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Rétention régionale des étudiants étrangers

Comment les attirer et les retenir en région ?

Le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans le réseau collégial a plus que doublé entre 2010 et 2019, passant de 1 700 à 4 993 étudiants. Cette année, les cégeps de région poursuivent leurs efforts de recrutement pour assurer la pérennité des programmes d’études et pour assurer une relève professionnelle un peu partout au Québec. Quels sont les ingrédients d’une immigration réussie en région ?

Par Élise Prioleau, Portail du réseau collégial

Depuis une décennie, les cégeps situés en région ont acquis une expertise dans le recrutement, l’accueil et la rétention des étudiants internationaux. Aujourd’hui, les établissements régionaux accueillent 68 % des étudiants étrangers au collégial, selon un récent rapport de la Fédération des cégeps.

Le Saguenay–Lac-Saint-Jean et le Bas-Saint-Laurent sont les deux régions les plus attractives à l’international. Elles attirent conjointement 30 % des étudiants étrangers du réseau collégial québécois, comparativement à 37 % pour les régions de la Capitale-Nationale et de Montréal réunies.

Le Portail du réseau collégial a interrogé des professionnels et des étudiants des cégeps de Rivière-du-Loup et de Sept-Îles pour connaître les ingrédients de leur succès auprès des étudiants internationaux.

Des partenariats à l’étranger

Au Cégep de Rivière-du-Loup, le Service des relations internationales et de l’information existe depuis sept ans. Un service dédié à l’accueil des nouveaux arrivants, mais aussi à leur recrutement à l’étranger. 

« D’année en année, on vise encore plus d’étudiants internationaux. Pour y arriver, il faut continuer à aller faire du recrutement à l’étranger pour faire connaître la formation technique et les avantages du cégep. Parmi les avantages, il y a l’approche pédagogique québécoise et les services parascolaires offerts, comme le sport et les activités socioculturelles. Les étudiants internationaux adorent ça. Dans les établissements de leurs pays, ils n’ont pas toujours autant d’activités qui leur permettent de se réaliser en tant que jeunes adultes », explique Caroline Bergeron, conseillère aux étudiants internationaux et conseillère en information scolaire au Cégep de Rivière-du-Loup.

Tout comme le Cégep de Rivière-du-Loup, le Cégep de Sept-Îles recrute principalement en France et sur le continent africain. Cette année, la conseillère à l’international se rendra au Maroc pour promouvoir les programmes techniques du cégep.

« Je pense que le contact humain est à la base pour aller chercher des étudiants internationaux. La démarche devient sérieuse quand il y a un contact réel, par exemple lors d’un salon en éducation où la conseillère est présente pour parler avec les étudiants. Il reste que pour nous, le plus important c’est l’accueil des étudiants lorsqu’ils arrivent », explique Mélanie Rouxel, conseillère en information scolaire et communication au Cégep de Sept-Îles.

Le cégep a accueilli cette année 34 étudiants étrangers. Un nombre qui est en hausse constante depuis les premières missions du cégep à l’étranger il y a cinq ans.

Un accompagnement personnalisé  

En 2022, le Cégep de Rivière-du-Loup a fait une offre d’admission à 181 étudiants internationaux. Cet automne, ils étaient au moins 95 nouveaux étudiants étrangers dans ce cégep du Bas-Saint-Laurent, en provenance principalement de France et du continent africain.

« C’est bien beau d’aller les chercher, mais il faut s’en occuper. Dans notre établissement, il y a cette préoccupation-là. On offre un accompagnement personnalisé à chacun de nos étudiants internationaux. Je suis en contact avec eux sur Messenger, je fais des rencontres individuelles, je les informe des services auxquels ils ont accès et je les aide dans leurs démarches quotidiennes, par exemple pour prendre un rendez-vous médical. Je pense que ça fait toute la différence et que ça les incite à rester à la fin de leurs études parce qu’ils ont été bien accueillis et bien accompagnés », explique Caroline Bergeron.

Français d’origine et ex-étudiant en informatique au Cégep de Rivière-du-Loup, Romain Bouvier a choisi de s’installer avec sa conjointe dans la ville où il a fait ses études. La qualité de l’accueil qu’il a reçu et la chaleur humaine qu’il a ressentie ont fait pour lui toute la différence.

« À la fin de mes études, je suis allé 10 ans à Québec, mais j’ai finalement choisi de revenir à Rivière-du-Loup parce que c’est une petite ville où les gens sont chaleureux. J’ai décroché un emploi à Rivière-du-Loup, ce qui me motive d’autant plus à y rester. J’ai aimé le cégep parce que c’est un milieu accueillant. J’ai revu mes amis du Cégep après 10 ans d’absence et ils m’ont reconnu tout de suite. Ça fait plaisir », explique-t-il.

