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Quand un cégep se «décolonise»

Article publié par Le Devoir -  Marco Fortier

Gilbert Niquay, un diplômé en intervention psychosociale d'origine atikamekw- nehirowisiw, occupe le poste de facilitateur à la vie étudiante autochtone au collège Ahunstic. L'enseignante en anthropologie Julie Gauthier participe quant à elle aux travaux sur la décolonisation et l'autochtonisation du cégep.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir

10 juin 2021 - Une équipe sportive qui s'appelait les « Indiens », représentée par un Autochtone coiffé de plumes : l'image du collège Ahuntsic, au nord de Montréal, créait un malaise grandissant. En voyant ce symbole d'une autre époque sur l'autobus qui transportait les athlètes du collège partout au Québec, la directrice Nathalie Vallée a décidé de « prendre les choses en main » et de changer l'identité des équipes du cégep.

« Les chandails à l'effigie de cette tête d'Indien circulaient aussi beaucoup dans le collège. Je me disais : ??oeIl ne faut pas faire les choses de façon brutale, mais il faut s'activer, c'est assez. Il faut qu'on passe à autre chose” », raconte Nathalie Vallée.

C'était il y a trois ans. Depuis, la directrice générale a lancé un vaste processus de « décolonisation » et « d'autochtonisation » du collège Ahuntsic. Les 14 équipes sportives du cégep s'appellent désormais les Aigles. Le nouveau logo, dessiné par un graphiste d'origine autochtone, a été dévoilé en février dernier.

Cette nouvelle image fait partie d'une vaste réflexion visant à inclure une perspective autochtone dans l'enseignement et les autres activités du collège. Le but : reconnaître l'existence des Premiers Peuples. Prendre acte de cette réalité balayée sous le tapis depuis des siècles. Et remettre en cause les façons de faire héritées du colonialisme, en enseignement comme ailleurs.

Ce cégep montréalais n'est pas le seul à s'ajuster aux réalités des Premières Nations. Les traumatismes autochtones mis au jour dans la dernière décennie — horreur des pensionnats, femmes et filles disparues ou assassinées, racisme dans les soins de santé et de services sociaux — ont marqué un réveil de l'identité autochtone qui fait des vagues jusque dans les collèges et les universités québécois.

« On est vraiment dans la remise en question douce du système colonial », résume Julie Gauthier, enseignante en anthropologie au collège Ahuntsic. Cette spécialiste des Premières Nations travaille sur la décolonisation et l'autochtonisation du cégep avec l'appui de sa direction et d'une série de partenaires autochtones.

Le Devoir l'a jointe avant son départ pour un séjour de 10 jours avec une douzaine d'étudiants dans la communauté atikamekw d'Obedjiwan, au nord du réservoir Gouin. Julie Gauthier emmène ses étudiants chaque année depuis 15 ans sur ce territoire situé à 700 kilomètres de Montréal. Ils passent la moitié du temps dans le village et l'autre moitié dans le bois.

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