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Les aides pédagogiques individuels au service de la réussite scolaire

 

Un texte d'Élise Prioleau, rédactrice au Portail du réseau collégial

Hausse du nombre d’élèves en difficulté, multiplication des cheminements atypiques, stress élevé au collégial : les cégépiens sont de plus en plus nombreux à avoir besoin d’accompagnement au cours de leur parcours collégial. Lorsqu’ils vivent une période difficile, un problème scolaire ou administratif, nombreux sont les étudiants qui se tournent vers les aides pédagogiques individuels, de véritables experts du bien-être étudiant.

Au niveau collégial, tout étudiant est associé à un aide pédagogique individuel (API), un professionnel méconnu des cégeps qui tient pourtant un rôle-clé dans réussite des étudiants. « Nous accompagnons les étudiants tout au long de leur cheminement scolaire et dans différentes sphères de leur vie, explique Sophie Poirier, aide pédagogique individuel au collège Jean-de-Brébeuf à Montréal et présidente de l’Association professionnelle des aides pédagogiques individuels (APAPI). On les accompagne pour les aider à surmonter les écueils de la vie et les défis qu’ils rencontrent en tant que jeunes. »

Sophie Poirier, aide pédagogique individuel au collège Jean-de-Brébeuf à Montréal et présidente de l’Association professionnelle des aides pédagogiques individuels (APAPI).

En plus de soutenir humainement les cégépiens pendant leur parcours scolaire, les API sont outillés pour les aider à comprendre les règles administratives des collèges et à faire des choix qui en tiennent compte. Le Québec compte 263 aides pédagogiques individuels, une profession occupée à 90% par des femmes, estime l’APAPI. 

Prévenir le décrochage, motiver la réussite
Si le rôle de l’API se décline en une variété impressionnante de tâches susceptibles de varier d’un cégep à l’autre, il est invariablement appelé à faire le suivi du cheminement scolaire des étudiants. Ce sont généralement les étudiants en difficulté ou encore ceux dont le parcours est atypique qui ont recours à ses conseils. Spécialiste des règlements ministériels et collégiaux, c’est l’API qui est responsable de les faire appliquer et qui interviendra notamment en cas d’échec de cours, de reprise de cours, de changement de programme et d’abandon de cours.

Jean-François Noël, aide pédagogique individuel au Centre d’études collégiales de Montmagny

Les aides pédagogiques individuels sont souvent ceux qui soutiennent les étudiants à risque d’abandon. « La prévention de l’abandon scolaire est au cœur de mon travail quotidien, explique Jean-François Noël, aide pédagogique individuel au Centre d’études collégiales de Montmagny et détenteur d’une maîtrise en orientation scolaire sur le thème du décrochage scolaire. Je leur donne une foule de conseils pratiques sur leurs méthodes de travail. Par exemple, j’aide certains étudiants à construire leur horaire hebdomadaire. Je les aide à planifier leurs études de manière réaliste et en tenant compte de leurs autres activités personnelles comme le travail », explique-t-il, convaincu que la capacité à bien gérer son temps est cruciale pour réussir au collégial.

Hausse des cheminements atypiques
Au collège de Montmagny, la majorité des étudiants se retrouvent aujourd’hui dans un cheminement scolaire non conforme. Une tendance également observée à l’échelle de la province, si l’on en croit les plus récentes statistiques selon lesquelles seul le tiers des cégépiens termineraient leurs études dans les délais prévus (L’Actualité, 2015).

Ceci s’expliquerait entre autres par le fait qu’« un seul échec conduit inévitablement un étudiant vers un cheminement non conventionnel », selon M. Noël. Parmi les cas de figure qui se profilent derrière ces statistiques, il y aurait également « un nombre de plus en plus élevé d’étudiants qui choisissent d’étaler leurs cours sur une plus longue période pour obtenir une meilleure cote R, pour participer à un programme sport-étude ou encore pour travailler », ajoute-t-il. À l’échelle provinciale, on note une augmentation des étudiants qui occupent un emploi. Ils seraient 50 % à travailler durant leur second trimestre, selon un rapport de la Fédération des cégeps publié en 2016.

