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Renouveler l’engagement envers la réussite

Dossier préparé par Mme Thérèse Lafleur.

« Continuons à oser la réussite ! » Message de clôture de la présidente du Comité d’orientation du congrès de la Fédération des cégeps, Marie-France Bélanger, directrice générale du Cégep de Sherbrooke, et aussi message invitant à persévérer avec audace. Après 20 ans de plans de réussite et malgré tous les efforts, un constat : le taux de diplomation au collégial demeure stable —autour de 62 % —dans un monde en perpétuel changement.

C’est à Saint-Hyacinthe, les 30 et 31 octobre 2019, lors de la 12e édition du congrès placée sous le thème de la réussite au collégial, que sa présidente, madame Bélanger, a rappelé la fierté de voir le cégep définitivement ancré dans le paysage québécois. Elle a aussi souligné que le réseau collégial a la maturité nécessaire pour remettre en question ses façons de faire en matière de réussite.

Pourquoi continuer ? Comment oser la réussite ? À ces questions, madame Bélanger répond « Pour aller plus loin et mener davantage de jeunes et d’adultes jusqu’au bout d’une première route, vers la diplomation, qui se poursuivra en formation tout au long de la vie. Pour avoir le courage d’aborder le sujet délicat de la réussite, le courage d’en discuter, le courage de se demander si nos efforts atteignent bien leur cible. Tout en gardant, bien sûr, la conviction rassurante que, dans les directions et chez l’ensemble des membres du personnel des collèges, tous sont prêts à y travailler en partageant une vision de la réussite liée à l’accomplissement personnel et professionnel.

« Notre volonté d’actualiser cette notion de réussite, qui est à la base de la mission des cégeps, nous devons la partager largement au sein de notre réseau, et garder à l’esprit qu’elle est indissociable des éléments que nous ne contrôlons pas et qui forment la toile de fond, le contexte dans lequel nous nous inscrivons . Depuis leur création, les cégeps ont toujours été des acteurs importants de leur époque. Nous avons, aujourd’hui encore, la responsabilité de nous placer en avant de la vague au bénéfice des jeunes, des adultes et du Québec tout entier. L’enjeu est fondamental. Nous sommes déjà dans l’action par rapport à la réussite au collégial. Continuons de cheminer ensemble vers l’objectif d’être, pourquoi pas, les meilleurs en matière de réussite ! Parce que le Québec, ses jeunes et ses adultes, n’en attend pas moins de notre part. » affirmait madame Bélanger dans son message de clôture.

Et si la réussite relève davantage d’un processus que d’un résultat, comme le mentionnait le sociologue Guy Rocher lors du congrès, il faut convenir que trouver le moyen de susciter un engagement collectif et continu envers la réussite s’avère un défi de société.

Une bienveillante réflexion collective

Après 20 ans de plans de réussite, la Fédération des cégeps a amorcé une réflexion collective sur l’état de la situation visant à convenir d’une vision renouvelée de la conception de la réussite. Le Comité pluridisciplinaire de réflexion sur la réussite au collégial mis sur pied en 2017 proposera à la Fédération un rapport comprenant, entre autres, un portrait de la réussite basé sur des données probantes, une identification des pratiques porteuses, la détermination d’une vision partagée de la réussite au sein du réseau, des orientations et des engagements, ainsi que des recommandations au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Un plan de mise en œuvre des orientations et des engagements sera aussi élaboré.

Au congrès d’octobre dernier, des membres de ce Comité piloté par Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération, soutenu par Carole Lavoie, chargée de projet et ancienne directrice générale du Cégep de Sainte-Foy, et auquel participent Nathalie Vallée, directrice générale du Cégep Ahuntsic et Marie-France Bélanger, directrice générale du Cégep Sherbrooke, ont abordé l’engagement collectif en matière de réussite des étudiants. Lors du congrès, mesdames Lavoie, Vallée et Bélanger ont proposé de poser Un regard critique, lucide et courageux pour envisager des actions audacieuses.

Regarder autrement, agir différemment

L’année 2000 a vu l’arrivée des premiers plans de réussite à l’initiative du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur d’alors, François Legault. Parallèlement le Carrefour de la réussite a été mis en place et la Fédération s’est penchée sur la situation réseau en matière de réussite. En 2018, l’éducation était identifiée comme une priorité gouvernementale par le même François Legault, maintenant premier ministre du Québec. Après 20 ans, les collèges amorcent donc la cinquième génération de leurs plans de réussite et la Fédération renouvelle sa réflexion sur la réussite. Vingt années d’expériences, de mobilisation et de concertation dans lesquelles puiser pour en arriver à une conception actualisée de la réussite. Pour la qualifier.

« Parce que réussir repose avant tout sur les aspirations de l’étudiant. Cela ne se fait pas dans un environnement neutre, mais dans un milieu éducatif stimulant, offrant des défis diversifiés et de bons niveaux tout en étant inclusif et bienveillant, ce qui génère un climat propice aux études. » expliquait Carole Lavoie lors du congrès.

À partir des travaux menés jusqu’à aujourd’hui, le Comité de réflexion est en mesure de dégager quelques constats généraux. D’abord, et malgré la relative stabilité illustrée par le tableau précédent, la mobilisation envers la réussite est grande au sein des établissements et intègre de plus en plus la formation continue.

