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L’apprentissage autonome au cœur de la réussite

Par Catherine Bélec, enseignante et chercheuse, Cégep Gérald-Godin, coordonnatrice du Laboratoire de soutien en enseignement des littératies (LabSEL)

 

Le 31 octobre dernier a eu lieu au congrès Oser la réussite, organisé par la Fédération des Cégeps, une conférence intitulée « L’apprentissage autonome au cœur de la réussite : Définitions, facteurs de développement et pistes d’intervention » donnée par Catherine Bélec. Cet article résume les principaux points de la présentation.

Pour aborder la question de l’autonomie et de la réussite, il importe d’abord de préciser de quelle réussite il est question. Dans le cadre de l’apprentissage autonome, la réussite ne saurait se limiter au cadre scolaire : elle doit s’étendre à l’éducation, ce qui inclut l’instruction, certes, mais aussi la socialisation, la qualification et la réalisation personnelle de l’individu (Carle, 2017).

Métacognition et autorégulation.

L’apprentissage autonome est souvent confondu avec les concepts de métacognition et d’autorégulation. La métacogntion, bien qu’elle puisse référer à tout ce que sait l’individu sur sa propre cognition, gagne à être perçue comme une structure mentale composée d’un noyau relativement stable, composé de stratégies d’apprentissage diverses, d’une part, et d’un processus actif de régulations cognitives (anticipation, contrôle, adaptation), d’autre part. Ce composé se combine à d’autres dimensions (affective, comportementale, contextuelle) adoptant la même structure pour former ce que l’on nomme l’autorégulation.

L’autorégulation est un processus multidimensionnel d’interactions, à la fois cyclique et itératif, autogénéré par l’individu et ayant pour objectif de permettre son adaptation en fonction d’un but (qui peut lui-même se modifier selon les besoins de l’individu et de la situation). Cependant, lorsque l’on évoque l’autorégulation en contexte éducatif, on réfère à quelque chose de plus précis : dans ce cas, le but poursuivi en est un d’apprentissage. Ainsi, lorsque l’on dit d’un étudiant qu’il possède une bonne autorégulation, cela veut dire qu'il orientera de manière pertinente la gestion de ses fonctions exécutives (anticipation, contrôle, régulation) afin de réaliser des apprentissages.

Une bonne autorégulation aura aussi pour effet d’induire une interaction fonctionnelle entre l’apprenant dans son individualité complexe, et le contexte de l’apprentissage ainsi qu’avec les régulations qu’il véhicule. Car si l’individu est soumis à plusieurs régulations internes, il est aussi en interaction constante avec des régulations externes issues du contexte où il apprend, régulations qui peuvent faciliter son apprentissage et la mise en œuvre de son autonomie – ou nuire à ceux-ci. Parmi les régulations externes à considérer, se retrouve l’environnement physique, le temps, les ressources financières et matérielles, les signes permettant la symbolisation des savoirs (images, langage, objets, etc.) et les médias qui véhiculent ces derniers ainsi que, bien entendu, le contexte social – celui-ci étant généralement composé des autres apprenants et de l’enseignant. Dans ce contexte, ce sont souvent les régulations initiées par l’enseignant sur les apprenants qui auront le plus d’effet, non sur leur réussite, mais sur le développement de leur autonomie.

Régulations contrôlantes et régulations structurantes

En effet, Buysse (2015) identifie les régulations des enseignants comme pouvant appartenir à deux catégories : contrôlantes et structurantes. Les régulations contrôlantes, comme leur nom l’indique, relèvent de ce que l’enseignant choisit, fixe et contrôle. Les régulations structurantes sont d’une autre nature : elles surviennent lorsque l’enseignant explique les concepts sous-tendant le savoir à intérioriser, démontre le sens que peut prendre ce savoir et la logique dont il découle ou met à disposition des apprenants des outils permettant de révéler ceux-ci. Ce sont ces dernières régulations qui sont le plus efficaces pour développer ce que les écrits spécialisés nomment le self-regulatedlearning (SRL) et que nous appellerons l’apprentissage autonome.  Ce concept est complexe : selon les écrits, il est tour à tour employé comme une manière d’apprendre et un style d’apprentissage, comme une compétence à apprendre de manière autonome ou comme une situation d’apprentissage structurée de manière à ce que l’étudiant apprenne de cette façon. En fait, toutes ces facettes se soutiennent mutuellement et interagissent avec l’autorégulation de l’individu et les régulations du contexte d’apprentissage : c’est de la bonne interaction de ces multiples dimensions que dépend la réussite du processus. Cela implique que beaucoup d’éléments peuvent nuire au développement l’apprentissage autonome, mais aussi que le système éducatif a, de son côté, plusieurs voies d’intervention pour faciliter ce dernier.

