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Comprendre pour mieux agir, ou la gestation du Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ)

Dossier conçu à la suite d’un entretien tenu le 20 janvier 2011 avec :
Mme Audrey Atwood, responsable de la recherche et du transfert au CÉRSÉ et
M. Jean-Paul Lampron, directeur du CÉRSÉ et de la Formation continue du Collège de Rosemont.

Puisque nous allons parler d’un centre collégial de transfert technologique (CCTT), et que la naissance du CÉRSÉ (Centre d'étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté) est un bel exemple pour illustrer la gestation d’un tel centre, il est bon de se rappeler que la recette pour créer un CCTT comprend à la base 2 ingrédients :

  • d’une part, une dynamique (sociale, industrielle, commerciale, scientifique, ou autre), bien cernée, et faisant ressortir un besoin d’innovation technologique ou méthodologique, bref, une situation demandant une évolution branchée sur la recherche appliquée et pouvant inspirer une mission d’un organisme, et
  • d’autre part, une communauté sensibilisée à la dynamique concernée, à l’intérieur de laquelle se trouvent des compétences et éventuellement de l’expérience en la matière concernée, le tout teinté d’une dose d’engagement à l’égard de l’enjeu soulevé par la dynamique, et d’une volonté institutionnelle d’y consacrer temps et énergie.

Ces deux ingrédients, complétés par la double reconnaissance de la part du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, donnent lieu à la création d’un organisme portant l’appellation CCTT. Et quand on parle d’un CCTT-PSN (pour pratiques sociales novatrices), nous l’avons expliqué dans le numéro 13 de l’Infolettre Réseau collégial, on comprend que la dynamique dont on parle, et le mode de réponse pour y faire face, sont avant tout sociaux.

Rien d’étonnant dans le fait que le CÉRSÉ soit né au Collège de Rosemont. Comme son nom l’indique, le CÉRSÉ mise sur deux axes d’intervention complémentaires_ l’écocitoyenneté qui touche aux comportements des individus, et la responsabilité sociale qui concerne la gestion des activités des organisations_, pour contribuer à l’amélioration de la qualité du milieu de vie dans une perspective de développement durable.

Et c'est bien à Rosemont qu'on pouvait s'attendre à la naissance d'un tel centre. Parmi les premiers collèges reconnus Cégep vert en 2005, Rosemont est le premier à avoir obtenu le niveau excellence de cette certification ; le collège a également été la première institution d’enseignement à recevoir la certification ICI on recycle de niveau 3. Le Collège est reconnu maintenant comme étant au fer de lance du développement durable en éducation au Québec. D'où son surnom d'Envirocollège. Voyons ici quelques étapes de ce cheminement.

C’est en 1999 que le Collège de Rosemont, en collaboration avec l’AQPERE, développe le Concours Pédagogie-Environnement. Ce concours, qui permet aux étudiants d’exprimer leurs points de vue sur des questions de développement durable, devient intercollégial en 2005. Depuis douze ans, ce concours a permis à environ 600 jeunes de présenter plus 250 projets.

Pendant que cette collaboration avec l'AQPERE se poursuit, notamment par une série de colloques sur l’écodéveloppement des institutions d’enseignement du Québec, d'autres projets continuent de donner à Rosemont la stature d'un leader en matière de développement durable. Toujours en 2005, Bourstad, un concours de simulation boursière, intègre un volet Investissement responsable. En 2008, le programme pré-universitaire de "Sciences de la nature" adopte des orientations en environnement et en santé. Et en 2009, est créé le premier profil collégial de "Sciences humaines" axé sur l'environnement..

