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Un cégep, Trois-Rivières, 3 CTTT

Rares sont les collèges du réseau qui ont réussi à mettre sur pied trois centres collégiaux de transfert de technologie (CTTT). Le Cégep de Trois-Rivières figure sur cette courte liste. Ce qui est remarquable dans cette situation, ce n’est pas tant le nombre de CTT mis en place que la qualité de leur développement, de leur organisation et de leur synergie avec l’établissement.
Alors que d’autres collèges ont choisi de créer une corporation indépendante, le Cégep de Trois-Rivières a intégré ses centres à sa structure pour en faire des unités ou des services du collège relevant du directeur général et rendant des comptes à son conseil d’administration.

Monsieur Raymond-Robert Tremblay, directeur général du cégep explique les avantages de cette orientation : « De nombreux collèges ont opté pour la création d’une organisation sans but lucratif (OBNL). Le Cégep de Trois-Rivières a choisi une autre option. En tant que service du collège, les centres demeurent près du collège. Ce mode de fonctionnement permet que la croissance des uns et des autres soit en lien avec les objectifs stratégiques du collège. En juin dernier, le conseil d’administration a résolu de réserver une somme de 400,000 $ pour un projet d’agrandissement du Centre de métallurgie du Québec, dans le cadre d’un montage financier de plus de 2 millions. Le collège met ainsi son poids derrière les CTTT. Quand le collège bouge, il bouge avec sa force et avec son engagement ».
 

Raymond-Robert Tremblay, directeur général du cégep 

Ce qui caractérise aussi l’approche trifluvienne, c’est la proximité des centres de transfert avec les départements d’enseignement. Le nouveau directeur général en parle avec enthousiasme: « Nous encourageons la synergie entre le collège et les centres. Cette synergie a un impact certain sur l’enseignement, et ce à plusieurs niveaux: la disponibilité d’équipements à la fine pointe qui peuvent supporter certaines applications pratiques dans les programmes; l’initiation de certains étudiants à la recherche en les embauchant par exemple comme assistants de recherche.  Pour les enseignants, c’est l’occasion de devenir chercheurs eux-mêmes quand le collège les prête pour piloter un projet en particulier. Les professeurs des départements peuvent aller faire des visites avec leurs étudiants ce qui permet des mises à jour ponctuelles au niveau des développements technologiques.

"Les trois centres sont à la fine pointe de la technologie et font des recherches appliquées de pointe. Afin d’assurer la qualité d’échange recherchée, il importe que les CCTT ne vivent pas en vase clos, mais qu’ils soient constamment en relation avec leur équipe départementale. En métallurgie par exemple, des équipements ont été fournis par le Centre au département. Lors de la dernière journée stratégique du Centre de métallurgie du Québec (CMQ), tout le département de métallurgie a été invité et était présent. Il arrive même qu’en situation de difficulté de recrutement de professeurs, certains chercheurs du centre viennent enseigner au collège ».

Cette vision d’intégration des centres est pleinement assumée par l’établissement : les principaux objectifs des CTTT s’inscrivent dans le plan stratégique du collège et figurent également au plan de travail institutionnel. Le collège s’est doté d’un plan stratégique de la recherche en juin dernier qui regroupe toute l’information sur la recherche pour mieux clarifier la cohérence d’intervention dans ce domaine. Les centres y occupent une place centrale.


Le Centre de métallurgie du Québec (CMQ)

Le centre existe depuis 25 ans. C’est un des premiers centres spécialisés du réseau collégial créés en 1985. Une vingtaine d’employés travaillent au Centre dont 4 possèdent un doctorat en métallurgie. Ses locaux sont situés dans le parc industriel de Trois-Rivières.
 
 

Le Centre a acquis un bâtiment de 15,000 pi2 dans le parc industriel des Hautes-Forges pour y installer le laboratoire et l’usine pilote de nouveaux équipements de pointe, uniques au Québec et au Canada

Le CMQ s’est donné comme mission de favoriser l’émergence et la croissance d’entreprises dans le secteur métallurgique par un réseau d’innovation tout en optimisant les retombées sur l’enseignement collégial. Le CMQ remplit sa mission en offrant des services de recherche et de développement, d’assistance technique, d’analyses et caractérisations métallurgiques, de transfert technologique et de formation sur mesure en entreprise. 
 

