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Viser la parité hommes-femmes au collégial

Par Marie Lacoursière et Alain Lallier

 

À la veille de la journée internationale des femmes, le Portail s’est entretenu avec madame Nadine Le Gal, directrice générale du Cégep de Saint-Jérôme. Dans l’ensemble du réseau collégial, les filles représentent 57,3 % des effectifs scolaires. Chez le personnel enseignant, 55,1 % sont des femmes, alors qu’elles représentent 75,6 % du personnel professionnel, 59,1 % du personnel de soutien et 56,5 % du personnel de direction.

Nadine Le Gal, directrice générale du Cégep de Saint-Jérôme

« Quand nous nous situons dans la zone 40-60, nous sommes en mode parité, affirme Nadine Le Gal. Si nous étions dans une proportion de 56 % de garçons et 44 % de filles, je tiendrais le même discours. C’est sûr que si l’on compare la situation actuelle avec celle au début des cégeps, nous sommes ailleurs. Aujourd’hui, nous vivons vraiment dans un contexte paritaire, ce qui est tout à l’honneur de la société québécoise. J’aurais tendance à dire que les cégeps ont encore une part de responsabilité en matière d’accessibilité à l’enseignement supérieur partout au Québec. Et ça, c’est majeur. Même si tout n’est pas encore parfait, on peut, comme société québécoise, être fier de voir que les filles se présentent en nombre important au cégep. Cela ne doit cependant pas se faire au détriment des garçons, mais de façon à donner accès à l’enseignement supérieur à toute personne qui le souhaite, et ce, tout au long de sa vie. Les cégeps publics ont permis cette évolution-là. »

Une proportion liée aux programmes offerts

La proportion des garçons et des filles dans un cégep est liée étroitement aux programmes offerts par l’établissement et au nombre d’étudiants inscrits dans ces programmes. Les programmes liés à la santé (comme Soins infirmiers) et les techniques humaines (Techniques d’éducation spécialisée, Techniques de travail social et Techniques d’éducation à l’enfance) sont fréquentés majoritairement par des femmes.

Une présence féminine majoritaire colore-t-elle les pratiques ?
Au Cégep de Saint-Jérôme, à la session d’hiver 2022, l’effectif étudiant comptait 66 % de filles. Est-ce que la présence majoritairement féminine dans le collège change les pratiques? Nadine Le Gal pense que ça peut avoir une influence, mais c’est assez subtil. « Quand on parle d’environnement, de développement durable, d’écoresponsabilité, c’est très présent chez nous, comme dans l’ensemble du réseau collégial et ces enjeux sont partagés par tous, hommes et femmes. Quand nous avons fait notre planification stratégique, nous avons précisé nos aspirations en matière de milieu de vie, car c’est très important pour nos étudiantes et nos étudiants. Nous l’avons constaté pendant la pandémie, cette période charnière de la vie étudiante : le milieu de vie est très important. On pense, entre autres, aux activités parascolaires. Est-ce que nous avons une stratégie spécifique pour tenir compte d’une présence majoritairement féminine? Non. Pas vraiment. Dans l’équilibre actuel, les activités s’organisent en phase avec les préoccupations communes de nos jeunes étudiantes et étudiants. 

Un conseil de direction vraiment paritaire
La directrice générale est fière de préciser qu’au niveau du conseil de direction du Cégep de Saint-Jérôme, c’est 50-50, soit trois directrices et trois directeurs, si l’on exclut la directrice générale. « Je privilégie cet équilibre. Quand c’est possible, il faut viser une diversité. Les études en gestion ont démontré qu’il y a stratégiquement beaucoup d’avantages à viser la parité hommes-femmes. Avec toute cette diversité de points de vue, d’opinions, de perspectives différentes, nous constatons une augmentation de l’innovation dans les organisations. Et c’est enrichissant pour les hommes comme pour les femmes. Cette diversité représente un aspect positif pour tout le monde, favorise le dialogue et une communication différente. Je suis mère de trois filles. Et j’ai été entouré de trois frères dans ma famille. J’aime à penser que mes filles auront accès à cette diversité-là. »