La reconnaissance du rayonnement du Collège de Rosemont en matière environnementale et particulièrement de développement durable, était déjà soulignée en novembre 2004, par l’attribution, par l’Association des cadres de collèges du Québec (ACCQ), du tout premier titre de Cadre émérite à M. Gilles Lafortune, de Rosemont, « reconnu par ses pairs comme un cadre ayant contribué de façon exceptionnelle à la gestion et au développement, tant de son collège que du réseau collégial public. Il s’est par ailleurs distingué sur le plan international en créant des relations avec des organismes intéressés à l’efficacité énergétique dans plusieurs pays du monde à la suite d’une collaboration avec le Programme pour les bâtiments de l’Éducation de l’OCDE. »

Rosemont s’est aussi doté d’un « Bureau du développement durable (BDD) » rattaché à la direction générale (en 2010). La naissance du CÉRSÉ, somme toute, est donc une suite logique aux nombreux travaux menés dans ce cégep depuis des années, d’abord en efficacité énergétique, puis en éducation relative à l’environnement, et en développement durable. La logique va jusqu’au point où c’est Mme Atwood, initialement conseillère au BDD, qui assume aujourd’hui la responsabilité de la recherche et du transfert au CÉRSÉ.

De quelles pratiques sociales novatrices parlons-nous ?
On a beau décrire les étapes du cheminement qui a mené à la naissance du CÉRSÉ, et percevoir la logique d’enchaînement de ces étapes dans la communauté du Collège de Rosemont, il reste à savoir à quel genre de question(s), précisément, a-t-on voulu répondre, pour en venir à la notion de transfert technologique en vue du développement durable ? À quelle dynamique veut-on répondre ? Nos interlocuteurs nous ont expliqué que c’est précisément le passage de la sensibilité à l’action qui est concerné. 

« Beaucoup de travail a été fait en matière de sensibilisation et d’éducation. La population, jeune en particulier, est sensible maintenant aux questions de développememnt durable qui vont définir en partie son avenir. On est en général convaincu de la nécessité de préserver l’environnement, on est d’accord avec la notion du développement durable… En théorie. Mais, sait-on bien de quoi cette notion est faite ? Sur quelles pratiques elle se fonde ? Les comportements adéquats, qu’ils soient au niveau des personnes ou des organisations, sont-ils bien connus ? Adoptés ? On parle ici de penser aux impacts, repérer les protections, réfléchir aux solutions durables, orienter la pratique…

En fait, les notions d’écocitoyenneté et de responsabilité sociale permettent de replacer le développement durable dans la sphère éducative, en voulant traduire le concept en comportements ; d’une part, par la recherche de comportements adéquats, et d’autre part, par la diffusion, la promotion de ces comportements éco – responsables, et de moyens de les enseigner… »

C’est ainsi qu’on arrive à la formulation de la mission, et à l’énoncé des objectifs, dans la présentation sommaire du CÉRSÉ.

Mission et objectifs

Le CÉRSÉ a pour mission de contribuer de manière significative à l’amélioration de la qualité du milieu de vie dans une perspective de développement durable en misant sur deux axes d’intervention complémentaires : l’écocitoyenneté qui touche aux comportements des individus et la responsabilité sociale qui concerne les activités des organisations. Le Centre agit en cohérence avec les démarches de développement durable du Gouvernement du Québec et celles des municipalités, en particulier la Ville de Montréal.

Les activités de recherche appliquée, menées en concertation avec les acteurs sociaux, ont pour objectifs de :

- mieux comprendre les problématiques reliées à l’écocitoyenneté et la responsabilité sociale ;
- analyser la dynamique « comportements écocitoyens – qualité du milieu de vie » ;
- identifier les facteurs de succès et les indicateurs clés pour le développement de comportements écocitoyens (individus) et socialement responsables (organisations).

Les activités de transfert menées par l’équipe pluridisciplinaire du CÉRSÉ permettent également de :

- contribuer aux transferts des connaissances et à la formation dans le domaine de la responsabilité sociale et de l’écocitoyenneté ;
- fournir des services de formation, d’aide technique et d’accompagnement ;
- soutenir aux plans de la méthode et des techniques de recherche appliquée, les milieux utilisateurs dans leurs démarches d’analyse de leur situation ;
- favoriser le développement de tables de concertation, de réseaux sociaux et de groupes de partage (expertise, information, ressources).

On comprend, en consultant les orientations stratégiques du CÉRSÉ, qu’en parlant de recherche, on pensera toujours recherche-action, et que l’on visera l’insertion de la dimension environnementale durable dans un maximum d’éléments du cursus académique et dans les projets éducatifs des établissements d’enseignement. Et, selon le mandat spécifique du CÉRSÉ, on tentera de répondre aux besoins des milieux utilisateurs que sont les entreprises d’économie sociale, les municipalités, les établissements d’enseignement, les organismes communautaires et les PME. On parlera donc toujours d’accompagnement dans des activités de veille et de sensibilisation.

