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Des projets audacieux pour favoriser les étudiants en situation de handicap (ESH)


Par Élise Prioleau

Ils ont parfois reçu un diagnostic, parfois non. Certains vivent des troubles anxieux, un stress post-traumatique, une limitation physique majeure ou des difficultés de concentration. Et si les étudiants aux besoins particuliers étaient pleinement reconnus pour leur apport dans la société québécoise? Cet automne, des outils novateurs voient le jour pour mieux intégrer ces étudiants singuliers au microcosme collégial.

Les étudiants en situation de besoins particuliers subiront-ils plus que les autres les contrecoups de l’enseignement à distance? Au contraire, estiment des professionnels des Services adaptés, qui considèrent la réorganisation de l’enseignement comme une occasion de mieux intégrer leurs étudiants. «Je pense que certains étudiants en situation de handicap vont y trouver des avantages», considère Émilie Robert, conseillère d’orientation et aide pédagogique individuelle (API) au Collège Montmorency.

« Cet automne, ceux qui ont besoin de plus de temps, je pense aux dyslexiques dysorthographiques, auront l’occasion d’étudier à la maison. Je pense aussi aux étudiants autistes pour qui tous les codes sociaux et la circulation dans les corridors sont des sources de fatigue. Ces étudiants-là ont aimé l’enseignement à distance au printemps dernier. » N’empêche, les intervenants des Services adaptés tiennent à ce que leurs étudiants se sentent épaulés, même à distance. «On va appeler individuellement certains étudiants qui sont généralement moins à l’aise d’aller chercher de l’aide, comme les personnes atteintes de troubles anxieux », nuance Émilie Robert.

«Le message que j’ai envie d’envoyer, c’est que parfois les professionnels dans les écoles sous-estiment les capacités adaptatives des étudiants en situation de handicap. On pense parfois que les changements actuels pourraient être catastrophique pour eux. Finalement, au contraire, ils relèvent bien les défis. »
- Émilie Robert, conseillère d’orientation et aide pédagogique individuelle (API) au Collège Montmorency

Éric April, directeur par intérim du Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) de l’Ouest.

Au Collège Montmorency, plus de 1 000 étudiants sont déclarés comme étant en situation de handicap. Ces étudiants bénéficient de services adaptés, tels qu’un accompagnement psychosocial, un interprète, un média substitut ou encore des accommodements lors des examens. Toutefois, pour bénéficier de ces services, l’étudiant doit impérativement posséder un diagnostic médical. « Nous avons de plus en plus d’étudiants qui présentent des besoins particuliers sans qu’il y ait eu un diagnostic posé », prévient Éric April, directeur par intérim du Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) de l’Ouest.

« Dans le secteur jeune, on a beaucoup d’élèves qui ont eu des plans d’intervention pratiquement tout au long de leur scolarité, mais qui n’ont pas reçu de diagnostic. En arrivant au cégep, ils souhaitent continuer à recevoir des services », explique le spécialiste du soutien à l’intégration. « Ainsi, il faudra élargir notre soutien à tous les étudiants qui en ont besoin et non pas seulement ceux et celles qui ont un reçu un diagnostic formel », plaide-t-il

L’outil APEL, pour débusquer les besoins particuliers des nouveaux étudiants

Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) a récemment développé une application en ligne pour rejoindre dès la fin du secondaire les étudiants qui ont des besoins particuliers, peu importe le type de limitation. Il s’agit de l’Autoportrait en ligne (APEL). Un outil développé en collaboration avec le Centre en imagerie numérique et médias interactifs (CIMMI) et le Centre de recherche pour l’inclusion scolaire et professionnelle des étudiants en situation de handicap (CRISPESH).

