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Formation générale au cégep

Faut-il revoir l’enseignement de la philosophie ?

Les cours de philosophie, au cœur de la formation générale au cégep, sont souvent craints par les élèves, qui jugent la matière trop abstraite et pas assez actuelle. L’enseignement de cette matière doit-il être repensé ?​​​​​​

Olivia Lévy La Presse

En début de session, Emmanuelle Gruber, professeure de philosophie au collège Montmorency, fait un sondage auprès de ses étudiants pour connaître leurs appréhensions. Elle sait que les trois cours de philosophie obligatoires (Philosophie et rationalitéL’être humainÉthique et politique) provoquent souvent un mélange d’anxiété, de crainte, d’indifférence et de curiosité.

Nombreux sont les élèves qui confient qu’ils ne savent pas à quoi s’attendre, alors que d’autres ont peur d’échouer à leur arrivée au cégep, car la transition avec le secondaire peut être difficile.

Dans son rapport Regards croisés sur les conditions de réussite éducative des premiers cours de littérature et philosophie au cégep remis en 2024, le groupe de travail mis en place dans le cadre du Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur (PARES) 2021-2026 a fait des recommandations. Parmi celles-ci : la valorisation de la formation générale, la meilleure préparation des élèves, mais aussi la modernisation des pratiques enseignantes, la volonté d’intégrer des activités pédagogiques qui permettent de développer les compétences en lecture de textes philosophiques et en argumentation.

« Les cours de philosophie ne sont pas adaptés à la réalité d’aujourd’hui, ils doivent être modernisés, dépoussiérés », croit Christopher Zéphyr, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Dans un mémoire publié en 2023 sur les « cours-défis » (littérature et philosophie), la fédération étudiante souligne que l’enseignement de cette matière a très peu évolué depuis les 30 dernières années, malgré d’importants changements sociopolitiques et culturels dans le monde.

PHOTO FOURNIE PAR LA FÉDÉRATION ÉTUDIANTE COLLÉGIALE DU QUÉBEC

Christopher Zéphyr, président de la FECQ, en discussion avec des élèves

Selon Christopher Zéphyr, cet enseignement donne l’occasion aux étudiants de réfléchir collectivement aux problèmes de société et de développer un esprit critique, mais il propose des changements dans l’ordre des cours. « Le troisième, Éthique et politique, devrait être donné en premier, car il est plus accessible », dit celui qui constate un taux d’échec élevé, notamment au premier cours de philosophie. Il croit que la modernisation de la matière motiverait les élèves.

Des cours « essentiels »

Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, rappelle que la philosophie permet de former des « citoyennes et des citoyens dotés d’un esprit critique ». « Dans un monde où la désinformation se répand à grande vitesse, ils sont plus essentiels que jamais, souligne-t-elle. Oui, ils doivent évoluer, en se rapprochant des réalités des jeunes et des enjeux contemporains, mais sans jamais renoncer à ce qu’ils transmettent : la rigueur, le discernement et la critique intellectuels. »

« Ça demande une réflexion sur la pédagogie en général, comment accrocher les jeunes. Comment cultiver et susciter la motivation ? explique la professeure Emmanuelle Gruber. Un des secrets pour motiver les étudiants est d’aborder des thèmes universels et parler des problématiques qui leur sont proches. On peut parler des fake news, par exemple. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Emmanuelle Gruber, professeure de philosophie au collège Montmorency

Il y a aussi la recherche de la vertu, cultiver la persévérance, la force dans l’adversité, des thèmes de l’Antiquité, qui ont une résonance aujourd’hui.

 Emmanuelle Gruber, professeure de philosophie au collège Montmorency

Un avis que partage Julie Roussil, professeure de philosophie au cégep de Salaberry-de-Valleyfield, qui a ajusté sa façon d’enseigner. « J’enseigne depuis 20 ans. Les étudiants changent, alors je fais moins de théorie, explique-t-elle. Je mets l’accent sur la réalité politique, sociale pour que les élèves s’approprient la matière et pour que ce soit signifiant à leurs yeux. »

PHOTO MAXIME HÉBERT, FOURNIE PAR JULIE ROUSSIL

Julie Roussil, professeure de philosophie au cégep de Salaberry-de-Valleyfield

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16 novembre 2025