La réussite pour tous
Pour la directrice générale, la réussite des filles ne se fait pas au détriment de celle des garçons. « Nous sommes sensibles à la réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants, quels qu’ils soient. Il faut bien réaliser qu’il existe une tranche d’étudiants — garçons et filles — qui ne s’inscrivent pas au cégep. La réussite et la non-diplomation constituent une préoccupation collective, et nous travaillons très fort sur cette question. Nous ne voulons pas que nos garçons soient laissés pour compte. Je trouverais triste que l’on associe l’accessibilité aux études supérieures des filles et leur réussite au fait que les garçons diplôment moins. Nous sommes en train de réaliser des études sur la réussite. Des chercheurs à l’interne travaillent sur des données susceptibles de répondre à nos questionnements. Quels sont les écueils à la persévérance? Il faut trouver des solutions, c’est essentiel. »

Encore des disparités salariales
Même si les femmes ont connu des progrès tangibles, Nadine le Gal précise que nous sommes encore dans une société où les femmes et les filles sont confrontées à des disparités salariales quand elles arrivent sur le marché du travail. « Même si nous vivons dans une société, au Québec, qui tend le plus vers l’égalité hommes-femmes sur le marché du travail, une femme n’a pas les mêmes conditions salariales qu’un homme, même à fonction égale. Il faudra voir au cours des prochaines années si cette disparité se maintient ou pas. Elle tend à diminuer, mais du travail reste encore à faire1. »

La pénurie de main-d’œuvre va-t-elle influencer la poursuite des études ?
Est-ce que la pénurie de main-d’œuvre actuelle, notamment dans les Laurentides, ne serait pas une invitation à aller travailler tout de suite plutôt que de poursuivre des études, en particulier chez les garçons ? Nadine Le Gal souligne que bien des étudiants sont dans des situations financièrement précaires, d’où leur propension à décrocher un emploi rapidement dans le contexte actuel. Ce sont des hypothèses. « Selon certaines études, les enjeux de diplomation sont plus grands pour un enfant de première génération en enseignement supérieur. Si les parents n’ont pas de diplômes d’études postsecondaires, cela peut également teinter la persévérance au collégial et en enseignement supérieur. Nous avons encore du travail à faire sur ce plan. Dans les Hautes-Laurentides, il y a beaucoup de besoins dans les domaines de la foresterie et du tourisme, ce qui peut sembler attirant pour toutes ces personnes qui décident de ne pas faire le saut en enseignement supérieur. Il est cependant évident qu’il y a aussi de nombreux emplois pour des techniciens et des bacheliers. »

Une croissance importante à l’horizon
Les cégeps de la grande région de Montréal, incluant ceux de la Couronne Nord, des Laurentides, de Laval et de Lanaudière, sont appelés à connaître une croissance importante de leurs effectifs scolaires à l’horizon de 2029. La directrice générale du Cégep de Saint-Jérôme le constate : elle voit les écoles se construire autour du cégep. « La pandémie et le travail à distance ont occasionné des transferts interrégionaux favorables aux régions de la ceinture de Montréal. D’ailleurs, les MRC de Rivière-du-Nord et de Mirabel se classent aux premiers rangs pour le plus haut taux d’augmentation de leur population. Nous devons donc nous préparer si nous voulons rendre les cégeps accessibles à tous les citoyens et citoyennes des Laurentides, et ce, en étroite collaboration avec notre ministère. Et nous nous y préparons en tenant compte autant des infrastructures nécessaires que des programmes répondant aux besoins de la région, nous dit-elle en conclusion. »


1Quelques chiffres
Rente mensuelle moyenne de la RRQ*

    Hommes : 632,50 $
    Femmes : 459,45 $

Rente de retraite RRQ moyenne des femmes*

    En 2021 : 73 % de celle des hommes
    En 2010 : 65 % de celle des hommes
    En 2000 : 59 % de celle des hommes

Proportion de bénéficiaires de la RRQ qui touchent 700 $ ou plus*

    Hommes : 45,9 %
    Femmes : 23,1 %

Proportion de nouveaux bénéficiaires ayant 100 % de la rente maximale RRQ**

    Hommes ayant touché la rente maximale : 4,8 %
    Femmes ayant touché la rente maximale : 0,9 %

* Au 31 décembre 2021
** En 2020 (plus récents chiffres disponibles)

Source : Régime des rentes du Québec (RRQ)

Voir: Journée internationale des droits des femmes -  Les femmes écopent jusqu’à leur mort, par Marie-Eve Fournier. La Presse.