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Faire flèche de tout bois

 

 

 

Entretien avec monsieur Yves Dessureault, directeur d’Inovem, Centre d’innovation en ébénisterie et meuble

 

Un texte d'Alain Lallier, éditeur en chef, Portail du réseau collégial

Un centre dont le nom évolue dans le temps
Inovem figure parmi les tout premiers CCTT créés au début des années 80. Appelé au départ « Centre spécialisé du meuble et du bois ouvré », il change quelques fois de nom et sera désigné successivement : CRIMBO (Centre de recherche industrielle en meuble et bois ouvré) en 1983; au milieu des années 90, il profite du regroupement des services aux entreprises pour se renommer EQMBO-Entreprises; en 2016, le Cégep de Victoriaville décide de donner au centre une image de marque qui survivrait aux aléas des changements et qui serait distincte de l’École nationale du meuble et du bois ouvré. Misant sur une culture d’innovation, le centre prend alors le nom d’Inovem, Centre d’innovation en ébénisterie et meuble. « Ces changements se sont faits en réponse aux besoins exprimés ou perçus et par une volonté de servir le plus adéquatement possible l’industrie et afin que celle-ci se reconnaisse dans cette nouvelle image de marque », rappelle Yves Dessureault.

L’importance de l’industrie du meuble et de l’ébénisterie au Québec
Le secteur industriel couvert par le centre représente 1500 établissements en meuble et ébénisterie de base. En incluant les autres entreprises de transformation du bois, nous passons à 2500 entreprises, principalement des PME dont seulement 80 grandes entreprises dans le nombre. Il s’agit donc d’un secteur de petites, moyennes et même très petites entreprises subdivisées en 5 grands secteurs : fabrication de meubles de maison, fabrication d’armoires et de comptoirs de cuisine, fabrication de meubles de bureau, fabrication de meubles d’établissement ou institutionnels, fabrication d’autres produits connexes.

La fabrication de meubles en bois représente à elle seule 37 % de l’ensemble de l’industrie. « Il s’agit là du secteur le plus affecté par la compétition internationale mondiale, souligne le directeur.  L’ensemble des pays émergents sont tous dans le domaine, en particulier l’Inde, la Chine et le Vietnam. »

Les défis du secteur
Selon Yves Dessureault, quelques grands défis confrontent les entreprises du secteur. La rareté de main-d’œuvre constitue le premier défi. « Il y a quelques années, nous parlions de rareté de main-d’œuvre spécialisée ; aujourd’hui, nous constatons simplement une rareté de main-d’œuvre à tous les niveaux. Ce sont des entreprises en grande partie régionales qui sont victimes du vieillissement de la population et de l’exode des jeunes vers les grands centres. »

La modernisation et la numérisation
La modernisation et la numérisation des procédés sont au cœur des interventions menées par les entreprises actuellement. La numérisation permet d’envisager des modèles beaucoup plus automatiques et automatisés. « Même le secteur du meuble figure parmi les entreprises les plus mobilisées. La première cohorte de diagnostics 4.0 a été initiée dans le domaine. »

Les pressions normatives et réglementaires
Yves Dessureault souligne aussi comme enjeu les pressions normatives et réglementaires. « Nous devons rivaliser avec des géants ailleurs dans le monde qui ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu. Ici, nous avons des pressions au niveau de la santé et de la sécurité au travail, des normes techniques, des règles aux niveaux de l’environnement, de l’embauche, des émissions polluantes, etc. Ce cocktail complet de contraintes devrait se retrouver partout dans le futur mais, pour le moment, ce sont les entreprises d’ici qui tracent la voie et en en paient aussi le prix.  Ces mesures sont nécessaires pour améliorer la sécurité, la qualité de vie et la protection de la planète. Nos entreprises sont devant la parade, ce qui fait que celle qui perdure à produire ici doit être innovante et performante. »

La mission du centre
Inovem définit sa mission de la façon suivante : accroître la productivité, la compétitivité des entreprises du secteur de l’ébénisterie, de l’ameublement et des produits d’apparence en bois sur les scènes nationale et internationale. « On a élargi aux produits d’apparence en bois, parce que nous avons de plus en plus de demandes d’entreprises qui ne sont pas des entreprises du secteur du bois, mais qui veulent améliorer l’empreinte environnementale ou l’aspect esthétique de leurs produits en utilisant le bois. »

Séchoir infrarouge au gaz

Les infrastructures
En octobre 2017, un montant de 150 000 $ a été attribué par le Mouvement Desjardins à Inovem pour la mise en place d’un laboratoire de recherche et de transfert technologique en réalité virtuelle et augmentée pour l’industrie du meuble de l’ébénisterie et des produits d’apparence en bois.

Laboratoire Desjardins

Ce laboratoire, qui sera inauguré en janvier 2019, regroupera un ensemble de technologies en lien avec la réalité virtuelle, la réalité augmentée, la numérisation 3-D et la vente en ligne. Les activités réalisées dans ce laboratoire permettront de développer et de maîtriser une chaîne de procédés visant la commercialisation à valeur ajoutée d’un produit sans passer obligatoirement par l’interaction physique avec un objet.

Inovem possède également un laboratoire de finition industrielle qui permet une programmation de recherche de près de 3 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.

Inovem peut également compter sur toute l’infrastructure de l’École nationale, son usine-école. On y retrouve des équipements en contrôle numérique, en transformation des panneaux, etc.