Cependant, et même si beaucoup de choses se font en classe, ce sont surtout les mesures complémentaires à l’enseignement qui ont fait l’objet de travaux institutionnels. À partir d’une analyse des données par sous-groupes, le Comité estime qu’il y a lieu d’approfondir tout particulièrement la réussite de certains d’entre eux dont les résultats sont préoccupants : les garçons, les étudiants inscrits dans le cheminement Tremplin DEC et ceux ayant moins de 75 % de moyenne générale au secondaire. Par ailleurs, il reste difficile d’évaluer l’effet des mesures mises en place.

Des bouleversements majeurs

Toujours lors du récent congrès, Nathalie Vallée expliquait « qu’en 20 ans, la situation a changé même si la réussite demeure stable. » Elle a détaillé dix bouleversements susceptibles d’avoir eu un impact sur les taux de réussite :
1. Plus grande diversité étudiante (étudiants en situation de handicap, issus de l’immigration, parents, internationaux, etc.) ;
2. Attentes et aspirations diversifiées chez les étudiants qui ont d’autres priorités ou encore priorisent autrement leurs études dans les différentes sphères de leur vie ;
3. Étudiants admis avec des unités manquantes (admission conditionnelle, réussite des cours manquants à la première session) ;
4. Acquis diversifiés dans la maîtrise des technologies chez les étudiants se limitant parfois à la gestion des médias sociaux ;
5. Usage répandu du web offrant de l’information en abondance et de la formation hors des établissements ;
6. Programmes d’études révisés en profondeur et aux exigences accrues ;
7. Attentes sociales relatives au développement d’habiletés du 21e siècle, notamment en ce qui a trait à la communication, au travail d’équipe, à la créativité, à l’esprit critique, à la littératie numérique et à l’adaptation ;
8. Marché du travail avide d’avoir des gens prêts à l’emploi dans un contexte de rareté de main-d’œuvre ;
9. Structure d’emploi en mutation, des emplois qui se transforment, de nouveaux emplois qui se créent et de la formation en cours d’emploi ;
10. Diplôme d’études secondaires (DES) qui ne suffit plus, selon Emploi-Québec 80 % des nouveaux emplois nécessiteront une qualification postsecondaire.

Oser quelques questions

Devant la situation, le Comité de réflexion se questionne sur les pratiques des cégeps en fonction des données issues de la recherche. En ce sens, Marie-France Bélanger précise ces questionnements qui sont détaillés dans la présentation disponible en ligne :
- Un centre d’aide est efficace quand ? Sous quelles conditions ? Le tutorat par les pairs peut-il être pensé autrement ?
- La pédagogie de la première session ou première année consiste en une pédagogie particulière ou en des interventions particulières ? Quels en sont les effets ?
- Y a-t-il lieu de réfléchir à notre manière d’évaluer la maîtrise de la langue ? Peut-on évaluer la maîtrise des compétences durant une période de temps plus « flexible » ? Peut-on utiliser les résultats d’apprentissage comme rétroaction sur l’effet de l’enseignement ?
- Devons-nous accorder une priorité à l’analyse des résultats des sous-groupes dont le taux de réussite est préoccupant afin de mieux cibler des pistes ou des thèmes de recherche-action ?
- Quel est le contexte particulier de la réussite jusqu’à l’obtention d’une attestation d’études collégiales (AEC) ? Comment aborder la formation tout au long de la vie devant les besoins impérieux du marché du travail ?
- Comment valoriser et soutenir davantage des pratiques ou des interventions exemplaires ?

La modélisation de pratiques à impact élevé

Dans la foulée des travaux du Comité de réflexion sur la réussite, les pratiques d’enseignement tout comme les interventions à impact élevé semblent des pistes prometteuses. C’est d’ailleurs en se basant sur les données de la recherche scientifique que Carole Lavoie a développé un premier modèle pour analyser les pratiques exemplaires. Elle prévoit développer ce type de modèle pour les interventions à impact élevé dans un environnement éducatif, par exemple pour favoriser l’engagement étudiant. Les données sur les pratiques porteuses via ces grilles d’enseignement et d’intervention devraient être disponibles pour le printemps 2020 et pourront permettre de dégager des voies d’action porteuses qui ont fait leurs preuves et qui sont documentées dans des publications scientifiques.


Quels leviers entrevoir pour l’avenir ?

Le taux de diplomation de 62 % qui se maintient depuis 20 ans est confrontant pour le réseau collégial. Toutefois, rappelons que ce taux est stable dans un monde en changement. Et que si rien n’avait été fait, sans l’agilité qui fait la force des collèges pour s’adapter, auraient-ils la note de passage ? Maintenir le cap a été exigeant et sûrement productif. Des pratiques d’expériences porteuses s’en dégagent et serviront de leviers.

Néanmoins le nécessaire exercice de lucidité entrepris par le réseau des cégeps est preuve de la maturité du réseau collégial. Les collèges amorcent, individuellement et collectivement, un mouvement de relance de stratégies centrées sur la réussite, de mobilisation des acteurs et de valorisation des pratiques reconnues par la recherche tout en s’assurant d’évaluer leurs effets par souci de transférabilité et de pérennité.






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