Faciliter les démarches administratives

Soutenir les étudiants immigrants dans leurs démarches administratives facilite leur intégration. En 2022, celles-ci représentent un frein majeur à la rétention des finissants en région.

« Les démarches administratives sont compliquées pour venir étudier, mais ça l’est encore plus pour s’établir au Québec. On a plusieurs étudiants qui souhaitent rester dans la région parce qu’ils ont eu un emploi, mais ils se butent parfois à la bureaucratie ou à des démarches très longues et très coûteuses. Là-dessus, le gouvernement provincial a aussi du travail à faire pour faciliter l’intégration de nos diplômés », affirme Caroline Bergeron.  

« J’ai aimé le cégep parce que c’est un milieu accueillant. J’ai revu mes amis du Cégep après 10 ans d’absence et ils m’ont reconnu tout de suite. Ça fait plaisir. » Romain Bouvier, Français d’origine

La demande de résidence permanente n’est pas facilement accessible au Québec. Les étudiants étrangers doivent être d’abord diplômés. Par la suite, il leur faut encore une année d’expérience sur le marché du travail avant de pouvoir en faire la demande.

Emmanuel Hermann Kouam, diplômé en technologie de l’électronique industrielle au Cégep de Sept-Îles, est originaire du Cameroun. Il déplore que les démarches soient si longues pour les diplômés des cégeps québécois. 

 

Au Québec, les immigrants doivent d’abord passer par le système d’immigration provincial québécois et ensuite par le système d’immigration fédéral. « Je trouve que le processus est long. Après les études, ça prend au moins deux ans pour avoir la résidence permanente. Un ami avec qui j’ai étudié a choisi de quitter le Québec l’an dernier pour aller s’installer en Ontario. Combien de finissants font comme lui chaque année parce que la paperasse est trop longue ? Je pense qu’il y en a beaucoup », témoigne l’ex-étudiant et travailleur à Sept-Îles, qui est cependant très satisfait de la formation reçue au cégep et de l’accueil qu’on lui a réservé.

Les organismes locaux et les municipalités, de précieux alliés

Au Bas-Saint-Laurent, la collaboration de différents organismes autour de l’accueil et de l’intégration des étudiants fraîchement arrivés semble avoir un impact positif sur leur rétention.

« Quand on implique les différents partenaires de la région, ça permet aux étudiants d’avoir les ressources nécessaires pour pouvoir rester. Par exemple, quand les nouveaux étudiants arrivent, on leur présente les organismes qui peuvent les aider pendant leur parcours scolaire : le centre local de développement (CLD), la caisse Desjardins, Univers Emploi, le MIFI, le Carrefour d’initiatives populaires, etc. Travailler en collaboration dans notre milieu, c’est déterminant pour la rétention des étudiants dans la région à la fin des études », explique Caroline Bergeron.

À Rivière-du-Loup, la municipalité se met aussi de la partie. Le maire convie tous les ans les nouveaux étudiants du cégep à une soirée d’accueil officielle. « Lors de cet événement, il y a des jeux pour entrer en relation, le maire vient dire bienvenue en personne et les étudiants sont invités à signer un grand livre. Ça fait quelque chose de très officiel et c’est apprécié. Quand la ville où est situé l’établissement d’enseignement se met de la partie pour accueillir les étudiants, ça fait une différence », se réjouit Caroline Bergeron.

La récente mesure d’exemption des frais

En mai dernier, Jean Boulet, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, a annoncé une mesure d’exemption de frais de scolarité supplémentaires pour des étudiants étrangers qui choisiront d’étudier en région dans un des domaines touchés par la pénurie de main-d’œuvre.

Bien que cette mesure soit accueillie favorablement, elle risque fort bien de ne toucher qu’une infime proportion d’étudiants dans chacun des cégeps régionaux. « Étant donné que l’enveloppe de 80 millions de dollars sera divisée dans tous les établissements postsecondaires qui sont à l’extérieur de Montréal, je pense que chacun des cégeps aura deux ou trois exemptions à distribuer, ce qui est peu finalement », fait remarquer Mélanie Rouxel.

Dans les cégeps, on attend de recevoir davantage de détails sur la nouvelle mesure, qui sera déployée à l’automne 2023. Pour le moment, on anticipe que cette mesure aura des effets positifs, mais limités. « Avant de recevoir cette aide financière, l’étudiant devra passer par le processus complet d’inscription. Pour lui, il n’y a pas d’assurance d’être subventionné avant d’avoir franchi toutes les étapes », précise Caroline Bergeron.