Gheoghe Marin , directeur du Centre de métallurgie du Québec (CMQ) 

À l’occasion de notre visite, le directeur M. Gheorghe Marin insiste sur le fait que « le Centre a évolué d’un centre de services vers un centre de recherche et de développement en métallurgie. Nous participons aux grandes activités scientifiques, nous organisons des congrès et des conférences. L’équipe peut compter sur 4 PHD et connaît une croissance continue. Au cours des dernières années, le Centre a élargi sa base de clients en réalisant une moyenne de 400 prestations de service par année, et ce, dans tous les secteurs de la métallurgie. Nous avons des projets de plusieurs millions de dollars avec les entreprises. L’accent est mis sur le développement de pointe ».

Une croissance continue malgré le fait que la situation des entreprises du secteur ne soit pas facile : « Au cours des trois dernières années, le secteur de la métallurgie est en déclin : le nombre de pièces moulées par tonne, par année décroît. Plusieurs fonderies ont fermé. Le secteur du magnésium a presque disparu au Québec. Les entreprises de moulage ont connu des pertes de productivité.  Ce n’est pas une situation facile. Des activités sont transférées dans d’autres pays comme la Chine. Dans un tel contexte, le centre doit nécessairement se positionner, en avance de cette mouvance en développant des technologies d’alliages avancées à forte valeur ajoutée explique, monsieur Gheoghe Marin. Ça prend des créneaux dans le médical, l’aérospatial pour supporter une main- d’œuvre spécialisée».
  

Four à creuset froid Consarc pour la coulée sous vide des alliages de titane, de zirconium et de nickel

En recherche et développement, le Centre favorise le partenariat technologique. Au cours des dernières années, le CMQ s’est illustré dans des projets d’envergure, notamment :
 Le démarrage du Centre de technologie des alliages avancés en 2009 (projet MDEIE);
 Le développement d’un procédé de mise en forme des alliages de titane, de zirconium, de nickel et des aciers inoxydables en partenariat avec 4 PME, en 2009-2013 (projet ICC-CRSNG);
 Les partenariats technologiques pour la mise en forme des alliages de titane pour les applications médicales avec le Département de métallurgie de l’Université Laval de Québec, le Centre de caractérisation microscopique des matériaux de l’École Polytechnique de Montréal, le Département de métallurgie de l’École de technologie supérieure de Montréal et l’Institut des matériaux industriels du CNRC.  

Le directeur Marin est particulièrement fier de la qualité des publications scientifiques des chercheurs du Centre dans les grandes revues du secteur. Il cite à titre d’exemple un article de Duchesne, Chiesa et Baril qui a reçu en 2009 le prix : « Best paper award from the American Foundry Society ».

Le Centre trouve important de maintenir des liens étroits avec le département d’enseignement : il intègre des professeurs dans des projets avec les entreprises ou dans les projets de recherches ; il organise deux rencontres annuelles avec le département pour mieux coordonner leurs activités et offre à chaque année des stages pour deux étudiants du collège.

Pour le directeur Marin, « le choix de s’installer dans un environnement de parc industriel favorise une proximité avec les clients qui se sentent plus à l’aise par rapport à la confidentialité et à la sécurité ». Pour mieux répondre aux exigences de l’industrie métallurgique, le Centre est accrédité ISO 9001-2008 et est en cours d’accréditation du système ISO 170025 (traction et dureté).

Fort de ses vingt-cinq ans d’existence, le CMQ fait une démonstration éloquente de sa maturité comme centre de transfert. Il peut compter sur une équipe de techniciens, de chercheurs et d’enseignants associés de grande qualité, sur des équipements à la fine pointe de la technologie et sur des partenariats stratégiques avec les entreprises et avec de nombreux établissements tant au niveau collégial qu’universitaire.


Le Centre spécialisé en pâtes et papiers (CSPP)
  

Le Centre spécialisé en pâtes et papiers existe depuis 1989.  Le visiteur du Centre ne peut qu’être impressionné par la qualité de ses installations actuelles. Logé sur le campus de l’UQTR, le CSPP partage les locaux et les équipements du Centre intégré en pâtes et papiers, projet majeur réalisé en collaboration avec l’UQTR, le Cégep de Trois-Rivières, l’industrie des pâtes et papiers et les gouvernements du Québec et du Canada. Inauguré en 2007, le Centre dispose d’une usine pilote unique au Canada permettant de reproduire des procédés partiellement ou en entier. L'usine possède :
• Un atelier pour la mise en pâte, le traitement des pâtes et le bioraffinage ;
• Une machine à papier pilote complète, incluant les technologies les plus avancées ;
• Des équipements de traitement de surface permettant de modifier et de fonctionnaliser les papiers et les cartons. 

