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Entrevue avec Mme Fadia Naim, Ph. D., directrice générale de Cintech agroalimentaire du Cégep de Saint-Hyacinthe

Une subvention majeure du CRSNG pour Cintech
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) accordait récemment à Cintech agroalimentaire du Cégep de Saint-Hyacinthe une subvention de 2,3 millions de dollars pour son projet de recherche portant sur la lumière pulsée pour les fruits et légumes, une technologie à haute valeur ajoutée. Fadia Naim nous explique le projet : « La lumière pulsée est une version récente de la technologie de rayonnement UV que l’on utilise pour l’assainissement des surfaces, pour le traitement de l’eau ou de l’emballage alimentaire. Elle utilise des lampes au xénon pour produire une série de flashs (1 à 300 flashs par seconde)  avec un spectre continu dans le domaine UV, mais qui contient aussi de la lumière visible et des infrarouges, ce qui fait que son intensité et son pouvoir pénétrant augmentent ainsi son efficacité. L’enjeu : l’amélioration de la qualité des fruits et légumes après la récolte, et ce, qu’ils soient transformés ou frais. Nous cherchons à réduire la flore bactérienne contaminante (assainissement de surface) ainsi que les mycotoxines, à accélérer la dégradation des pesticides et à réduire le brunissement enzymatique ou autre. De même, nous ciblons à améliorer la qualité organoleptique et nutritive des fruits et légumes par la réduction de leur brunissement et l’augmentation de leur contenu en antioxydants. Cette technologie offre plusieurs avantages dont il faut faire la preuve tout en validant l’innocuité de la technique. En travaillant sur le produit, il faut s’assurer de ne pas générer d’autres effets non désirables. À la fin du projet, une fois que l’efficacité et l’innocuité auront été prouvées, nous accompagnerons les entreprises auprès de Santé Canada afin d’obtenir l’autorisation de l’appliquer en usine. »

La contribution des entreprises associées au projet serait de l’ordre de 300 000 $ sur un projet global de 3 millions de dollars.

Déjà, en 2013, Cintech avait obtenu du CRSNG une autre subvention de 2,3 millions de dollars pour un projet de valorisation. Bon an mal an, le Centre réalise près de 150 mandats de recherche et de développement et d’aide technique.

Le volet recherche sur les consommateurs
Un des volets de la mission du Centre porte sur la recherche auprès des consommateurs, un aspect assez unique dans le réseau des CCTT. La recherche sur les consommateurs permet d’orienter un client par rapport au succès de son produit auprès des consommateurs, et ce, avant de le lancer dans le marché. C’est un outil additionnel qui valide les chances d’un produit auprès des consommateurs ciblés. « Le Centre fait appel à une banque de juges consommateurs qui varieront selon les produits. Par exemple, s’il s’agit de céréales, nous faisons appel aux enfants. Pour les produits biologiques, il faut cibler le genre de clientèle approprié. Il faut donc sélectionner les participants en fonction du produit, du marché ciblé et des objectifs de l’étude en cause. »

Les clients du Centre proviennent principalement de toutes les régions du Québec, mais aussi du reste du Canada et de l’Europe.

La valorisation
Dans le but d’éviter le gaspillage, d’optimiser l’utilisation des ressources et de réduire les coûts de production, les entreprises font de plus en plus appel à la valorisation. « Dans tout processus de production, il y a des rejets qui sont souvent destinés à la poubelle ou à l’alimentation animale (pour presque l’équivalent du coût de transport).  On peut les réutiliser. Bien sûr, il faut valider la qualité nutritive et microbiologique ainsi que la rentabilité du processus. Notre objectif est de réutiliser ces portions qui sont encore nutritives et bonnes pour en faire autre chose, comme les réintroduire dans la production ou en faire un autre produit. Si vous avez une pomme de terre qui n’est pas belle ou dont une des parties n’est pas bonne, est-ce qu’on la jette parce que le consommateur ne l’achètera pas? En s’assurant qu’il n’y a pas de moisissure, en traitant le fruit pour le conserver, on peut le transformer afin de le rendre conforme à la réglementation. Si on coupe une pâte pour en faire un dessert, est-ce que nous pouvons faire autre chose avec les bouts non utilisés? Il importe de choisir les portions saines. Les procédés de fabrication doivent être conformes à la réglementation, sécuritaires et nutritifs. »

