Nouvelles

Locaux de prières à Dawson et Vanier

Une étude importante absente du rapport d’enquête

Une vaste étude commandée par Québec sur les locaux de prière dans les établissements d’enseignement supérieur ne figure nulle part dans le rapport d’enquête visant les cégeps Dawson et Vanier. Les chercheurs formulaient pourtant des observations différentes de celles rapportées la semaine dernière.

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Québec s’est penché sur les mesures prises par les collèges Vanier et Dawson (sur la photo) pour assurer la sécurité de leurs élèves affectés par la guerre au Moyen-Orient.

Tete de Léa Carrier, La Presse

« Il y a un manque de nuance flagrant dans ce rapport », constate Frédéric Dejean, professeur au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal.

Spécialiste des questions religieuses, il reste perplexe devant certaines observations faites sur les locaux de prière dans le rapport d’enquête visant les collèges Dawson et Vanier, dévoilé la semaine dernière.

Surtout, il s’étonne de voir que ses travaux, qui portent précisément sur cette question, ne figurent nulle part dans le document.

Avec deux autres professeurs de l’Université de Sherbrooke, M. Dejean a étudié il y a quelques années les pratiques d’accommodements religieux dans les établissements d’enseignement supérieur, dont les locaux de prière.

La demande venait directement du ministère de l’Enseignement supérieur, qui a financé l’étude.

Au total, les chercheurs ont mené une centaine d’entrevues dans 17 cégeps et universités à travers la province, qui ont servi à élaborer un guide sur les accommodements religieux destiné aux intervenants et aux gestionnaires.

Les résultats de l’étude ont été transmis au gouvernement caquiste en 2019. « On a fait un travail qui donnait un état des lieux assez juste en matière de locaux religieux », affirme Frédéric Dejean.

Le rapport d’enquête sur les collèges Dawson et Vanier, rédigé par des fonctionnaires de la Direction des enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur, n’en fait pourtant aucune mention, bien qu’il s’attarde longuement sur la question des locaux de prière

Pour le chercheur, c’est un problème. Certaines informations rapportées ne correspondent pas à ce qu’il a observé dans ses recherches.

Conclusion sans base scientifique

Un passage du rapport affirme que les locaux de prière ne font « qu’alimenter un climat de radicalisation, de repli communautaire et de méfiance réciproque à l’intérieur du cégep ».

Cette information, présentée « comme une vérité qui ne se discute pas », n’a aucune base scientifique, soutient Frédéric Dejean.

Elle provient d’une lettre ouverte signée par un groupe de militantes québécoises en faveur de la laïcité publiée dans les médias en 2023, comme le rapportait La Presse.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Collège Vanier, dans l’arrondissement de Saint-Laurent

« Ce n’est pas du tout un texte de recherche », critique le professeur.

Plus loin, le rapport soutient que les salles de prière peuvent être vues « comme un privilège, voire un élément facilitant la radicalisation et le prosélytisme », encore une fois sans référence.

Frédéric Dejean déplore que le rapport ne s’appuie pas sur des données probantes pour aborder « un sujet aussi sensible et complexe ».

Selon ses recherches, la réalité est beaucoup plus nuancée. « Il y a énormément de cégeps, universités qui ont des locaux religieux. Dans la plupart des institutions, ça se passe très, très bien. »

S’ils peuvent parfois représenter un « irritant », les accommodements religieux ne constituent pas un « problème majeur » au sein des établissements d’enseignement, concluait l’étude à laquelle il a participé.

Mais il ne faut pas « non plus être complètement naïf », souligne le professeur, qui travaillait au collège de Maisonneuve lorsqu’un groupe d’élèves radicalisés étaient partis combattre en Syrie.

Le problème n’est pas la présence de locaux religieux. Le problème, c’est la façon dont ils sont encadrés.

 Frédéric Dejean, professeur au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal

Pour cette raison, l’étude recommandait aux directions qui fournissaient des espaces de prière d’effectuer un suivi serré de leur utilisation.

Il est à noter que les collèges Dawson et Vanier n’ont pas participé à l’étude. L’échantillonnage incluait toutefois d’autres établissements anglophones, comme le collège Champlain.

Lire la suite

7 juillet 2025