«Cet outil-là permet à l’élève du secondaire en fin de parcours de répondre à différentes questions sur ses besoins, ses forces et ses difficultés. C'est un projet qui crée un lien inter-ordre entre le secondaire et le collégial et qui va permettre un meilleur suivi des dossiers. », explique Éric April. « Une fois rempli, le formulaire est transmis au cégep dans lequel l’étudiant a été admis. Lorsque le conseiller en Services adaptés reçoit son dossier, il peut se préparer et s’assurer que les mesures qui sont proposées à l’étudiant correspondent vraiment à ses besoins. »

Cet outil a également l’avantage de mobiliser le jeune au niveau de son auto-détermination et sa capacité à identifier ses propres besoins. Les étudiants apprécient le fait de remplir un formulaire en ligne plutôt que de s'adresser à un professionnel en personne, selon Éric April. « La peur de se faire poser une étiquette et le sentiment qu’au cégep ils sont maintenant des adultes autonomes, sont des facteurs qui peuvent pousser les étudiants à taire leurs besoins réels. En ce sens, l'outil en ligne permet de mieux rejoindre les étudiants » L’outil APEL fait l’objet d’un projet pilote depuis le printemps 2018.

Un projet de mentorat virtuel au Vieux-Montréal
Un projet de mentorat est lancé cet automne au Cégep du Vieux-Montréal. Cette initiative a été imaginée au printemps dernier par des intervenants du milieu des Services adaptés pour mieux soutenir la transition des étudiants en situation de handicap vers le collégial.

« On a eu l’idée de créer un système de mentorat virtuel. Nous avons recruté une quinzaine de mentors, c’est-à-dire des étudiants en situation de besoins particuliers de 2e et 3e année. Ces mentors vont suivre chacun deux nouveaux étudiants inscrits au service d’aide à l’intégration des élèves (SAIDE), à hauteur de 4 à 12 rencontres par session », explique Annie Doré-Côté, directrice adjointe des études au Cégep du Vieux-Montréal, responsable de la Réussite et du SAIDE.« Le rôle du mentor est de permettre au nouvel étudiant de connaître les services mis à sa disposition et de bien comprendre le métier d’étudiant. »

Pour aider l’étudiant mentor à bien accompagner son mentoré, le SAIDE lui fournira quatre formations. Les trois premières formations renseigneront le mentor sur son rôle, sur l’ensemble des services du collège et sur différentes stratégies d’apprentissage. «Le dernier atelier est sur la recherche identitaire de l’étudiant. Le mentor va y apprendre comment aider un étudiant à diriger son parcours, trouver sa passion et s’investir pleinement dans son projet d’études. Réciproquement, en enseignant à d’autres étudiants à donner du sens à leur parcours, le mentor aura l’occasion de mieux définir sa propre identité et de l’affirmer», précise Annie Doré-Côté.

Au cours de la session, les mentors seront suivis par des superviseurs issus du SAIDE du Vieux-Montréal et du Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) de l’Ouest. Une chercheuse de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Ruth Philion, accompagne le projet en tant que spécialiste de l’intégration des étudiants en situation de handicap (ESH).

« Je suis convaincue que si nos mentors communiquent leur capacité d’auto-détermination, c’est un savoir-faire qui va se multiplier chez nos étudiants. Je suis très confiante concernant ce projet-là. Je pense qu’on détient une initiative prometteuse pour l’ensemble du réseau », s’enthousiasme Annie Doré-Côté.

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Quelques outils pour soutenir les étudiants en situation de handicap cet automne
• Le Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) de l’Ouest a produit des trousses d’accompagnement aux stratégies d’apprentissage en formation à distance. Elles s’adressent aux professionnels qui souhaitent mieux soutenir les étudiants en situation de handicap. Pour plus d'information, contactez le CCSI.  
« Je fais le saut », une campagne diffusée sur les réseaux sociaux pour faire connaître les Services adaptés aux nouveaux étudiants des collèges. Une initiative de la Fédération des cégeps, du CCSI, de l’Ordre des conseillers en orientation et l’Association des collèges privés du Québec.
• Le Collège Montmorency a produit, comme plusieurs collèges, des capsules d’aide à l’apprentissage en situation d’enseignement à distance