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Tutorat à 4000$ pour entrer en médecine

23 mars 2021- Un « parcours du combattant », une « jungle » où le plus fort gagne : le processus d'admission dans une douzaine de programmes universitaires contingentés, dont la médecine, donne lieu à une rude concurrence.

Article publié par Le Devoir - Marco Fortier

23 mars 2021- Un « parcours du combattant », une « jungle » où le plus fort gagne : le processus d'admission dans une douzaine de programmes universitaires contingentés, dont la médecine, donne lieu à une rude concurrence. Le niveau d'anxiété est tel qu'un service de tutorat voué à guider les étudiants vers le programme convoité, à un tarif allant jusqu'à 4000 $ pour une quinzaine d'heures, est en train de prendre son envol.

La firme Accès Carrière, lancée il y a trois ans, indique que la demande pour ses services a doublé en un an. L'entreprise affirme qu'un millier d'élèves ont fait appel à ses mentors dans l'espoir de se tailler une place en médecine, en pharmacie, en physiothérapie ou dans un autre programme réservé à « l'élite » étudiante.

« C'est ridicule à quel point c'est rendu compétitif pour entrer dans certains programmes. La pression est énorme sur les étudiants. Ça crée une grande panique », dit Liviu Danila, étudiant de première année en médecine à l'Université Laval. Il est porte-parole de l'entreprise Accès Carrière, une firme fondée par le jeune entrepreneur Joseph Tabet, de Gatineau.

Liviu Danila peut témoigner des hauts et des bas du processus d'admission en médecine : malgré une moyenne générale de 90 % (une cote R de 35), il a échoué à ses deux premières tentatives d'être admis dans le programme. Il a été recalé une fois aux mini-entrevues multiples, une étape cruciale pour les candidats à la médecine (étape annulée depuis mars 2020 à cause de la pandémie), et une autre fois au test en ligne CASPer, destiné à évaluer le jugement des candidats.

Liviu Danila affirme qu'à sa troisième tentative, les conseils d'Accès Carrière l'ont aidé à comprendre la démarche de ces épreuves et à éviter les pièges du processus d'admission. Les tarifs pour le mentorat varient entre 97 $ et 3880 $, en fonction de l'ampleur des services rendus.

L'étudiant en médecine reconnaît que le forfait à près de 4000 $ pour 15 heures d'accompagnement peut être considéré comme élitiste. Il réfute toutefois cette perception : d'un point de vue économique, cette somme reflète la valeur au marché d'une aide qui augmente considérablement les chances d'être accepté dans des programmes ouvrant la voie à de très bons salaires, souligne Liviu Danila.

Des firmes offrant des services similaires aux États-Unis ou au Canada anglais ont des tarifs autrement plus élevés, qui dépassent 10 000 $ pour la simple préparation au processus d'admission d'universités prestigieuses, rappelle l'étudiant et entrepreneur (qui est aussi cofondateur de l'entreprise de tutorat l'Académie du succès).

Les procédures de sélection des étudiants dans les programmes universitaires contingentés sont de plus en plus complexes. Et anxiogènes. Il n'est pas rare que les aspirants médecins, pharmaciens ou dentistes doivent s'y prendre à plusieurs reprises pour être admis dans le programme convoité. Liviu Danila a ainsi étudié trois ans à l'université, en kinésiologie et en nutrition, avant d'être admis en médecine. Ça coûte cher, trois ans d'études universitaires utilisées comme tremplin pour une autre formation.

Le coût émotif est aussi lourd : « J'ai vécu une période très sombre après mon deuxième refus en médecine, raconte Liviu Danila. J'ai failli lâcher. Le rêve de ma vie, c'est de devenir médecin psychiatre. Mes parents m'ont toujours dit : ??oeSi tu travailles fort, tu auras tout ce que tu veux.” Ça n'a pas toujours fonctionné pour moi. J'ai étudié comme un fou au cégep, mais je me suis planté deux fois dans le processus d'admission. »

Course à la performance

Au cégep Gérald-Godin, dans l'ouest de Montréal, on connaît bien les enjeux décrits par Liviu Danila. « Dès la première session, on se fait poser la même question par des élèves : comment je fais pour avoir une bonne cote R ? » dit Magali Trudeau, aide pédagogique. La cote R est une mesure permettant de classer les cégépiens en vue de l'admission à l'université.

Les trois facultés de médecine francophones du Québec (Université de Montréal, Université Laval, Sherbrooke) ont abaissé l'an dernier la cote R permettant d'accéder aux étapes suivantes de leur processus d'admission. En diminuant le poids des résultats scolaires dans leurs critères de recrutement, les universités accordent davantage d'importance aux aptitudes humaines des candidats, explique Stéphanie Veilleux, conseillère d'orientation au cégep Gérald-Godin.

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