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L'IVI : moteur de l'électrification des véhicules

 

 

Entrevue avec monsieur François Adam, directeur général de l’Institut du véhicule innovant (IVI) affilié au Cégep de Saint-Jérôme

 

L’électrification des véhicules est dans l’air du temps. Il ne se passe pas un jour sans qu’on y fasse allusion dans les grands médias. La volonté politique de diminuer les émissions de GES et de remplacer les hydrocarbures par des sources d’énergie moins polluantes, en particulier par l’électricité au Québec, sollicite des efforts accrus en matière de recherche, d’innovation et de développement. Le secteur du transport étant un des principaux émetteurs de GES, on devine facilement qu’il fait l’objet d’une attention particulière. L’électrification représente une alternative des plus avantageuses pour les diminuer. Dans un tel contexte, on comprend que le CCTT du Cégep de Saint-Jérôme dans le domaine du véhicule innovant ait le vent en poupe. Nous en parlons avec son directeur général, monsieur François Adam.

Après avoir prêché dans le désert

D’entrée de jeu, monsieur Adam confie qu’« après avoir prêché dans le désert pendant de nombreuses années, il y a maintenant beaucoup d’action dans le domaine et [que] cela s’accélère. L’éveil se situe à tous les niveaux ; des plans d’action sont mis en place par le gouvernement du Québec. Une nouvelle grappe en transport électrique et intelligent se positionne ».

Un camion de livraison 100 % électrique
Les exemples de développements et de projets concrets abondent. À titre d’exemple, François Adam parle du projet de camion de livraison 100 % électrique.

Même s’ils passent beaucoup de temps sur la route, les camions de livraison parcourent généralement de petites distances, ce qui en fait d’excellents candidats pour l’électrification. Par ailleurs, chaque camion de livraison électrique permettrait de réduire de 15 à 20 tonnes par année les émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation de camions de livraison 100 % électriques offre donc aux entreprises un grand potentiel économique et environnemental. « L’Institut y travaille avec l’entreprise Nordresa fondée par un employé du Centre. Nous avons supporté l’entreprise dans le développement du prototype et le considérons un peu comme un bébé de l’IVI. Il y a un grand potentiel de développement à l’échelle de la province et du pays pour remplacer les camions de livraison actuels. À vue de nez, la moitié de la flotte actuelle pourrait être remplacée par des camions électriques. Le camion roule sur les routes actuellement et il est en évaluation. »

Une flotte de taxis électriques
« L’Institut travaille également avec Téo Taxi. Dans une journée, les taxis sont beaucoup plus utilisés que les véhicules personnels qui émettent beaucoup moins de GES qu’un véhicule taxi qui roule 24 heures sur 24. L’impact sur l’environnement de chacun de ces véhicules est ainsi beaucoup plus important. Les travaux menés en collaboration avec Téo Taxi portent ainsi sur les problématiques que la société rencontrera dans les dix prochaines années ans avec un nombre important de véhicules électriques sur les routes. Téo Taxi vit donc dans l’immédiat avec sa flotte importante de véhicules électriques les problèmes que connaîtra toute la société dans quelques années : problèmes de chargement et de réparation des véhicules et des équipements de recharge. Ils mettent ainsi en place l’infrastructure requise permettant de faire fonctionner toute une flotte au regard de la réparation, des pièces de remplacement pour les équipements de recharge. Avec une flotte de 100 véhicules, il arrive bien sûr des accrochages. Les véhicules doivent donc être réparés. Nous faisons une étude sur le vieillissement des batteries utilisées de façons très agressives. Nous devons évaluer de ce fait la vitesse de dégradation du parc de véhicules. »



Un autobus électrique

François Adam considère leur partenariat avec Autobus Lion, manufacturier d’autobus scolaire à Saint-Jérôme, comme une des belles réalisations de l’Institut. Le véhicule actuellement commercialisé au Québec et aux États-Unis depuis 2016 connaît un enviable taux de croissance. L’entreprise parle même d’ouvrir une seconde usine en Californie. « Il s’agit là d’un très beau succès. Nous avons développé pour eux le premier concept d’autobus électrique scolaire et nous avons transféré totalement chez eux la connaissance en les aidant pour les premières unités de préproduction. L’entreprise Lion est maintenant totalement autonome même dans le développement de nouvelles plates-formes. Elle développe actuellement quatre nouveaux véhicules à savoir deux camions et deux autobus. Il s’agit là d’une véritable réussite en matière de transfert de connaissance. »



Électrification d’un bateau de ski nautique
L’électrification des véhicules prend des formes variées. L’Institut travaille à titre d’exemple sur un projet de bateau de ski nautique électrique. M. Adam mentionne deux des avantages attendus : l’électrification accélère la rapidité du départ, favorisant ainsi l’accélération de la sortie de l’eau du skieur; en plus, celui-ci ne reçoit pas au visage les gaz d’échappement du moteur. « En fait, à peu près tout peut s’électrifier. Le Québec n’a pas vraiment de fabricants de véhicules automobiles. Par contre, il dispose de nombreux fabricants de véhicules plus spécialisés  et c’est avec eux que nous travaillons. Que ce soit les bateaux, les motos ou les véhicules utilitaires dans les usines. »

