Articles
Entrevue avec Michel April, directeur général du Collège Jean-de-Brébeuf, sur le premier programme d’échange intercollégial bilingue
Michel April, directeur général du Collège Jean-de-Brébeuf
Le Collège Jean-de-Brébeuf et le Collège Marianopolis ont annoncé récemment le lancement du premier programme d’échange intercollégial bilingue. Michel April, le directeur général du Collège Jean-de-Brébeuf, a accepté de nous parler du projet et de sa place dans la stratégie de développement du collège.
Un projet issu du « Sommet Brébeuf »
Ce projet n’est pas né dans la mouvance des derniers débats entourant la présence de l’anglais dans les collèges. Le tout a été amorcé dès janvier 2009, dans le cadre d’une grande consultation de toute la communauté Brébeuf appelée « Sommet Brébeuf » où toutes les instances du Collège (les parents, les anciens, les membres du personnel, les professeurs, les étudiants et les pères jésuites) ont réfléchi sur le thème de « Brébeuf dans cinq ans ».
Michel April explique : « Dans le cadre de ce sommet, nous avons clairement identifié qu’au niveau des langues, nous avions deux priorités :
- La première, que la langue française demeure pour nous une langue d’excellence à promouvoir tant pour la communication que pour la culture.
- La seconde, encourager l’acquisition d’autres langues, dont l’anglais, et ce, avec une obligation d’excellence au niveau de la communication.
Nous nous sommes ensuite interrogés sur les moyens à prendre pour que l’anglais puisse devenir une langue d’excellence au Collège Brébeuf, convaincus que nous donnions déjà d’excellents cours. Nous en sommes arrivés à la conclusion que ça prenait une immersion, afin d’assurer une meilleure maîtrise de la langue ».
Cet objectif a été traduit dans le plan stratégique du collège : obtenir et concrétiser un partenariat avec un autre collège du Québec. Au niveau des autres langues, le collège avait déjà conclu des partenariats à l’étranger. Pour la langue anglaise, le collège a décidé de conclure un partenariat avec un collège d’ici à Montréal, profitant de la présence de collèges anglophones.
Pourquoi un partenariat avec le Collège Marianopolis?
M. April poursuit. « Il y a un an, des échanges ont eu lieu avec le nouveau directeur général du Collège Marianopolis, monsieur Len Even. Ces échanges nous ont permis de cerner plusieurs ressemblances entre nos établissements. Les deux collèges sont exclusivement préuniversitaires. Ce sont deux établissements qui ont une longue histoire. Marianopolis a plus de 100 ans, Brébeuf plus de 80. Les deux établissements sont bien ancrés dans leur milieu et ils visent l’excellence. Bon nombre de nos étudiants sont intéressés à entrer dans des facultés universitaires hautement contingentées. La similarité de nos profils invitait donc « naturellement » ce genre de partenariat. Malgré cela, il n’était pas évident d’arrimer nos séquences de programmes pour rendre le projet possible.»
Un programme d’immersion pour parfaire la maîtrise d’une langue seconde
Ce programme est offert aux étudiants lors de la 4e et dernière session de leur curriculum de 2 ans. Le projet est limité à deux programmes : sciences humaines et sciences de la nature. À Brébeuf, cela représente 450 étudiants. Tous les cours seront offerts dans l’établissement hôte afin que les étudiants n’aient pas à se déplacer entre deux cours. On vise l’immersion complète, incluant la vie culturelle et les sports. Pour Michel April, « à Montréal, on peut facilement parler anglais ou français; les jeunes entre eux ont déjà beaucoup de facilité à avoir un dialogue avec leurs copains dans l’autre langue. Mais suivre des cours, c’est un niveau de langue qui est tout autre. Ce n’est pas le langage de tous les jours. Les travaux et les examens se feront donc aussi dans la langue d’immersion ».
Brébeuf offre déjà quatre niveaux de classement en anglais. « Il nous apparaît évident que ce qui est visé ce n’est pas le niveau 1. À ce niveau, le plus bas, les étudiants ne parviendraient pas à réussir. Au niveau 4, les étudiants étant déjà presque bilingues, ils gagneraient peu à réaliser cette immersion. Les groupes cibles sont donc ceux des niveaux 2 et 3, des étudiants qui ont une bonne maîtrise, mais qui ont besoin de cette immersion pour s’améliorer. Dans ce contexte, les jeunes qui seront acceptés dans le programme arriveront avec un niveau de compétence adéquat dans l’autre langue», explique monsieur April.