Au cours des prochaines années, le centre compte mettre aussi en place un laboratoire 4.0.

Un projet avec une entreprise de cercueils
Parmi les nombreux projets réalisés, Yves Dessureault parle d’un projet qui visait à éliminer toutes les incertitudes qui empêchent les entreprises d’adopter une solution de finition à base d’eau. « Nous voulions prouver aux entreprises que ça pouvait marcher. L’industrie partenaire : Victoriaville et Co, une entreprise de cercueils. Ce type d’entreprise rencontre les plus hauts niveaux de qualité au niveau de la finition. Notre objectif en était un de démonstration et de déploiement par la suite. Pour réaliser ce projet, nous avons travaillé avec la Corporation de développement durable de Victoriaville et de sa région, Victoriaville et Co comme partenaire, le Fonds d’action québécois de développement durable, la Ville de Victoriaville ainsi que d’autres collaborateurs. Concerter tout ce monde constituait déjà un défi. Grâce au financement synchrone des CCTT, nous avons pu dégager la marge de manœuvre et le temps permettant de concerter l’ensemble de ces gens vers une action commune. Le projet s’est déroulé en 5 étapes : il fallait d’abord dresser le portrait des entreprises qui avaient le potentiel de passer aux produits à base d’eau et identifier tous les freins à ce passage. Autres étapes : réalisation de travaux et mise à l’essai pour les différents produits de finition et une programmation de recherche sur chacune des étapes. Nous avons dû intégrer les produits et les méthodologies et les implanter dans une entreprise. Finalement, la cinquième étape visait l’élaboration d’une stratégie de déploiement pour l’ensemble des entreprises québécoises. »

Inovem a vu ses efforts récompensés dans ce projet en étant sélectionné finaliste au Gala Envirolys organisé par le Conseil des entreprises en technologies environnementales (CETEQ). L’événement vise à souligner l’apport des entreprises à l’économie verte du Québec. Inovem était finaliste dans la catégorie Projet vert ICI+.

Photo : Roger Ducharme, enseignant à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie et chercheur chez Inovem, Patrick Marcoux, directeur d’usine chez Victoriaville et Co. et Yves Dessureault, coordonnateur d’Inovem

L’équipe
Le centre compte une vingtaine de personnes. Il s’agit d’une équipe multidisciplinaire qui loge dans le même environnement que les professeurs de l’École nationale. On se retrouve donc avec des employés professionnels du centre, mais également avec des professeurs de l’école nationale et du département informatique du cégep dégagés à temps partiel ou à temps plein. Nous comptons aussi des étudiants qui travaillent également au centre dans le cadre de stages et d’emplois d’été.

L'équipe d'Inovem

Le groupe d’expertise forêt du Réseau Trans-tech
Yves Dessureault est également membre du groupe d’expertise forêt mis en place par le Réseau Trans-tech . Il tenait à nous en parler.

Le noyau fort du groupe d’expertise forêt regroupe 7 CCTT :
Biopterre – Centre de développement des bioproduits ; Centre d’enseignement et de recherche en foresterie – CERFO ; Centre d’expérimentation et de développement en forêt boréale – CEDFOB
Centre technologique des résidus industriels – CTRI ; Service de recherche et d’expertise en transformation des produits forestiers – SEREX ; Innofibre de Trois-Rivières ; Inovem.

« Nous avons des antennes dans chacune des grandes régions forestières du Québec. Quand nous avons décidé de nous regrouper, nous avions 2 intentions : 

Faire reconnaître nos interventions auprès du ministère des Forêts pour lequel nous étions perçus comme 7 petits centres indépendants. Nous voulions que la représentativité de notre action soit comprise et l’envergure de notre action bien perçue.

Notre deuxième objectif visait quant à lui la mise en forme d’une vision concertée, d’une approche moderne de l’utilisation de la forêt, de la richesse forestière qui va au-delà de la récolte de billes de bois en forêt.

« Notre regroupement touche l’agriculture forestière avec les champignons, la géolocalisation spatiale et les technologies de prise d’inventaire, le potentiel et la qualité de la fibre dans la forêt pour l’approvisionnement des usines, la production de la tourbe, l’optimisation de l’utilisation des sous-produits du bois pour des utilisations dans les bâtiments écoconçus, les nouveaux matériaux biosourcés, la mise en valeur des résidus par la pyrolyse et la production d’énergie et finalement la création de valeur par l’utilisation du produit bois et de son intégration dans de nouveaux marchés. »

"Nous voulons être le levier des groupes technologiques pour l’industrie forestière."

Une autre particularité de ce groupe : il est orienté vers les PME. Ces centaines d’entreprises génèrent de la richesse et de l’innovation à partir de la ressource forestière ou de résidus forestiers. Il se démarque en étant sectoriel. Dans les CCTT, il y a des groupes sectoriels et des groupes technologiques. « Nous voulons être le levier des groupes technologiques pour l’industrie forestière. Que ce soit la robotique, les objets connectés, la santé et sécurité ou le design. Nous voulons offrir aux entreprises ces expertises pour générer de l’innovation. Nous aimerions que la force de frappe des 1400 chercheurs du RTT travaille en synergie pour générer de la richesse par l’entremise du groupe forêt. Nous voulons que le ministère des Forêts reconnaisse la proposition du groupe forêt comme un outil puissant pour diversifier l’offre de valeur dans la richesse forestière. »






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