« On voit aujourd’hui des étudiants qui ont une vision plus à court terme : ils veulent accéder plus rapidement à un salaire, à un statut social, à un diplôme, explique Jean-François Noël. Mon travail est de les recadrer dans un projet à moyen ou long terme et de les motiver à s’armer de patience pour atteindre des buts qui les serviront dans 10 ou 15 ans dans leurs vies. En tant qu’aide pédagogique individuel, je joue auprès de ces étudiants-là un rôle de motivateur. »

Collaborer pour mieux aider
L’aide pédagogique individuel est également une courroie de transmission entre les différents professionnels des cégeps. Pour accompagner de manière efficace les étudiants en difficulté ou engagés dans un cheminement hors normes, l’API collabore généralement de près avec les enseignants.
Lorsqu’un professeur observe un problème personnel ou scolaire important chez un étudiant, il peut faire appel à un aide pédagogique individuel qui prend alors la relève auprès de l’étudiant afin de le rencontrer et lui offrir son soutien ou celui d’un autre spécialiste.

« Collaborer avec les professeurs pour soutenir la réussite et le bien-être des étudiants, c’est passionnant, lance Sophie Poirier. Au cours de ma carrière, ce type de collaboration avec les enseignants m’a permis de contribuer à prévenir un suicide, de venir en aide à une étudiante qui avait de graves problèmes familiaux ou encore d’intervenir dans le cas d’un jeune qui dérangeait systématiquement son groupe, énumère-t-elle. Lorsque nous voyons des résultats positifs chez les étudiants et leurs enseignants, c’est très satisfaisant. »

S’ils travaillent en collaboration avec le corps professoral, les aides pédagogiques individuels sont de précieux conseillers pour les directions des cégeps, comme l’affirme Jacqueline La Casse, directrice des études au Cégep de l’Outaouais. « Les aides pédagogiques individuels me conseillent régulièrement lorsque vient le temps de résoudre une situation problématique touchant à un étudiant particulier. Son rôle est de me fournir des renseignements notamment sur le cheminement de l’étudiant et sur les règlements ministériels, évoque-t-elle. Dans les collèges, les API siègent généralement à divers comités, par exemple le comité d’élaboration et de suivi du plan d’aide à l’apprentissage et à la réussite. »

Stress et cote R
Aux premières loges pour observer les difficultés que vivent les étudiants d’aujourd’hui, les API s’accordent pour affirmer que le stress est en forte hausse chez les cégépiens. Ils seraient près de 50 % à éprouver des difficultés à contrôler leur stress pendant la première année, selon la Fédération des cégeps.

« Depuis environ quatre ans, on voit une explosion des cas de problèmes de santé mentale reliés au stress, affirme Jean-François Noël. Ce phénomène touche notamment des étudiants très performants. Par exemple, les étudiants en sciences de la nature qui souhaitent entrer à l’université dans un programme contingenté comme la médecine. »

À l’automne 2017, le calcul de la cote de rendement au collégial (cote R) a subi une révision. Depuis lors, la formule prend davantage en considération la force du groupe dans lequel évolue l’étudiant et l’effort réel de celui-ci. En d’autres mots, un étudiant très au-dessus de la moyenne dans un groupe faible aurait une cote R similaire à un étudiant près de la moyenne dans un groupe très fort, selon Sophie Poirier. « Je dis aux étudiants que s’ils donnent leur 100 %, ils auront la cote R qu’ils méritent réellement, car le calcul est aujourd’hui très équitable d’un collège à l’autre, insiste-t-elle. Ce qui est important, c’est de donner le meilleur de soi-même. Car,c’est l’étudiant lui-même qui est le premier facteur de réussite. »

Par-delà les écueils rencontrés par les cégépiens, les aides pédagogiques individuels portent une foi indéfectible en la capacité des étudiants qu’ils soutiennent. La« relation de confiance  » humanisante qu’ils établissent individuellement avec les cégépiens ainsi que leur expertise technique contribue à faire des API des professionnels dont on a « de plus en plus besoin », conclut la directrice du cégep de l’Outaouais.






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