Pas au détriment de la langue française
Le profil des étudiants de Brébeuf a-t-il changé au fil des ans? « Vous savez où se situe le Collège Jean-de-Brébeuf. Nous sommes au cœur du Montréal d’aujourd’hui, cosmopolite, où il y a énormément de cultures. Le collège n’est pas différent de la ville en ce sens-là. À la maison, il peut y avoir plusieurs langues parlées différentes. Une étude nous a révélé qu’il y avait plus de 24 langues maternelles différentes présentes chez nos étudiants, si on tenait compte de l’origine des parents. Cette réalité crée au collège une belle diversité culturelle; ce qui, par ailleurs, aurait pu avoir des impacts sur la langue française. À cet égard, nous étions fiers de constater qu’à l’épreuve uniforme de français en mai dernier, le collège avait un taux de réussite de 96 %, soit une performance parmi les meilleures au Québec. Les professeurs déploient beaucoup d’efforts pour qu’il en soit ainsi. Nous offrons les services d’un centre d’aide en français. Nous ne nous attendons pas à ce que ce projet d’échange ait des effets négatifs sur la langue française au collège. Les étudiants de Marianapolis vont eux aussi pouvoir bénéficier de notre centre d’aide en français.
Pour la maîtrise d’autres langues, mais aussi pour comprendre la culture
Cette préoccupation par rapport à l’enseignement des langues n’est pas nouvelle à Brébeuf. En janvier dernier, un groupe d’étudiants qui suivent des cours d’espagnol au collège ont profité d’un stage d’immersion en famille dans un autre collège jésuite en Espagne. Des étudiants espagnols viendront l’automne prochain suivre trois semaines de cours d’immersion en français. « Nous donnons également accès depuis quelques années à des stages à Berlin pour nos étudiants qui suivent les cours d’allemand. Nous avons aussi un cours assez innovateur pour l’apprentissage du mandarin en parascolaire. Les étudiants suivent ces cours le samedi en plus de leurs cours réguliers. Une trentaine d’étudiants y sont inscrits. L’été prochain, ils vont poursuivre leur formation à l’Université de Shanghai. Il y a un intérêt marqué chez les jeunes pour les langues, pour l’international, pour les autres cultures. Pour leurs parents, c’est aussi fondamental. On est là pour préparer nos jeunes à ce qui les attend sur le marché du travail. On offre une panoplie de services. On tend à les accroître encore plus ».
Pour le directeur général de Brébeuf, il ne faut pas s’arrêter à la maîtrise des langues, il faut aussi connaître la culture :« pour les jeunes qui sont appelés à travailler dans le futur dans un bureau, par exemple, d’avocats ou de génie-conseil à travers le monde, l’enjeu ne sera pas seulement de maîtriser la langue, mais aussi de comprendre la culture de l’autre. Héritage des jésuites depuis fort longtemps, l’ouverture aux autres constitue une des valeurs que nous privilégions et aujourd’hui, cela prend tout son sens ».
D’un secondaire de garçons à un collégial majoritairement féminin
Le Collège Brébeuf offre aussi une formation de niveau secondaire. Plus de 96 % de ces élèves poursuivront au collégial à Brébeuf. Au niveau collégial, on compte 1 500 étudiants. En 5e secondaire, on compte 160 élèves; c’est donc près de 600 nouveaux élèves qui n’ont pas déjà fréquenté l’établissement qui vont s’inscrire chaque année. Une situation particulière : de secondaire 1 à 4, la clientèle est exclusivement masculine. « On fait la preuve qu’une école de garçons peut fonctionner de façon exemplaire. Nous avons amélioré nos installations sportives. Le sport contribue énormément à la performance, à la réussite, à l’épanouissement des jeunes. La formation doit être complète » explique Michel April.
Le collège accueille les filles en 5e secondaire. À ce niveau, la clientèle devient féminine à 20 % et du coté collégial la population étudiante est composée à 60 % de filles. C’est tout un changement d’environnement pour les étudiants!
Pour la maîtrise d’un autre langage
Brébeuf met aussi l’accent sur un autre langage : celui des technologies de l’information. Le collège a mis en place le projet Magellan. « Au départ, les jeunes arrivent avec l’idée qu’ils n’ont pas besoin de cours en informatique. Un test d’évaluation leur permet d’être exemptés du cours s’ils démontrent qu’ils possèdent toutes les compétences. Or, très peu d’étudiants le réussissent. Magellan se décline en différentes versions selon le domaine d’études choisi. L’approche est axée sur les besoins que les étudiants vont rencontrer à l’université. Ce cours est obligatoire pour les étudiants. Il n’est pas exigible pour le diplôme d’études collégial. Tout étudiant ayant répondu aux exigences fixées recevra un certificat officiel du Collège attestant sa maîtrise des technologies de l'information et des communications propres à son domaine d'études et une lettre personnalisée de l'Université de Montréal reconnaissant la pertinence de cette maîtrise pour la poursuite d'études universitaires ».
Dans le cadre de l’entente avec Marianopolis, un projet pilote est en cours pour valider l’arrimage des cours et programmes. C’est l’hiver prochain que le programme va vraiment débuter avec les étudiants de deuxième année.