’animation à Montréal est en pleine effervescence. Les entreprises montréalaises dans le domaine constatent qu’il n’existe quasiment pas de formation en dessin animé au Québec. Elles obtiennent du ministère de l’Éducation qu’un programme conséquent soit mis sur pied. Sur leur recommandation, le Ministère de l’Éducation lance le processus d’élaboration d’un programme de dessin animé. Les choses vont rondement. Il ne s’écoule qu’un an et demi entre l’analyse de situation de travail et l’implantation du programme. Dans la logique des choses, il devient rapidement évident qu’un programme d’animation 3D doit également être créé et offert dans un même collège. Les suites sont très intéressantes. Pierre Grenier, Catherine Arcand et Nicolas Demers, tous 3 enseignants dans les deux programmes en cinéma d’animation du Cégep du Vieux Montréal, en témoignent.

Le département de Cinéma d’animation du Cégep du Vieux Montréal voit le jour en 1999

« Les programmes ont évolué dans le temps à travers une progression constante de la qualité du travail produit par les finissants », précise le coordonnateur du département Pierre Grenier.
 

Dessin Animé Vanessa Lalonde

 « Année après année, les enseignants on affiné leurs méthodes et resserré l’encadrement des finissants, amenant ces derniers à se concentrer sur la qualité du travail à fournir. La qualité du travail de nos finissants n’a pas été longue à être remarquée par l’industrie. Maintenant les projections de fin d’année du département sont fréquentées par maintes compagnies désireuses d’embaucher, et plus d’une douzaine de commanditaires renommés nous permettent de remettre chaque année près de 10 000 $ de bourses à nos étudiants finissants ».
 

Dessin Animé Sabrina Denault

« Lors de nos galas, des diplômés de nos programmes sont maintenant en mesure de s’impliquer à titre de commanditaires », ajoute Nicolas Demers. « Par exemple, un diplômé d’animation 3D, M. Jean-Pierre Vaillancourt, offre depuis plusieurs années des bourses lors de nos galas, soit par l’entremise de ses compagnies ou en son nom personnel. Et en 2014, deux finissants 3D ayant fondé leur propre compagnie (Edge dimension) ont offert une bourse qui ne sera certainement pas la dernière »!

Un département reconnu pour son dynamisme…

Un esprit de confrérie et d’entraide s’est graduellement développé au fil des années contribuant à créer dans le département un milieu particulièrement  propice aux échanges d’idées, à l’interstimulation créative et à l’éclosion de talents personnels. « Le fait que la majorité des enseignants aient déjà été des collègues dans l’industrie ou se soient à tout le moins connus avant d’enseigner au Cégep aide à la cohésion de l’équipe », indique Catherine Arcand. « Le taux d’absentéisme aux réunions départementales mensuelles avoisine le zéro. L’atmosphère y est détendue et collégiale. Il est à noter que les réunions départementales ne réunissent pas que les enseignants, mais également les deux techniciennes en travaux pratiques. Ces dernières font partie de l’équipe à part entière et sont consultées sur tous les sujets. L’une de ces techniciennes a collaboré à l’implantation du département, et l’autre est une diplômée de dessin animé de la cohorte 2003. Leur apport est précieux dans toutes les réalisations du département ».

Pour la qualité de son approche interdisciplinaire…

Pierre Grenier le confirme : « les projets communs ont une place de choix dans nos projets de formation. Les enseignants sont en constante communication dans différents cours. Lorsque c’est possible, des projets communs sont même élaborés avec des enseignants des disciplines contributives que sont le graphisme, les arts plastiques et l’histoire de l’art, favorisant ainsi une communication interdépartementale de grand intérêt ».

En plus d’être en communication quant au contenu de certains cours spécifiques, les enseignants se réunissent également au sein d’équipes niveau. Catherine Arcand précise : « les enseignants qui donnent des cours en 3e session, par exemple, échangent fréquemment au sujet d’étudiants éprouvant certaines difficultés, afin de vérifier s’ils ont un problème seulement dans un cours en particulier, ou si la situation est généralisée. On est alors à même de vérifier si un étudiant vit une situation personnelle difficile, s’il éprouve des difficultés d’apprentissage ou fait simplement face à une question d’orientation »!

Son esprit d’équipe

La technique enseignée au département de Cinéma d’animation du Cégep du Vieux Montréal laisse beaucoup de place à l’expression personnelle des étudiants, surtout dans le cadre de leur troisième année de formation. Pour le projet de fin d’études, les étudiants finissants doivent produire un film d’animation complet! L’accompagnement des enseignants durant cette période est crucial. L'enseignant doit favoriser le développement du plein potentiel de chacun par le biais d’un encadrement qui lui permet de rencontrer les standards de l’industrie.

Ingénieur du ciel

« Dans cette optique, l’esprit d’équipe et de corps sont indéniables et ne caractérisent pas uniquement l’équipe enseignante. Nos étudiants sont reconnus pour travailler tous les soirs au collège, et même la fin de semaine dès la demi-session » ajoute Nicolas. Cette pratique tisse rapidement des liens très forts entre les étudiants. Nous remarquons également depuis quelques années un partage de connaissances et une collaboration fréquente entre finissants de dessin animé et d’animation 3D, les étudiants de chaque programme s’apportant l’un et l’autre les connaissances spécifiques à leur champ d’études. Un nombre grandissant de finissants en dessin animé poursuivent d’ailleurs leurs études en complétant également un DEC en animation 3D ». Le département tient de plus des activités d’encadrement à l’extérieur des cours dans le cadre de :

  • la présentation par les étudiants de leur concept de film : les enseignants présents apportent leurs commentaires et suggestions pour améliorer la clarté du propos et orienter l’encadrement nécessaire à l’étudiant;
  • la présentation de l’étape préliminaire de production des films animatiques, commentée par les autres étudiants, les enseignants et même des diplômés qui se déplacent pour l’occasion;
  • l’organisation des projections de fin d’année (‘galas’) : les films des finissants sont projetés, en présence de parents et amis, mais surtout de représentants de l’industrie. Des bourses sont alors remises, et par la suite se tient un cocktail pendant lequel, finissants et employeurs peuvent échanger et amorcer une relation d’affaires. Des DVD sont produits et disponibles en prévente afin de financer l’événement. Il est à noter que l’organisation de ces galas auto financés s’échelonne sur toute l’année scolaire, soit d’août à juin.

