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Ouvrir le dictionnaire: un nouveau parcours guidé interactif au CCDMD

Un article de Karine Pouliot et de Gilles Bergeron, respectivement auteure et concepteur multimédia.

NDLR : Ce texte est paru en octobre 2011 dans Correspondance (vol. 17, no 1). Il est rédigé conformément aux rectifications orthographiques en vigueur.

Qui parmi les enseignants, ne souhaite pas voir ses élèves ouvrir davantage leur dictionnaire ? Comme nous croyons aussi à cette nécessité, nous avons conçu un outil afin de susciter chez eux cette envie de consulter le dictionnaire pour y trouver des réponses. Et puisque l’envie passe généralement par la stimulation, l’interactivité était ici tout indiquée. Ainsi, au cours du trimestre de l’hiver 2012, un nouveau « parcours guidé interactif » sera accessible sur le site du CCDMD : Ouvrir le dictionnaire[1].

Nous sommes convaincus que si les élèves connaissaient mieux cet outil qu’est le dictionnaire, auquel certains ont pourtant accès depuis l’enfance, ils penseraient plus souvent à s’y référer. Pourquoi ? Pour lever des doutes sur l’orthographe ou le sens d’un mot, bien sûr, mais aussi pour répondre à d’autres questions. Par exemple : comment prononcer tel mot ? Quelle préposition employer après tel verbe ou tel adjectif ? Comment conjuguer tel verbe, accorder tel participe passé ? Quel synonyme choisir dans tel contexte ? Les dictionnaires généraux du français, comme Le Petit Robert, ou les dictionnaires dits pédagogiques, tel le Multidictionnaire de la langue française[2], très fréquemment utilisés dans les cégeps et leurs centres d’aide en français, fournissent des renseignements diversifiés répondant à ces interrogations. Encore faut-il savoir accéder à cette riche information. Ainsi, à l’instar de plusieurs spécialistes en didactique des langues, dont Bogaards (2009), nous jugeons essentiel d’enseigner aux élèves à utiliser le dictionnaire, et ce, même jusqu’à l’université[3]. Cet enseignement devient d’autant plus pertinent dans le contexte de l’école québécoise, qui accueille de plus en plus d’élèves n’ayant pas le français comme langue maternelle[4].

Ainsi, Ouvrir le dictionnaire poursuit trois objectifs :

  • mieux faire connaitre l’objet dictionnaire (son contenu, son organisation, les différences entre certains dictionnaires...) ;
  • amener l’élève à développer des savoir-faire de façon qu’il enrichisse ses connaissances sur la langue, qu’il soit capable de résoudre des difficultés linguistiques, bref qu’il puisse tirer profit au maximum du dictionnaire en situation d’écriture, notamment au moment de la révision[5] ;
  • offrir un environnement d’apprentissage stimulant, convivial, voire ludique.

Les activités relatives au premier objectif visent l’acquisition de connaissances générales sur le dictionnaire pouvant être mises à profit aussi bien en situation de lecture ou d’écriture que de communication orale. Quant à celles proposées pour l’atteinte du deuxième objectif, elles prennent en compte divers problèmes que les élèves peuvent avoir à résoudre en situation de production de textes.

L’objet dictionnaire, son organisation, son contenu

Dans une série d’activités, l’élève est invité à répondre à des questions de type « quiz » (figure 1) visant en quelque sorte à démystifier le dictionnaire. En effet, plusieurs idées reçues (figure 2) méritent d’être déconstruites pour faire prendre conscience, notamment, qu’il existe des différences majeures entre les dictionnaires usuels, que ceux-ci ne contiennent qu’une fraction des mots de la langue, qu’on y trouve bien plus que l’orthographe et le sens des mots, qu’un mot y figurant n’est pas nécessairement conforme au « bon usage » (pas dans n’importe quel contexte). En outre, l’élève est amené à redécouvrir le dictionnaire en observant son organisation, et plus particulièrement la structure et le contenu des articles, ou paragraphes, définissant les mots en entrée (figure 3).


Figure 1
Ouvrir le dictionnaire (extrait)

  • Tous les dictionnaires s’équivalent.
  • On trouve tous les mots dans le dictionnaire.
  • Si un mot est dans le dictionnaire, il est jugé correct de l’utiliser, peu importe le contexte.
  • Dans le dictionnaire, on ne trouve que l’orthographe et le sens des mots.
  • Un dictionnaire, c’est bon à vie !