Favoriser le développement d’une préférence

Pourquoi vouloir favoriser le développement d’une préférence, chez les étudiants, pour un style d’apprentissage autonome? Plusieurs études (Buysse et al., 2014 ;Focant et Grégoire, 2008 ; Zimmerman et Martinez-Pons, 1992) montrent que les étudiants ayant une préférence pour ce style d’apprentissage ont des caractéristiques récurrentes qui les mènent à persévérer dans leurs études, à réguler leurs apprentissages selon leurs besoins (autodifférenciation) et à réussir. Par ailleurs, ils tendent à transférer davantage leurs apprentissages que la moyenne des étudiants. Comment développer ce type d’apprenants? Plusieurs facteurs peuvent jouer un rôle dans cette visée :

1. Donner aux étudiants les moyens d’exercer leur autonomie;
2. Fournir des buts significatifs impliquant des apprentissages en profondeur;
3. Donner une place d’honneur à la métacognition;
4. Protéger la motivation scolaire et affective, notamment en offrant un apprentissage        par boucles de régulation afin de permettre à l’apprenant de combler graduellement       l’espace entre sa performance actuelle et celle attendue;
5. Fournir des rétroactions visant le développement de l’autorégulation; ces rétroactions    doivent être fréquentes et les erreurs doivent être abordées comme un tremplin à          l'apprentissage plutôt qu'une faiblesse (pédagogie de l'erreur);
6. Offrir aux apprenants l’occasion de vivre des conflits cognitifs;
7. Créer un espace où les élèves doivent être actifs et, surtout, autonomes.

Donner aux étudiants l’occasion d’être actifs dans leurs apprentissages

Il y aurait beaucoup à dire sur chacun de ces éléments ; pour avoir plus d’informations et voir les recommandations quant à chacun de ces facteurs, il est possible d’accéder à la présentation ici. Compte tenu des limites de cet article, nous nous contenterons de nous attarder sur le dernier point mentionné : donner aux étudiants l’occasion d’être actifs dans leurs apprentissages et, surtout, autonomes – car, en effet, pour devenir autonome, il faut avoir l’occasion d’être en charge d’une certaine part de contrôle sur son apprentissage. Or, quels choix les étudiants du collégial ont-ils l’occasion de faire? Force est de reconnaître qu’ils ne déterminent que bien peu de choses dans leurs processus d’apprentissage, que ce soit lors de la planification de ceux-ci (objectifs, échéanciers, ressources, démarches, types d’activités), de l’évaluation de leur progression (nature et fréquence des rétroactions) ou de la manière dont ils pourront rendre compte de leurs apprentissages. L’OCDE (2018) souligne : « Des élèves qui se préparent à l’avenir doivent avoir la capacité d’agir sur leur propre formation comme sur leur vie de manière générale. […]

 Développer, graduellement, cette autonomie à l’intérieur même des cours

Pour agir, il faut être capable de définir un but et de déterminer les actions nécessaires pour y parvenir » (p.5).Dans les médias, on évoque régulièrement l’option d’un éventuel système « à la carte »pour les étudiants du collégial ; ceci dit, considérant que les étudiants arrivant au collégial n’ont jamais eu l’occasion de développer leur autonomie, on peut douter, avec raison, de leur capacité à décider de leur formation. Les propos de la conférence se terminaient sur cette question : entre le système actuel et un système à la carte, n’y aurait-il pas lieu, pour le collégial, de se donner la mission de développer, graduellement, cette autonomie à l’intérieur même des cours et programmes en mettant en place les différents facteurs favorisant le développement d’apprenants autonomes? Il apparait que cette voie serait probablement la plus prometteuse, tant à moyen (études collégiales) qu’à long terme (apprentissage tout au long de la vie) pour la réussite éducative des collégiens. 

Références :

Buysse, A. (2015). Contrôle attentionnel lors des régulations. Une autre manière de concevoir l'attention exigée durant les apprentissages - In:SchweizerischeZeitschriftfürBildungswissenschaften 37(3), p.502-525.

Buysse et al. (2014). Intervention sur les préférences d’apprentissage pour favoriser la persévérance et la réussite scolaire lors du passage de cycles ou de secteurs de formation du secondaire. Rapport de recherche - Programme Actions concertées (2014-AP-179006), 105 pages.

Carle, S. (2017). Voir autrement la réussite des étudiants au collégial. Pédagogie collégiale, 30(3), p.34-43.

Focant, J. et Grégoire, J. (2008). Les stratégies d'autorégulation cognitive : une aide à la résolution de problèmes arithmétiques. dansCrahay et al. Enseignement et apprentissage des mathématiques, De Boeck Supérieur, p.201-221

OCDE (2018). Le futur de l’Éducation et des compétences : Projet Éducation 2030. Document téléaccessible

Zimmerman, B. J. et Martinez-Pons, M. (1988). Construct validation of a strategy model of student self-regulated learning. Journal of Educational Psychology, 80, p.284-290.






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