La sécurité alimentaire
Les services offerts par le Centre dans ce champ d’activité sont larges. « Dans les situations de contamination des produits dans une entreprise, on peut aller sur place, valider, observer, voir la documentation et le fonctionnement des appareils. Nous devons regarder ce qui ne fonctionne pas et apporter des mesures correctives. Il faut documenter pour s'assurer que tout soit conforme aux normes, tant les procédés que les procédures; on aide les entreprises à bien comprendre et à utiliser des outils pour le contrôle de la qualité. »

Les réalisations
Les interventions du Centre ont permis de nombreuses réalisations profitables aux entreprises. Bien sûr, la confidentialité des dossiers ne permet pas de les dévoiler. Mais, Fadia Naim cite le cas des producteurs de pommes de terre qui ont un projet de recherche en valorisation avec le Centre. Ils se disent très satisfaits des avancés à cet égard. Les Aliments Viau inc. ont mis en marché une tartinade de mortadelle et de ricotta développée par Cintech. Un groupe d’aide aux enfants tyrosinémiques du Québec dit avoir évité l’hospitalisation d’un enfant grâce au développement d’un dessert unique qui inclut une formule essentielle pour leur enfant. « Quand nous marchons dans un supermarché, nous voyons beaucoup de produits sur lesquels nous avons travaillé. Nous en tirons une grande fierté. Quand nous sauvons une entreprise en péril parce qu’elle a des problèmes de contamination et que nous réussissons à résoudre le problème, nous sommes satisfaits et fiers. »

Des équipements à la fine pointe de la technologie
Cintech possède un parc d’équipements pour des fins de recherche de quelque deux millions de dollars : équipements de séchage sous vide et d’analyse, des carbonateurs, des emballeuses sous différentes formes, des extrudeurs ainsi que des équipements d’échelle pilote entre le laboratoire et l’usine qui permettent de développer des produits ou de nouvelles technologies et de déterminer les paramètres des procédés. Pour la recherche sur les consommateurs, le Centre possède une cuisine expérimentale où sont préparés les produits tels qu’ils doivent être servis. Par exemple, s’il s’agit de pizzas, il faut qu’elles soient toutes chauffées à la même température pour que l’évaluation soit comparable. Des cubicules isolés avec éclairage et ordinateurs permettent d’entrer les données qui seront ensuite analysées. Une salle de conférence accueille des groupes de discussion (focus groups) afin d’aller plus loin dans l’évaluation. Laboratoires de développement de produits, de biologie et de chimie complètent ces équipements. Cintech est logé dans les locaux de l’Institut de technologie agroalimentaire, à proximité du Cégep de Saint-Hyacinthe.

Un exemple d’équipement : un système combiné d’extrusion et de cuisson

Les ressources humaines
Le Centre compte sur une trentaine d'employés auxquels s’ajoutent une douzaine de surnuméraires attachés au recrutement de juges, pour les tests de recherche sur les consommateurs, et une douzaine de techniciens, qui préparent les produits pour ces tests. L’administration est chapeautée par un conseil d’administration distinct, principalement composé de gens provenant des entreprises. Le Collège y est représenté par une personne.

Les liens avec le Collège
À l’image des CCTT, qui sont incorporés en OSBL, Cintech agroalimentaire assume le mandat de centre collégial de transfert de technologie tel que confié par le Ministère au Cégep de Saint-Hyacinthe. Un contrat de gestion lie les deux parties. C’est le statut de CCTT affilié au Cégep qui donne à Cintech accès aux différentes subventions pour la réalisation de projets de recherche avec des partenaires industriels. Des professeurs du cégep participent aux projets avec l’objectif d’enrichir leur feuille de route et leurs contenus de cours, d’acquérir des informations à jour et d’apporter une expertise particulière aux projets du Centre. Des stagiaires étudiants participent également aux projets.

Les projets pour l’avenir
Un plan stratégique oriente les développements à venir de Cintech. La directrice générale souhaite réaliser ses objectifs de croissance, d’augmentation du nombre de chercheurs afin de pouvoir desservir encore plus de clients et couvrir d’autres champs du marché. « Il importe de rester à l’affût des besoins du milieu de manière à pouvoir soumettre des projets opportuns et répondre aux attentes exprimées. »

Texte et entrevue réalisés par Alain Lallier, édimestre, Portail du réseau collégial.






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