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Reconnaissance des acquis (RAC) et des compétences au collégial

Optimiser et promouvoir

C’est pour la personne d’abord que la RAC représente une voie privilégiée d’émancipation. C’est ce que constate le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) dans son avis La reconnaissance des acquis et des compétences au collégial : une avenue à optimiser et à promouvoir.

Par Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

Avec ou sans diplôme, des adultes ayant cumulé un bagage significatif d’expériences de travail ou de vie peuvent s’engager dans une démarche de reconnaissance des acquis et des compétences au collégial.

Alors comment la RAC peut-elle contribuer à la qualification et à la requalification des personnes dans un Québec où la main-d’œuvre se fait rare ?

Dans cette perspective, Danielle McCann, alors ministre de l’Enseignement supérieur (MES), donnait le mandat au Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) de se pencher sur la reconnaissance des acquis et des compétences. Les 21 recommandations présentées dans l’avis émis en juin 2022 par le CSÉ résultent des travaux de la Commission de l’enseignement et de la recherche au collégial (CERC), dont la majorité des membres œuvrent au sein des collèges.

« Pour répondre aux besoins criants de main-d’œuvre, le Conseil invite le ministère à miser sur le développement de projets spécifiques à certains domaines connaissant une forte demande en facilitant la démarche tant pour les personnes candidates que pour les employeurs », explique la présidente du Conseil supérieur de l’éducation, Monique Brodeur.

Elle précise que ces travaux ont permis de dégager trois grandes catégories d’enjeux tant pour le système d’enseignement supérieur que pour les établissements et les individus eux-mêmes. « Cependant, les perceptions à l’égard de la RAC en font un enjeu majeur ayant des répercussions sur tous les autres », souligne-t-elle.

La RAC au collégial

La Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue, adoptée en 2002, a suscité le développement rapide de la RAC. Ainsi, 184 programmes en RAC, majoritairement des Attestations d’études collégiales (AEC), sont aujourd’hui répartis au sein des 48 cégeps. C’est une démarche associée principalement à la formation continue bien qu’une augmentation soit notée pour les candidatures dans les programmes menant à un Diplôme d’études collégiales (DEC). En croissance depuis plus de dix ans, la RAC se chiffrait à près de 4 000 personnes candidates en 2018-2019, en majorité des femmes et des personnes âgées de 25 ans ou plus.

Les données analysées proviennent, d’une part, d’une base de données sur l’offre de programmes en RAC fournie par la Fédération des cégeps et, d’autre part, de données obtenues du MES sur l’effectif à l’étape de validation de la candidature et provenant du système Socrate (Système de gestion des données d’élèves au collégial).

Pour consulter l’avis : https://www.cse.gouv.qc.ca/publications/reconnaissance-acquis-collegial-50-0555/

Mme Brodeur rappelle que « dès l’an 2000, le Conseil considérait que les apprentissages faits tant en milieux scolaires qu’extrascolaires méritent d’être reconnus quand la personne peut en faire la preuve. Cependant, l’évaluation de ces acquis extrascolaires dits “expérientiels” demande une méthodologie propre à cette démarche. Avant d’obtenir un diplôme, une personne doit entreprendre une démarche individuelle, structurée par étapes. Un processus rigoureux. »

 

L’enjeu prédominant : les perceptions

La confusion règne dans l’esprit de plusieurs personnes à propos de la RAC. Les consultations menées par le Conseil ont révélé un fort besoin d’information pour que la RAC au collégial soit bien comprise. À cet égard, les efforts de promotion et d’information doivent être préservés et même renforcés. « Il faut vraiment faire connaître et faire comprendre la RAC. La RAC n’est pas une voie rapide pour obtenir un diplôme. Sa rigueur ne signifie pas nécessairement de la lourdeur, parce que la démarche de RAC est individualisée et que le candidat en détermine, dans une large mesure, le rythme. Bref, il y a un ensemble de perceptions qui peuvent entraver l’essor de la RAC », souligne Mme Brodeur.

Pour valoriser et promouvoir la RAC au collégial, agir sur les perceptions et éviter les dérives quant à la valeur perçue du diplôme, le Conseil recommande d’actualiser les lois, règlements et politiques de manière à affirmer avec force et clarté le droit à la RAC et en en faisant la promotion.

Pour faire connaître la RAC plus largement, le Conseil recommande aux Centres d’expertise en reconnaissance des acquis et des compétences (CERAC) d’intensifier et d’étendre leurs activités de soutien, d’animation et d’information.

Le Conseil recommande aussi aux collèges d’intégrer à leurs priorités des activités d’animation et d’information sur la RAC destinées à l’ensemble de la communauté collégiale.

