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Dominic Simard, conseiller pédagogique

Aller à la montagne

Dans le cadre du Symposium sur l’éducation autochtone de CICan, fin octobre, Dominic Simard, maintenant conseiller pédagogique au secteur de la formation continue au Collège d’Alma, était parmi d’autres invité à venir témoigner de ses expériences.

Par Daniel Samson-Legault, Portail du réseau collégial

Enfant, dans le bois autour du chalet familial à Mont-Valin, le père de Dominic lui racontait l’histoire d’« un Indien dans une tempête sur une montagne »... Légendaire ou réel, ce personnage a inauguré le fil conducteur du parcours professionnel de Dominic.

C’est en voyageant, en Équateur, qu’il a rencontré ses premiers vrais Autochtones, des Quechuas, qui ont vécu aussi une double colonisation : inca et espagnole, dans ce cas.

Après une Technique en écologie appliquée au Cégep de La Pocatière, il est devenu garde au parc national du Fjord du Saguenay (pendant 20 ans). Il fait simultanément un bacc en biologie, puis un bacc en enseignement tout en enseignant à La Baie au Centre de formation professionnelle du Fjord dans le cadre du DEP « Protection et exploitation de territoires fauniques ». « J’ai vu là une communauté d’enseignants passionnés, par leur matière, premièrement, mais aussi pour leurs élèves. On créait des guides de chasse, des guides de pêches, des gardes de parc bref. »

Un étudiant autochtone, avant d’abandonner ses cours, lui a dit « J’arrête, je m’ennuie trop de ma terre, de mon grand-père... ». Dominic a subitement compris l’intérêt de se déplacer pour des formations. « J’ai appelé mon patron et je lui ai dit ‘’Là il faut qu’on se délocalise’’. »

Celui qui se définit comme un « activateur de potentiel humain à l’inter-national [sic] » s’est déplacé. Quand la montagne ne vient pas à soi... « On a fait un programme de reconnaissance de compétences à Pessamit et à Essipit. Je leur ai parlé du projet : ‘’Je vais reconnaitre les compétences que vous avez déjà. Maintenant, si tu veux un diplôme, voici la formation que je pourrais mettre en place pour toi...’’ » Complémentaire, en continuité, et qui pourrait former un DEP. « Je l’ai fait deux hivers, deux fois 15 semaines, où j’ai diplômé des personnes qui ont travaillé dans des pourvoiries et sur la rivière au saumon, sur place. »

Avec une boussole de CICan

Depuis septembre 2021, il travaille à Mashteuiatsh et à Pessamit avec la certification de la Boussole des compétences de Collèges et instituts Canada (CICan) dédiée aux « NEEF ». C’est l’acronyme qui désigne les 18 à 30 ans qui ne sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation. L’idée est de les accompagner dans le développement de compétences utiles à la vie active et à la citoyenneté. À travers le Canada, 5 collèges, dont celui d’Alma, ont vu accepté leur projet d’adaptation du programme, soit pour les nouveaux arrivants soit pour les Autochtones. CICan rappelle que « les jeunes autochtones de 20 à 24 ans (jeunes membres d’une Première Nation qui vivent hors d’une réserve ou membres d’une collectivité métisse ou inuite) affichaient pour l’année 2018-2019 un taux NEEF de 23 %, soit deux fois plus élevé que le taux NEEF moyen des jeunes au Canada, qui était de 12 % ».

Avec les Autochtones en particulier, Dominic considère essentiel de faire une reconnaissance des acquis. Et cette reconnaissance d’acquis est la « meilleure mécanique adaptée pour arriver à la diplomation », dans cette matière-là, du moins.« Dis-moi comment tu chasses l’orignal. Peut-être que moi, comme expert en chasse, je ne pourrai rien t’apprendre ; je vais peut-être te montrer une nouvelle carabine, une nouvelle cartouche, mais dans l’évaluation de l’expertise, on peut vraiment voir ce qui en est...

Le Collège d’Alma

Sur les 1462 étudiants du Collège d’Alma, 57 sont autochtones, proportion très semblable à celle de la population canadienne. Ils sont surtout Innus, mais aussi Attikameks, Micmacs et Anishnabeg. Il faut dire qu’Alma est situé en territoire innu à moins de 70 kilomètres de Mashteuiatsh (l’ancienne Pointe-Bleue). Depuis 25 ans, en collaboration étroite avec l’École nationale de police de Nicolet, le collège donne une AEC en Techniques policières autochtones (JCA.1J), qui a déjà diplômé 250 policiers d’une vingtaine de communautés autochtones.

Après la flottille

Parallèlement, il travaille depuis le début de 2022 à Listiguj en Gaspésie, chez les Micmacs.  Le collège d’Alma a commencé à former des agents de la faune. La première cohorte est multigénérationnelle. Le programme durera trois ans.

À Listuguj, on se rappelle beaucoup des deux descentes policières de juin 1981. 275 agents de la SQ et 100 agents de la Faune et des Pêcheries sont arrivés par la terre, par les airs et par la mer, comme une flottille de guerre (se rappelle le Micmac Fred Metallic), pour restreindre la pêche micmaque. Les plaies sont profondes et les approches délicates, surtout quand on leur offre de former... des agents de la faune.

Il faut d’autant plus, selon Dominic, définir une posture d’écoute, d’empathie, de confiance, d’engagement, de responsabilité, etc. « Il faut tout ce que je peux ramasser de mes compétences, de mes forces ; l’enjeu est trop important. » Un « nouveau dialogue » est amorcé.

Pause en ville

Au colloque de CICan, la présentation de Dominic Simard, très philosophique, a commencé par une citation du chimiste Linus Pauling : « La vie ne réside pas dans les molécules, mais dans les liens qui les unissent entre elles. »

Il nous fait un bilan des quelques jours de rencontres : « Oui, c’est une place pour faire des contacts, mais aussi voir les bons coups de chacun, voir qui est innovant, pas se sentir seul dans notre coin. Ça donne un sens à ce qu’on fait. »