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Personnalité de l’année/Humanisme - Garder le nord - Hannah Tooktoo

Article publié par La Presse, Marie-Claude Lortie


PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
Hannah Tooktoo , étudiante au Collège Dawson, à vélo dans les rues de Montréal, l'été dernier, dans le cadre de son périple à travers la Canada

1er janvier 2020 - Hannah Tooktoo revenait à peine d’Inukjuak, sur les rives de la baie d’Hudson, quand on l’a contactée. « Ils m’ont invitée ce week-end, raconte-t-elle. Il y a eu une fête de la communauté, j’ai parlé à la radio, j’ai rencontré des étudiants du secondaire et postsecondaire. Je leur ai parlé de mon périple. Je leur ai remis presque 10 000 $. »

Inuite et âgée de 24 ans, mère d’une petite fille de 3 ans, Tooktoo est devenue une nouvelle ambassadrice, un nouveau visage incontournable du Nord canadien. L’été dernier, elle a traversé le Canada à vélo pendant huit semaines. Pour sa santé, parce qu’elle avait besoin de faire cette expérience pour aller mieux elle-même dans sa tête et son cœur. Pour attirer l’attention sur la réalité des peuples du Nord, où ça ne va pas bien, où le taux de suicide chez les jeunes hommes atteint des niveaux gravissimes.
Dans la première moitié de 2019, 19 personnes se sont donné la mort au Nunavik. Hannah Tooktoo connaissait 13 d’entre elles. De deuil en deuil, elle s’est dit qu’elle devait faire quelque chose.

À la mi-juin, elle est donc partie de Victoria, en Colombie-Britannique, à vélo.

En août, elle était rendue à Montréal. Sur le chemin, elle a raconté son histoire aux Canadiens, en personne, par l’entremise des réseaux sociaux. Elle a parlé des graves problèmes du Nord. Elle a amassé des sous auprès du public pour financer son expérience. Mais elle n’a pas eu besoin de tout.

C’est le surplus, donc presque la moitié, qu’elle est allée remettre à l’association Unaaq, un centre d’aide pour les hommes d’Inukjuak, au début de décembre.

Pourquoi là et pas dans sa communauté à elle, Kuujjuaq ?

Parce qu’à Inukjuak, Unaaq est l’un des rares organismes spécialisés pour aider les hommes. Ailleurs, nombreux sont ceux qui appuient les femmes en difficulté. « Mais je voulais aider les jeunes hommes », note la jeune femme. Là, ils apprennent la beauté, l’utilité, la richesse de leurs traditions. La chasse, la pêche. Le kayak. Il y a du camping, aussi. C’est un espace de retrouvailles. De contact avec une identité. « Un vrai projet issu de la communauté », dit Tooktoo.

« Et puis je voulais donner à une autre communauté que la mienne. Je veux recréer des liens. Nous avons toujours été un seul peuple. »

Là-bas, a-t-elle constaté une certaine amélioration par rapport au début de 2019 ? Une baisse du taux de suicide ? « Pas vraiment. Ça arrive encore. Il nous faut tous agir pour faire une différence. Mais j’ai espoir. Quand j’ai vu combien de personnes sont venues se joindre à la discussion quand j’étais à Inukjuak, ça m’a donné espoir. Il faut commencer quelque part, n’est-ce pas ? »

Mais il y a énormément à faire.

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