Les orientations stratégiques

- Favoriser les changements de comportement (individus et organisations) dans une perspective de développement durable par la valorisation de la recherche appliquée dans les milieux de l’éducation et du travail.
- Déterminer les besoins des milieux utilisateurs et répondre à ces besoins par des projets de recherche appliquée.
- Travailler en concertation avec les ministères (MELS, MDDEP), les établissements d’enseignement, les entreprises d’économie sociale, les organismes communautaires et sociaux et les PME.
- Contribuer à la réalisation de la Stratégie gouvernementale de développement durable 2008-2013, au Plan stratégique de développement durable de la Ville de Montréal et au Plan stratégique 2010-2015 du Centre d’expertise régional de Montréal en éducation en vue du développement durable de l’Université des Nations Unies.

Avec de telles ambitions, et compte tenu de son jeune âge, on comprendra que les premiers gestes de l’organisme naissant seront centrés sur la construction des infrastructures pertinentes aux activités à créer : préparation de politiques sur la recherche, sur les partenariats, mise en place d’un comité d’orientation et de projets, élaboration de critères d’acceptation de projets, établissement de liens de collaboration et de partenariats avec des organismes apparentés, positionnement par rapport aux milieux utilisateurs potentiels, etc. Bref, installer la logistique de base qui permettra l’exercice de la mission, faire sa place et déblayer le terrain.

Quand même, non pas par impatience, mais pour prendre le pas d’avance qu’il faut avoir pour assurer le leadership dans quelque domaine que ce soit, quelques premiers projets concrets s’amorcent déjà, à Rosemont, pour défricher quelques pistes.

Le CERSÉ et l’AQPERE pilotent conjointement un projet visant l’intégration de notions environnementales en vue du développement durable dans les programmes pré-universitaires de "Sciences humaines" et de "Sciences de la nature". Cette étude vise à identifier les ressources, par exemple des articles d’actualité ou des vidéos, qui permettront aux enseignants de s’outiller pour ajouter une saveur environnementale ou écocitoyenne à leur enseignement. À terme, un répertoire de ces ressources en ligne sera à la disposition des enseignants ; il proposera entre autres une section permettant le partage des plans de cours. Déjà, au moment de la rencontre de nos interlocuteurs (20 janvier 2011), 18 plans de cours avaient été analysés. Ce projet, qui s’inscrit dans la mission du CERSÉ, s’appuie sur une étude réalisée par le Cégep de Saint-Hyacinthe et l’AQPERE en 2008, et qui visait à dresser le portrait des pratiques pédagogiques en ERE des enseignants du collégial, à l’échelle de la province. 

Un autre projet qui était en chantier en janvier 2011, et qui s’est réalisé dans la semaine du 14 février, est la première édittion d’une Semaine de l’écocitoyenneté. L’objectif de cette semaine était de senbiliser, et d'amorcer une réflexion sur l'importance de la citoyenneté et plus particulièrement l'écocitoyenneté, chez les étudiants et les employés du Collège. Ainsi, grâce aux interventions de nos 36 invités, et à la participation de plus de 600 personnes aux conférences, et 150 visiteurs aux kiosques, cette première expérience s'est avérée un succès.

Longue vie à ce dernier né de la famille du développement durable !

Et pour nous, de l’équipe du Portail du réseau collégial, la construction de ce dossier nous a donné le goût d'examiner de plus près ce qui se passe dans cette sphère d'activités. Nous avons bien noté, entre autres, la tenue du Séminaire général sur les services d’appui aux entreprises et Maillage chercheurs - entreprises du secteur de l’environnement et des technologies propres, le 23 février. Trop tardive pour être intégrée au présent dossier, cette activité en stimulera peut-être un autre ultérieurement.

Il nous paraît important de continuer de vous présenter cette famille environnementale, du moins la branche de la famille qui se consacre aux transferts technologiques de tous ordres, en matière de développement durable.

Question d'avenir...