La machine à papier pilote du Centre

Nous avons rencontré monsieur  Mario Parenteau directeur du CSPP, et avons échangé avec lui sur les enjeux actuels. D’entrée de jeu, il nous parle de la situation du secteur des pâtes et papiers, secteur qui a connu des difficultés importantes durant la dernière décennie. « La diminution des usines n’est pas le facteur le plus important. Le plus gros problème, c’est le marché. Tant qu’il y aura un marché, les usines vont tourner. Depuis trois à quatre ans, les ventes de papier journal ont décru. Il nous faut donc envisager d’autres avenues et opter pour d’autres alternatives. »

Le papier peut servir à autre chose que l’impression et l’emballage. À titre d’exemple : une membrane de papier utilisée dans un échangeur d’air à haute efficacité, technologie développée par une entreprise de Drummondville, filiale de Venmar. Le rôle du Centre a permis de développer la recette d’un papier aux propriétés très spécifiques dans des conditions très variables d’humidité ou de sécheresse. C’est  le Centre lui-même qui produit sur sa machine-pilote les rouleaux de ce papier.  

Mario Parenteau, directeur du Centre spécialisé en pâtes et papiers 

« La tendance étant d’utiliser des produits de plus en plus biodégradables et non dépendants du pétrole, le Centre veut axer la recherche dans ce sens. Les fibres des bois sont une ressource renouvelable contrairement au pétrole. L’enjeu pour le Centre c’est de trouver les niches qui n’ont pas encore été explorées. Dans ce domaine, les joueurs sont cependant nombreux. Le défi consiste à se concerter avec des partenaires universitaires ou les CCTT qui font de la recherche et du développement dans ces axes de façon complémentaire. Ce que peut offrir le Centre, ce sont des équipements industriels qui permettent de faire passer la recherche du laboratoire à une possibilité de commercialisation. Il faut une quantité appréciable d’une recette pour pouvoir l’évaluer.  Tous les produits dérivés de la cellulose offrent de nombreux débouchés. À titre d’exemple, le Centre de Technologie maritime se demande s’il pourrait nourrir ses algues avec de la biomasse. Mais quand elle est cellulosique, il faut la réduire en sucre. C’est là où le Centre peut intervenir afin de produire une quantité suffisante pour aller plus loin dans les expérimentations. En ce sens, nous sommes complémentaires à d'autres centres ».

Le CSPP  a toujours entretenu, lui aussi,  des liens étroits avec le département d’enseignement. Mais, au cours des dernières années, les difficultés de recrutement ont provoqué la suspension des admissions dans le programme. Le Cégep a réagi en proposant un nouveau programme qui sera en vigueur dès la prochaine année : Procédés et valorisation.
Mario Parenteau explique : « un technicien en pâtes et papiers, c’est un technicien en procédés. Le nouveau programme offrira une formation orientée vers le développement durable axée sur des compétences pour l’industrie des pâtes et papiers, mais aussi pour d’autres types d’industries. Le Centre spécialisé s’est impliqué dans la réorganisation du nouveau programme. L’absence d’étudiants dans le programme enlève une dimension importante au rôle du Centre en matière de retombées sur l’enseignement technique. Le Centre mise sur les besoins de remplacement important de la main-d’œuvre affectée aux opérations de production dans les entreprises de la région et celles de l’industrie papetières du Québec. Les cartons, les papiers hygiéniques et les produits d’emballage affichent une bonne stabilité. La restructuration du secteur du papier journal est pratiquement terminée et le développement des biotechnologies, par voie de bio-raffinage des produits forestiers et agricoles, ouvre des portes à des applications scientifiques prometteuses».

Le directeur du Centre insiste beaucoup sur les collaborations, bien sûr avec les chercheurs de l’UQTR, mais aussi avec ceux de l’Université Laval, Sherbrooke et de l’École polytechnique. Il croit beaucoup aux collaborations avec les autres CCTT et cite en exemple une alliance avec 5 autres centres dans le domaine de l’emballage.