Figure 2
Quelques idées reçues déconstruites dans Ouvrir le dictionnaire


Figure 3
Ouvrir le dictionnaire (extrait)

Des problèmes à résoudre

La résolution de problèmes à l’aide d’un dictionnaire implique plusieurs étapes où sont sollicités différents savoir-faire, principalement la capacité de déterminer le mot à chercher pour lever un doute, de trouver la forme à chercher, de sélectionner la bonne entrée dans le dictionnaire, puis l’information pertinente qu’elle contient en fonction du contexte (Bogaards, 2009). Plusieurs activités proposées dans Ouvrir le dictionnaire visent le développement ou le renforcement de ces savoir-faire. Dans certaines, l’élève est guidé, accompagné étape par étape dans la résolution d’un problème ; d’autres activités l’amènent à trouver une solution de façon autonome, à l’aide de son propre dictionnaire.

Ainsi, comme l’illustrent les figures 4 et 5, plusieurs activités comprennent des extraits ou des articles complets de dictionnaire que l’élève est amené à lire de manière sélective afin de trouver une réponse satisfaisante à la question linguistique soumise. Il peut s’agir de problèmes décontextualisés, plus simples, ou d’une résolution dans un contexte simulant la production d’une phrase, d’un court texte. Certaines activités permettent de faire découvrir à l’élève un renseignement qu’il n’a pas l’habitude de chercher dans un dictionnaire – par exemple, la prononciation d’un mot, l’emploi d’une préposition ou la conjugaison d’un verbe. D’autres font appel à des savoir-faire de base, comme la capacité de trouver un mot ou de déterminer la forme du mot à chercher (par exemple, il faudrait > FALLOIR ; il s’agit > AGIR ; par conséquent > CONSÉQUENT).


Figure 4
Ouvrir le dictionnaire (extrait)


Figure 5
Ouvrir le dictionnaire (extrait)

Comme plusieurs enseignants de français de notre entourage, nous avons remarqué, dans notre pratique, que lorsque les élèves ou les étudiants consultent le dictionnaire, c’est presque exclusivement pour y vérifier le sens ou l’orthographe d’un mot ou pour y trouver un synonyme. Selon Lefrançois (2007), même à l’université, les étudiants consultent peu le dictionnaire pour résoudre des problèmes de syntaxe. C’est pourquoi Ouvrir le dictionnaire offre des activités où l’élève travaille sur toutes les dimensions de l’unité lexicale dont il faut tenir compte lorsqu’on construit une phrase : la forme du mot, son sens et les propriétés qui lui permettent de se combiner avec certains autres (Polguère, 2003). Toutes ces dimensions constituent des sources d’erreurs lexicales (Anctil, 2011), que les dictionnaires du français peuvent souvent aider à corriger si l’on sait où y chercher l’information, dans les exemples notamment.

Nous souhaitons rendre les élèves capables de mieux tirer profit d’un dictionnaire usuel en contexte d’écriture ; aussi, nous serions très satisfaits si nos activités avaient comme conséquence une diminution du nombre d’erreurs lexicales dans leurs textes, mais il ne s’agit pas du seul effet recherché. En effet, le dictionnaire est également un outil indispensable pour l’enrichissement du vocabulaire ; un ensemble d’activités est donc consacré à cet aspect (figure 6). Ce sera l’occasion pour l’élève d’explorer des réseaux analogiques, de choisir les synonymes, antonymes et cooccurrences à privilégier selon le contexte, d’apprendre à chercher et à utiliser des locutions figées, etc.


Figure 6
Ouvrir le dictionnaire (extrait)

Un outil pédagogique convivial

Pour concevoir un outil convivial adapté aux objectifs liés au contenu, nous avons suivi quelques pistes pédagogiques qui semblaient profitables[6]. Voici quelques-unes de ces pistes qui nous ont servi de guide :

  • présenter clairement l’organisation des connaissances ;
  • privilégier des activités courtes et variées ;
  • éviter le mode « évaluatif », notamment lorsque l’objectif principal est de faire découvrir de l’information qui pourrait être tout à fait nouvelle pour l’élève ;
  • plutôt que de piéger l’élève par des questions spécifiques, lui permettre d’actionner lui-même les objets interactifs (boutons, phylactères, etc.) pour découvrir les éléments de réponses ;
  • les contenus étant essentiellement textuels, maximiser l’utilisation d’éléments audiovisuels dynamiques et stimulants, et remplacer autant que possible les consignes et rétroactions par une iconographie adaptée ;
  • disposer les contenus à l’écran dans un format visuel léger et aéré, surtout lorsque les textes pourraient être perçus comme rébarbatifs, et privilégier le morcèlement des éléments de contenu en différentes strates, ou couches, que l’élève est amené à consulter au besoin en actionnant lui-même les éléments de l’interface ;
  • laisser à l’élève le plein contrôle de l’application : navigation intuitive, avance rapide, retour en arrière, etc., l’outil étant conçu pour une utilisation libre.