Les enjeux liés à l’enseignement supérieur

L’ensemble des acteurs consultés par le Conseil ont témoigné de la rareté des données accessibles pour suivre l’évolution de la RAC. Le leadership gouvernemental est essentiel pour baliser le dossier de la RAC au collégial et veiller à l’essor de l’offre de services. Le Conseil recommande au MES de faciliter l’accès aux données administratives et de soutenir la recherche sur la RAC afin d’accroître les connaissances sur le sujet.

« La démarche de RAC n’est pas une panacée pour contrer le manque de main-d’œuvre qualifiée », affirme madame Brodeur. « La RAC doit faire sa place dans l’écosystème éducatif et surtout définir sa portée sur l’environnement socioéconomique. C’est pourquoi il est important que tous la comprennent bien : les établissements, les employeurs et surtout les personnes qui s’engagent dans ce processus. Il faut bien circonscrire quand la RAC peut véritablement soutenir le cheminement en emploi et mettre à profit des apprentissages réalisés en contexte non formel. Le projet mené en éducation à l’enfance est un bon exemple en ce sens. »

À cette fin, le Conseil émet des recommandations pour inciter le MES à mieux outiller les acteurs de la RAC au collégial et à favoriser la synergie dans leur travail.

D’abord, la personne doit savoir que la RAC existe. Il faut ensuite qu’elle soit aiguillée vers ce qui lui convient, selon son parcours scolaire et son cheminement professionnel. Finalement, cette personne doit maîtriser les compétences de base requises pour assurer le succès de la démarche de RAC, par exemple posséder un niveau de littératie suffisant.

Les enjeux à l’échelle institutionnelle

Depuis 2002 et encore aujourd’hui, la RAC peine à se hisser au rang des priorités des établissements où l’enseignement régulier et la formation continue prospèrent, trop souvent en parallèle. Or la RAC nécessite de l’agilité pour répondre aux besoins des individus ainsi que des ressources pour faire valoir et réaliser sa mission. Comme la RAC est un dossier complexe et spécialisé, c’est l’ensemble des intervenants qui auraient avantage à se l’approprier pour partager une vision commune de son apport.

Bien que tous les cégeps offrent la démarche de RAC, tous ne le font pas à la même échelle.

« Nos consultations ont fait ressortir que les CERAC ont un rôle de premier plan à jouer pour soutenir les établissements dans le développement de la RAC, notamment en matière d’appui au personnel des collèges. À l’échelle locale, la RAC peut être consolidée par l’intégration de balises dans les politiques institutionnelles et, idéalement, par l’adoption d’une politique institutionnelle de reconnaissance des acquis et des compétences (PIRAC) », souligne madame Brodeur.

Les enjeux qui interpellent les individus

Pour recourir à la RAC encore faut-il y avoir accès. D’abord, la personne doit savoir que la RAC existe. Il faut ensuite qu’elle soit aiguillée vers ce qui lui convient, selon son parcours scolaire et son cheminement professionnel. Finalement, cette personne doit maîtriser les compétences de base requises pour assurer le succès de la démarche de RAC, par exemple posséder un niveau de littératie suffisant.

Des contraintes administratives liées au fait que les personnes candidates à la RAC n’ont pas le statut d’étudiant peuvent également faire obstacle, comme l’impossibilité de recevoir une aide financière ou d’avoir accès à un permis de travail ou d’études.

S’ajoute la difficulté à accéder à certains parcours pourtant recommandés au moment de la validation de la candidature. En ce sens, la formation à distance peut s’avérer utile. De plus, à l’instar des étudiants du régulier ou de la formation continue, les personnes en démarche de RAC ont besoin de soutien et d’accompagnement à toutes les étapes du processus.

Bien des écueils guettent donc les candidats potentiels à la démarche de RAC. Le Conseil recommande donc aux collèges d’améliorer l’accessibilité à la RAC ainsi que le soutien et l’accompagnement des personnes. Cela peut se faire par des mesures visant les employeurs et par des incitatifs financiers dans les domaines en pénurie de main-d’œuvre.

Miser sur le développement de projets spécifiques

L’UNESCO considère que la RAC contribue à la culture d’éducation tout au long de la vie dans la perspective d’un système ouvert et flexible d’éducation et de formation contribuant à l’intégration de pans plus larges de la population.

« Le recours à la RAC dépasse une utilisation à des fins économiques et de réponse aux besoins du marché du travail. Et renvoie à une conception émancipatrice qui favorise le développement des individus », conclut Mme Brodeur.