L’intelligence véhiculaire
L’Institut travaille également dans le domaine de « l’intelligence véhiculaire ». Nous pensons bien sûr ici aux véhicules autonomes développés par Google ou Tesla. Mais, plus largement, il s’agit de tout ce que l’on met comme intelligence dans le véhicule à savoir des formes simples comme des alertes, des aides à la conduite qui avisent le conducteur de ce qui se passe autour du véhicule, et ce, jusqu’à l’automatisation complète du véhicule. Un des projets phares du Centre dans ce domaine s’appelle « Arion ». On regarde ici des applications hors route pour la manutention industrielle, des véhicules agricoles ou du transport de personnes sur des voies réservées.

Les impacts sur l’équipe et sur les installations
La multiplicité des projets a un impact important sur l’équipe de l’Institut en croissance constante. En couplant le champ de l’automatisation et de l’intelligence à celui de l’électrification, l’Institut voit le nombre de projets augmenter de façon significative. « C’est vraiment stimulant ce que le futur nous réserve. Avec les outils comme l’intelligence artificielle, il n’y a plus de véritable limite à ce qui peut être réalisé avec les véhicules. »

L’Institut compte 25 personnes à son emploi. Il s’agit vraisemblablement de la plus grosse équipe canadienne en la matière.

En 2005, le Centre avait obtenu une subvention pour l’aménagement de ses propres locaux. Il est à ce jour à l’étroit. L’équipe songe déjà à une relocalisation. L’Institut loue d’ailleurs un local dans le parc industriel de la ville de Saint-Jérôme. Mais, le laboratoire est toujours logé au Cégep de Saint-Jérôme. « Avec une équipe de 25 personnes, nous avons dû louer à l’extérieur un grand atelier d’assemblage et de prototypage pour les véhicules plus lourds comme les autobus de 40 pieds », précise le directeur général qui pense à une nouvelle construction. « Il faut rapatrier l’ensemble de nos équipements. Nous nous retrouvons sur deux sites, tous nos équipements de mesure étant au cégep. Nos bureaux et l’atelier d’assemblage sont à dix minutes de distance, ce qui n’est pas très fonctionnel. »

Les professeurs du cégep collaborent avec l’Institut. Cette année, trois professeurs en génie mécanique ont participé à des projets de recherche appliquée, principalement au niveau des véhicules autonomes, dont un véhicule agricole. « Nous travaillons sur la conception d’un véhicule entièrement autonome – presque un robot – capable d’aller dans les champs maraîchers pour faire du désherbage de façon automatique. Ce projet entend répondre à une pénurie de main-d’œuvre devant travailler de longues heures dans des conditions particulières. »
L’Institut fait également appel à des étudiants du cégep en support aux chercheurs.

Le projet Synchrone
Le 20 avril dernier, le gouvernement du Québec annonçait une subvention de 13 millions de dollars aux CCTT des collèges. Cette subvention vise particulièrement la mise en place du projet Synchrone. Le projet vise à permettre aux CCTT de mieux accompagner les entreprises pour asseoir tous les intervenants qui peuvent les aider. « Nous le faisions déjà en partie, mais nous n’étions pas financés pour le faire. Le projet devrait également favoriser la concertation de plusieurs CCTT autour d’un même projet d’entreprise. Le réseau TransTech, c’est 1300 experts dans plein de domaines. Nous pourrons les asseoir autour de la table avec rémunération. Il nous sera alors plus facile d’attirer des CCTT capables d’apporter une expertise particulière. »

Des échos à l’international
Les projets de recherche de l’Institut ont des échos à l’international. « Déjà, six projets avec les États-Unis, le Brésil, le Mexique, l’Italie et la France ont été réalisés. Souvent pour déployer des technologies québécoises à l’étranger. Certains clients du Centre se font approcher par des entreprises étrangères intéressées à utiliser leurs technologies. Les gens de l’Institut deviennent ainsi des ressources intéressantes pour avoir travaillé sur l’intégration de ces technologies. Nous servons de bras à ces clients désireux de déployer leurs technologies à l’étranger. »

Prévoir une construction qui permette une expansion dans le futur
Un des grands défis de l’Institut demeure la gestion d’une croissance exponentielle dans un secteur en ébullition. François Adam et son équipe en sont conscients. : « Nous sommes près du point de saturation pour nos espaces de travail. Il faut donc penser à l’agrandissement par le biais d’une construction permettant une future expansion. Il faut prévoir l’espace requis nous permettant de répondre aux développements des dix prochaines années déterminantes pour l’électrification. »

Article préparé par Alain Lallier, éditeur en chef et édimestre, Portail du réseau collégial






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