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Que comprendre de l’expression « approche par compétences » (APC) ?

Par M. Robert Howe, consultant en pédagogie de l'enseignement supérieur, spécialiste en évaluation.

Le sens des mots de l’éducation : que comprendre de l’expression « approche par compétences » (APC) ?

Depuis plus de vingt ans, l’expression « approche par compétences » (APC) est entrée dans l’ordinaire de notre langage et de nos écrits pédagogiques. Nous rencontrons cette expression un peu partout, parfois trop souvent, parfois associée à d’autres objets pédagogiques. Ainsi, on remarque des dérivés de l’approche « par » compétences dans diverses expressions. Par exemple: « programmes par compétences », « plans de cours par compétences », « évaluations par compétences », « examens par compétences », « projets par compétences». On comprendra tout de suite que ce qui attire mon attention ici c’est la locution « par compétences ». Dans un article à paraître bientôt[i] dans la revue Pédagogie Collégiale, je discute le sens à donner à ces expressions tout en illustrant comment ce « par compétences » est porteur de dérives et de confusion.

Les origines historiques de l’expression

En 1993, lors de ce qu’on aura nommé la « réforme » de l’enseignement collégial, le ministère de l’Éducation nous invitait à ce que [désormais] les objectifs désignent des compétences[ii]. Cette phrase toute simple aura passé inaperçu pour plusieurs. Pourtant, c’est précisément cette phrase qui a donné naissance, au Québec, à l’approche qu’on aura baptisé, plus tard, approche « par » compétences. L’intention était d’amener la communauté enseignante à focaliser sur les compétences avant le contenu disciplinaire, alors que certains faisaient l’inverse. Ceci n’exclut en rien le contenu disciplinaire qui, lui, vient en appui au développement de la ou des compétences ciblées. Avant ces mesures de renouveau (et peut-être encore aujourd’hui), il arrivait que des enseignants « enseignent leur matière » ou disent avoir « de la matière à passer ». C’est cette focalisation sur le contenu disciplinaire que le ministère nous invitait à resituer dans une perspective de développement de compétences.

Le sens des mots

Lorsqu’on lit l’expression « approche par compétences », il faut bien comprendre que nous référons à une approche de planification de l’enseignement et de l’apprentissage qui focalise en priorité sur le développement de compétences. Mais puisque ceci a l’inconvénient d’être long, on aura inventé l’abréviation « approche par compétence » au risque de perdre de vue le sens vrai de l’approche.

Avec le complément « par compétences » nous disons, peut-être maladroitement, que la planification de l’enseignement va cibler des compétences. Plus précisément, cette expression APC invite à planifier l’enseignement en visant délibérément et expressément le développement de compétences.

Pour résumer, l’intention ministérielle de cette mesure[iii] de renouveau de l’enseignement collégial était de nous rappeler la place respective des composantes de la planification pédagogique : les compétences viennent en premier, le contenu disciplinaire vient en second, en appui au développement des compétences. Les collèges sont invités à garder en tête le mandat que la société leur confie dans chaque programme de formation, à savoir de développer des compétences. Si la plupart des enseignants enseignaient probablement déjà dans la conscience du développement de compétences, les mesures de renouveau de 1993 appelaient tout le monde à y collaborer désormais dans cet esprit.

Lorsque nous disons ou écrivons l’expression « APC », il devrait aller de soi que tous comprennent que nous signifions, par cet acronyme, que les compétences sont la cible de la formation. Nous formons des personnes dans le but de les aider à développer des compétences. On n’enseigne pas « par compétences », on ne planifie pas « par compétences ». On enseigne en ciblant explicitement le développement de compétences voulues et convenues. On planifie son cours en focalisant sur le développement des compétences pour lesquelles ce cours est mandaté.

Il devrait aussi aller de soi que nous pourrions peut-être commencer à cesser d’accoler ce « par compétences » ici et là, parfois même sans y penser. Cela me rappelle cet automobiliste qui fait encore le plein de « super sans plomb », alors que l’essence sans plomb ne se vend plus au pays depuis les années ‘90.

Ce label de « par compétence » est désormais inutile et redondant. À la place, aidons nos profs à faire la part des choses entre la zone de confort que constitue le contenu disciplinaire (j’enseigne ma matière) et l’adaptation des contenus disciplinaires aux besoins de nos étudiants (je les aide à développer des compétences).

 

Rédacteur : Robert Howe, consultant en pédagogie de l'enseignement supérieur, spécialiste en évaluation.

Tout commentaire ou suggestion de votre part sera bienvenu. Vous pouvez adresser vos commentaires à howerobert@sympatico.ca



[i]  Howe, Robert. De l’approche par compétences au projet par compétences : dérive de sens et confusion des concepts. Pédagogie Collégiale, À PARAÎTRE, mars 2017.

[ii] Ministère de l’Enseignement supérieur et de la science. Des collèges pour le Québec du XXIème siècle. L’enseignement collégial québécois. Orientations d’avenir et mesures de renouveau. Avril 1993. 39 pages. En ligne sur http://www.cdc.qc.ca/pdf/705603_colleges_xxie_1993.pdf  Lire en page 25 cette phrase qui a généré l’APC : […] Les objectifs désignent les compétences (les habiletés, les connaissances, etc.) que l'on vise à faire maîtriser. […]..

[iii] Les mesures de renouveau, adoptées en 1993 et parfois désignées « réforme de l’enseignement collégial », prévoient de nombreuses « mesures », dont l’obligation des PIEA, la création de la CEEC, le concept d’approche programme, etc.

 






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