Interrogé sur l’avenir des pâtes et papier, le directeur du Cégep, Raymond-Robert Tremblay tient un discours optimiste : « Face aux difficultés de recrutement en pâtes et papier, je suis heureux de constater que c’est le CSPP qui assure la pérennité de l’expertise dans un secteur qui est en mutation, mais qui n’est pas au bord de l’agonie. On est actuellement à 60 % de la production des belles années. Pour ce 60 %, on a seulement 10 % du personnel que l’on avait à l’époque. Les développements technologiques font que ce sont des techniciens haut de gamme qui travaillent sur des machines énormes. Il y a un avenir dans des productions particulières.  Des papiers plus fins, des papiers de spécialité. C’est en faisant des recherches que l’on va réussir à se positionner, en trouvant de nouveaux procédés. Les biocarburants offrent aussi des voies d’avenir. Avec le nouveau programme, le cégep s’inscrit dans une tendance des produits chimiques de la matière lignocellulosique. On extrait du bois d’autres principes qui peuvent servir à des usages nouveaux ».
 
 

Le C2T3 (Centre collégial de transfert de technologie en télécommunications)
  

Dernier né de la famille trifluvienne des CCTT, le C2T3  a pour mission de contribuer à la progression technologique et à l’essor des entreprises, des organismes et des maisons d’enseignement collégial associés au secteur des télécommunications.  Il réalise cette mission en entreprenant des projets de recherche et développement; en assurant des services de liaison et de transfert de technologies;  en offrant des formations spécialisées;  en mettant en relation différents intervenants et facilitant le réseautage;  en réalisant des études de faisabilité techniques et d’évaluation de potentiel commercial avec nos partenaires;  en organisant l’accompagnement des entreprises dans leurs étapes de réalisation de leurs projets d’innovation.
Quatre champs d’intervention sont investis par le C2T3. Il s’agit de la téléphonie cellulaire, la radiocommunication, la câblodistribution et la réseautique (TCP/IP et VO/IP) 

Denis Moreau, directeur du C2T3 

Le directeur du Centre, monsieur Denis Moreau nous raconte la naissance du dernier né : « Le Centre est né de l’expertise des professeurs du programme en génie électrique en télécommunications. Cette expertise a été développée en donnant des formations sur mesure dans les grandes entreprises de télécommunication principalement dans la région de Montréal. Né en 2008, le Centre s’est installé dans des locaux à proximité du Cégep et fut le premier organisme collégial québécois à avoir accès au Centre CMC, organisme canadien donnant accès à l’utilisation de logiciels de premier niveau. C’est ainsi que le C2T3 a pu se procurer des logiciels de design d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars, et ce pour 1,000 $ ».

Le Centre a acquis des équipements de haute technologie auxquels les professeurs du département ont accès. Des étudiants du programme sont engagés par le Centre qui entend financer des projets de fins d’études de ces derniers. Le C2T3 compte actuellement 8 employés, dont deux docteurs- professeurs au collège.

Denis Moreau donne deux exemples de projets d’innovation actuellement en marche :
- la mise en forme d’un piqué d’hôpital à l’intérieur duquel des fils conducteurs avec détecteur tramé sont introduits afin d’indiquer quand le tissu est mouillé ou souillé. Grâce à ce mécanisme, il s’avère même possible de savoir si la personne n’est pas sur le piqué. C’est le début du vêtement intelligent.
- le développement d’une caméra d’analyse numérique qui permettrait d’envoyer une alarme dans la situation où une personne est en difficulté, la caméra s’activant uniquement en situation critique.

Pour Denis Moreau, la stratégie de développement du Centre repose sur trois types d’opérations : le développement  de petits projets de recherche en collaboration avec des PME. Deuxièmement, la participation à des projets de recherche en collaboration avec des universités et des consortiums pour finalement aborder des projets de financement avec les organismes fédéraux.  Ces derniers projets assureront la pérennité du Centre qui pourra continuer de travailler avec les PME qui n’ont pas toujours les ressources pour faire de la recherche et du développement.

Parmi les projets, le directeur souhaiterait que le Centre dispose de salles de pré- homologation et de locaux mieux adaptés à ses activités.

Le dernier-né des CTTT trifluvien manifeste l’ambition de devenir un chef de file au Québec dans son domaine d’expertise. Souhaitons-lui bonne chance !

Entrevues réalisées par Marie Lacoursière et Alain Lallier le 18 octobre 2011.
 






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