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Le Réseau Racines
Imaginer des solutions innovantes au service de la relève agricole
En mars dernier s’est tenu le deuxième Rendez-vous annuel du Réseau Racines, un organisme à but non lucratif qui rassemble les incubateurs d’entreprises agricoles de la province. Ce réseau est le fruit d’un projet de recherche qui implique deux centres de recherche collégiaux. Bilan d’une initiative qui contribue à la transition sociale et écologique du modèle agricole québécois.
Par Élise Prioleau, rédactrice
Le Réseau Racines a été imaginé par le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du Cégep de Victoriaville ainsi que différents organismes qui veillent à la relève agricole.

« Depuis 2008, on a vu apparaître des services d’incubation d’entreprises agricoles dans plusieurs régions. Des organismes dont la mission est de soutenir l’établissement des jeunes agriculteurs. On a rencontré leurs responsables et on s’est rendu compte qu’ils étaient intéressés à se rencontrer pour échanger sur leurs pratiques et sur les enjeux économiques qu’ils rencontrent. En 2018, un premier événement a été organisé », explique Pierre Olivier Ouimet, chercheur et chargé de projet au Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du Cégep de Victoriaville.
De cette première rencontre a émergé la volonté commune de fonder une communauté de pratique. En 2022, des chercheurs du Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ) du Collège de Rosemont se sont joints au projet afin de contribuer à la structuration du réseau.
Un incubateur d’entreprises agricoles est une structure qui a une mission d’utilité collective. Il offre ou rend accessible des moyens de production et/ou un accompagnement socioprofessionnel à des aspirant(e)s agriculteur(-trice)s, pour une période minimale d’une saison agricole, afin qu’ils puissent expérimenter leurs activités dans des conditions réelles.
Source : www.reseauracines.ca
« La grande particularité de l’incubation dans le domaine agricole, c’est la nécessité d’offrir des infrastructures, dont un terrain, au futur entrepreneur, pour pouvoir l’accompagner dans le démarrage de son entreprise. Les incubateurs ont senti le besoin de travailler ensemble également pour trouver un financement récurrent. Cela est un enjeu de taille pour la pérennité de leurs activités », explique Tassadit Zerdani, chercheuse au Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ).

En 2022 est né le Réseau Racines, un OBNL qui a pour mission de faciliter les échanges de bonnes pratiques, mais aussi de représenter ses membres auprès des instances gouvernementales et bailleurs de fonds. Les membres du réseau sont des entreprises d’économie sociale, des acteurs publics et parapublics ou des entreprises privées intervenants dans le développement de la relève agricole. Le Réseau Racines est provisoirement coordonné par le CISA pendant sa période de structuration. En 2026, il deviendra autonome.
Une première publication pour mieux soutenir la relève agricole
Lors des ateliers et événements coordonnés par le CISA, les membres du Réseau Racines se sont dotés d’une charte, de règlements internes et d’un CA. En 2025, une première publication verra le jour : le Guide de démarrage et de développement d'un incubateur d'entreprises agricoles.
« On a fait des entretiens avec des porteurs d’incubateurs pour recueillir des témoignages sur les bonnes pratiques pour mettre en place et opérationnaliser un incubateur. C’est un guide qui répond aux besoins de certaines municipalités qui aimeraient mettre en place un incubateur dans leur région, mais qui ne sont pas outillées », explique Pierre Olivier Ouimet, chercheur au CISA et coordonnateur du Réseau Racines.
On se dirige maintenant vers une évaluation des impacts des incubateurs pour avoir des arguments à mettre de l’avant auprès des ministères, pour être appuyés financièrement dans leur développement.
Pierre Olivier Ouimet, chercheur au CISA et coordonnateur du Réseau Racines.
Comme l’explique le chercheur, il n’est pas facile aujourd’hui de démarrer une entreprise agricole, d’où la nécessité de soutenir les jeunes entrepreneurs. Tandis que la relève familiale se raréfie, les jeunes entrepreneurs agricoles sont de plus en plus souvent issus des milieux urbains. Ces nouveaux ruraux ont besoin de soutien lors de leur établissement. « Dans ces cas-là, il y a beaucoup d’acquisitions de connaissances à faire. Parfois, la formation ne suffit pas. D’où la pertinence des incubateurs, qui permettent aux entrepreneurs de perfectionner leur savoir-faire avant de devenir complètement autonomes », fait valoir le chercheur.

Les centres de recherche, en collaboration avec les incubateurs, se penchent aussi sur l’épineuse question de l’accès à la terre pour les nouveaux entrepreneurs. « En plus de la relève familiale ou l’achat de terre, il y a d’autres modèles d’affaires qui répondent mieux aux besoins jeunes générations, comme les entreprises d’économie sociale, les OBNL et les coopératives agricoles. Au CISA et au CÉRSÉ, on travaille actuellement sur le modèle de reprise collective des fermes agricoles », explique Tassadit Zerdani, chercheuse au CÉRSÉ. Une récente étude du CISA a démontré que les jeunes générations optent de plus en plus pour des modèles d’entreprises alternatifs.
Les prochaines étapes
D’ici à ce que le Réseau Racines vole de ses propres ailes, les chercheurs du CISA et du CÉRSÉ continueront d’accompagner ses membres en 2025 et 2026. Ils feront notamment une étude d’impact. « On se dirige maintenant vers une évaluation des impacts des incubateurs pour avoir des arguments à mettre de l’avant auprès des ministères, pour être appuyés financièrement dans leur développement », évoque le chercheur Pierre Olivier Ouimet.
Il s’agira d’assurer un financement récurrent non seulement pour les activités des incubateurs dans leurs régions respectives, mais aussi pour faire vivre le Réseau Racine
lui-même. « On travaille aussi sur une stratégie de financement du réseau. Après le retrait des chercheurs, il faudra une ressource pour coordonner le réseau », ajoute la chercheuse Tassadit Zerdani. Enfin, un plan stratégique sera rédigé avec les membres du réseau.
Les incubateurs d’entreprises agricoles ont fait leurs preuves au Québec. Ils contribuent « au renouvellement des générations d’agriculteur(trice)s, à la transmission des meilleures pratiques agricoles, à l’émergence de communautés d’agriculteur(trice)s qui occupent et vitalisent les territoires, de même qu’à l’accroissement de l’autonomie alimentaire collective », selon le CISA.
En soutenant les incubateurs du domaine agricole, tout en favorisant le développement des bonnes pratiques environnementales, le Réseau Racines constitue une solution collective novatrice pour une agriculture riche et diversifiée au Québec.
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