Le PIXEL CHALLENGE, une compétition renommée de création de jeux vidéo et d’animation

Plusieurs mérites ont été décernés au département au fil des ans. Plus récemment, une équipe de cinq finissantes du programme de Dessin animé a remporté le premier prix de 5000 $ dans la catégorie mini-métrage d’animation au Pixel Challenge, qui se tenait à Québec les 23 et 24 mai derniers. Il s’agit d’un événement important pour le développement des affaires et des ressources humaines pour les studios de jeux et d’animation du Québec. C’est aussi l’occasion pour les futurs professionnels de côtoyer les acteurs de l’industrie.

« Le PIXEL CHALLENGE est une compétition de création de jeux vidéo et d’animation de grand niveau, précisent les enseignants. Les participants ont 46 heures pour créer un jeu vidéo ou un mini-métrage d’animation. Les 5 filles de l’équipe gagnante étaient toutes finissantes du programme de dessin animé. Elles ont décidé de leur propre chef de participer à cette compétition. Pendant l’événement, les organisateurs ont été impressionnés par leur sens de l’organisation et par leur capacité à produire en situation de stress. La qualité de leur esprit d’équipe a également été remarquée. Comme il s’agissait de la première participation de représentants du département à cette compétition, nous sommes d’autant plus fiers qu’elles aient remporté le premier prix, car elles se mesuraient à des professionnels de l’industrie! Nous espérons que l’expérience sera renouvelée l’an prochain, et que ce premier succès stimulera d’autres étudiants à vouloir s’illustrer dans d’autres événements ».

Défis et perspectives?

Avant de parler des ambitions du département, les trois enseignants abordent le possible défi qui les attend. Les changements technologiques, principalement en dessin animé, pourraient amener à moyen terme des modifications à l’enseignement de cette discipline, indique le coordonnateur du département. « Ces modifications pourraient être aussi importantes que celles qui ont forcé les programmes de photographie à passer de la technique argentique à la photo numérique. Ironiquement, ce changement ne serait pas provoqué par une demande de l’industrie, mais bien par le manque de disponibilité graduel des fournitures et équipements. En effet, si les représentants de l’industrie nous répètent régulièrement que notre approche dite ‘traditionnelle’ d’animation sur papier est la meilleure pour favoriser l’apprentissage du dessin, les fournisseurs d’équipement, quant à eux, semblent décidés à imposer l’approche dite, «zéro papier», directement sur tablette graphique. C’est sans compter les investissements importants que nécessiterait une telle métamorphose, et le département n’est pas convaincu que ce changement serait bénéfique pour les étudiants ».

« Ceci dit, nous avons le sentiment que nous arriverons peut-être bientôt à un plafonnement du niveau de qualité des films des finissants. Loin d’être dramatique, ce plafonnement s’expliquerait par le temps limité alloué aux finissants pour réaliser leur film, temps bien sûr dicté par la structure même des programmes de niveau collégial et par la maturité artistique somme toute encore bien fragile d’étudiants de cégep. L’équipe d’enseignants explore actuellement les différentes avenues qui pourraient permettre à des étudiants d’entreprendre des projets de plus grande envergure en atteignant un niveau de maîtrise technique et d’efficacité narrative qui les hisserait au niveau des grandes écoles d’animation européennes ».

Favoriser le développement maximal des  étudiants

Au département de Cinéma d’animation du Cégep du Vieux Montréal, tous les projets permettant aux étudiants de développer leurs compétences dans un contexte de production sont regardés à la loupe.  À titre d’exemple, sous la supervision d’une enseignante, une petite équipe travaille actuellement à un court métrage pour l’organisme ‘Canada hippique’. Ce film d’environ une minute soulignera l’apport du cheval au développement du Canada et jouira d’une visibilité d’un océan à l’autre!

             
La production indépendante du court métrage « Le Gouffre », réalisé par trois diplômés du programme d’animation 3D, dont un ayant également complété le programme de dessin animé, témoigne de l’ambition des uns et des autres.

Les trois coréalisateurs, messieurs Carl Beauchemin,Thomas Chrétien et David Forest ont travaillé sans salaire pendant plus d’un an à la production de ce film qui fait actuellement le circuit des festivals à travers le monde. Le film financé quasi entièrement de leur poche,_ seul un montant de 25 000 $ a été amassé par l’entremise du site Kickstarter_ démontre un niveau de maîtrise technique remarquable. En plus de mettre l’équipe en contact avec des mentors de l’industrie, le département a contribué au financement de la sonorisation et a offert aux réalisateurs une bonne visibilité lors d’événements de promotion. Le blogue de l’équipe sur la production du film peut être consulté ici tout comme le site web du département, développé par une enseignante et une des techniciennes.

Le Cégep du Vieux Montréal est la seule institution publique à offrir deux programmes en cinéma d’animation. Les deux profils sous la coupole d’un seul et même département rendent possible une perméabilité des compétences unique dans le monde de l’éducation.Le Cégep du Vieux Montréal et ses enseignants en sont fiers et les étudiants en retirent un large profit.

Entrevue réalisée par Mme Marie Lacoursière.






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