Ainsi, dans Ouvrir le dictionnaire, les tâches sont variées et les contenus sont organisés dans des unités (écrans) qui constituent des problèmes à résoudre. Le parcours aide l’élève à gérer lui-même son processus d’apprentissage en lui permettant de naviguer librement dans une activité ou d’une activité à une autre, ou en lui laissant le loisir d’en reprendre certaines si sa performance ne le satisfait pas. En outre, puisque nous soutenons l’idée que l’aspect ludique permet de marquer les activités d’une empreinte affective positive (Silva, 2008), Ouvrir le dictionnaire offre un environnement vivant et coloré, de même que des rétroactions sonores et visuelles qui se veulent amusantes, notamment celles indiquant si une réponse est bonne ou mauvaise.

*  *  *

En bref, par nos choix linguistiques et pédagogiques, nous visons à ce que l’élève non seulement prenne conscience de la richesse du dictionnaire, mais aussi qu’il en devienne un utilisateur habile et assidu. Bien sûr, l’enrichissement de ses connaissances linguistiques est également au cœur de nos préoccupations. Enfin, nous souhaitons communiquer à l’élève notre amour du dictionnaire.

  1. Le développement d’Ouvrir le dictionnaire, supervisé par l’équipe de l’Amélioration du français du CCDMD, est soutenu par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Le titre de la ressource est un clin d’œil à l’ouvrage d’Éric Genevay intitulé Ouvrir la grammaire (Lausanne,1994). [Retour]
  2. Alain Rey classifie ainsi l’ouvrage : « [Le] Multidictionnaire des difficultés de la langue française (1988) est passé progressivement du manuel alphabétique répondant à de vraies questions sur l’usage au statut de véritable dictionnaire pratique du français, puis à celui de dictionnaire pédagogique, avec un titre élargi (Multidictionnaire de la langue française, 1997, 2003, 2009). » A. REY (2011), Dictionnaire amoureux des dictionnaires, France, Plon, p. 805. [Retour]
  3. Même à l’université, 33 % des étudiants, selon une enquête de Pascale Lefrançois (2007), ne trouvent pas toujours ce qu’ils cherchent dans un dictionnaire et 23 % ne comprennent pas ce qu’ils y trouvent. [Retour]
  4. La première édition d’Ouvrir le dictionnaire décrite dans le présent article cherche à joindre un public large : autant les francophones que les allophones qui étudient en français, et les élèves ayant beaucoup ou peu de difficultés avec la langue. Cependant, il n’est pas exclu que des activités plus ciblées puissent un jour être ajoutées. [Retour]
  5. Nous estimons que le dictionnaire devrait en fait constituer l’un des outils essentiels de toute stratégie de révision et d’autocorrection. D’ailleurs, Ouvrir le dictionnaire s’insère dans la section « Stratégies de révision » du site de l’Amélioration du français du CCDMD : www.ccdmd.qc.ca/fr/strategies_revision/. [Retour]
  6. Ces pistes ont fait l’objet d’un article plus étoffé : BERGERON, Gilles (2007), « La richesse pédagogique de l’interactivité », Correspondance, vol. 13, no 2. (Consulté le 8 juillet 2011). [Retour]

Références

ANCTIL, Dominic (2011). L’erreur lexicale au secondaire : analyse d’erreurs lexicales d’élèves de 3e secondaire et description du rapport à l’erreur lexicale d’enseignants de français, Thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, 464 p.

BOGAARDS, Paul (2009). « Du bon usage des dictionnaires : étude critique de quelques livrets d’accompagnement », dans HEINZ, Michaela (dir.). Le dictionnaire maître de langue. Lexicographie et didactique, Actes des « Deuxièmes Journées allemandes des dictionnaires », Berlin, Frank & Timme, p. 229-244.

DE VILLERS, Marie-Éva. Multidictionnaire de la langue française (2009), Montréal, Québec Amérique, 1707 p.

LEFRANÇOIS, Pascale (2007). Are reference books the key to solving syntactic and lexical problems at university level ?, communication présentée dans le cadre de la 15e Conférence européenne sur la lecture – 15th European Conference on Reading, Berlin.

POLGUÈRE, Alain (2003). Lexicologie et sémantique lexicales. Notions fondamentales, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 260 p.

SILVA, Haydée (2008). Le jeu en classe de langue, Paris, CLE international (Techniques et pratiques de classe), 207 p.

Le Petit Robert de la langue française (2012), Paris, Le Robert, 2 837 p.






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