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RÉSEAU REPFRAN
Soutenir les étudiants.es allophones… et plurilingues
Plusieurs étudiants.es allophones ont besoin de soutien pour réussir en français au collégial. Le Réseau des répondants.es du dossier du français (Repfran) s’intéresse à ce sujet depuis quelques années déjà. Lors des Journées Repfran, les 3 et 4 avril 2025, une cinquantaine de membres se sont penchés sur les besoins spécifiques de cette population étudiante en augmentation.
Par Thérèse Lafleur, rédactrice
En effet, de 2012 à 2022, la présence d’allophones a crû d’environ 44 % dans le réseau. Leur nombre est passé de 16 368 à 23 569 en dix ans. En 2022, ces étudiants.es représentaient 15 % des quelque 165 000 collégiens et collégiennes.
En ce qui a trait aux compétences langagières, les défis et les besoins des allophones ne sont pas les mêmes que ceux des francophones. Heureusement, toute la communauté collégiale peut les soutenir dans leur appropriation du français langue d’études, et plusieurs ressources sont disponibles. De plus, ces étudiants.es possèdent de précieux atouts du fait qu’ils sont plurilingues.
Le Réseau Repfran, une communauté de pratique intercollégiale
Créé en 2012 par le Carrefour de la réussite au collégial, le Réseau Repfran regroupe une centaine d’intervenants.es de collèges publics et privés, francophones et anglophones. Les membres de cette communauté de pratique, les « repfrans », sont responsables de la valorisation et de l’amélioration des compétences langagières en français. La plupart sont des professeurs.es de français de formation. Leur rôle institutionnel les amène à travailler avec les programmes et l’ensemble du personnel.
Née de la volonté de deux professeures à la suite de l’établissement d’un cadre de mesures ministérielles visant la mise en place d’une offre accrue de services permettant d’améliorer la maitrise du français dans les collèges, la communauté de pratique se veut « le lieu d’échanges structurés et animés, mais surtout fructueux et profitables pour l’ensemble du réseau collégial ». Ses activités sont soutenues par la Fédération des cégeps et sont rendues possibles notamment grâce à un financement du ministère de l’Enseignement supérieur.
Une pluralité de profils
« Par définition, l’allophone est une personne dont la langue première diffère de celle du milieu où elle réside. Au Québec, nous considérons que c’est une personne dont la langue première n’est ni le français ni l’anglais. Le ministère de l’Enseignement supérieur a une définition plus stricte qui s’appuie sur le lieu ou la langue des études secondaires, ce qui limite le nombre d’allophones qui se qualifient pour certaines mesures », explique Catherine Paradis, animatrice du Réseau Repfran.

Il est important de préciser que les étudiants.es allophones ne constituent pas un groupe homogène, bien au contraire ! Il s’agit d’une pluralité de profils, de parcours et de biographies langagières, comme l’a rappelé Caroline Dault, chargée de cours au Département d’études françaises et québécoises de l’Université Bishop’s, lors des Journées Repfran.
Madame Dault a relevé trois profils d’étudiantes et d’étudiants plurilingues au collégial : les jeunes adolescents.es ou adultes immigrants.es de première ou de deuxième génération, les immigrants.es ayant déjà suivi des études postsecondaires et/ou une formation professionnelle, et les étudiants.es en situation d’exil.
S’ajoutent à ce groupe hétérogène des étudiants.es anglophones ou autochtones, des personnes ayant étudié,en français ou en anglais, dans d’autres provinces ainsi que des étudiants.es provenant dont certains besoins sont similaires à ceux des allophones.
Une pluralité de besoins
« De manière générale, les étudiants.es allophones présentent des difficultés plus marquées en production écrite, mais nous observons aussi de grands besoins en compréhension écrite et en communication orale », mentionne madame Paradis.
Elle précise que « sur le plan linguistique, leurs erreurs sont différentes de celles que font le plus souvent les francophones, puisque l’allophone, qui est forcément plurilingue, alterne et combine des langues. L’étudiant.e traduit souvent de sa langue première vers la langue française — et passe parfois même par une autre langue de référence. Cela peut entrainer des erreurs dans la construction des phrases, l’accord des mots, la conjugaison des verbes, la ponctuation, le choix des mots, etc. Le français québécois et nos référents culturels peuvent aussi constituer un défi pour les allophones et même les francophones qui sont arrivés au Québec depuis peu. »
Les étudiants.es qui ont fait leur parcours scolaire ailleurs qu’au Québec doivent aussi s’adapter aux types de textes à rédiger selon les cours. Le rythme scolaire est différent, tout comme les exigences en ce qui a trait aux compétences langagières. Au collégial, celles-ci sont évaluées dans tous les cours. Et dans les cours de français, langue d’enseignement et littérature, comme à l’EUF, toutes les erreurs sont comptabilisées. « Pour plusieurs, même pour des étudiants.es venant d’un autre pays francophone, c’est un choc », affirme madame Paradis.
L’accompagnement dans les collèges
Les collèges peuvent offrir un large éventail de mesures pour soutenir la réussite en français des étudiants.es allophones, de l’admission à la diplomation. Madame Paradis donne l’exemple de collèges qui, dès l’admission, utilisent un test de classement en français. Ce test permet d’évaluer non seulement la compétence linguistique, mais aussi les compétences en lecture, en écriture et en communication orale afin de proposer à l’étudiant.e un parcours adapté en français.
Pour plusieurs allophones, ce parcours commence par une activité favorisant la réussite (AFR). Aux Journées Repfran, Olivier Dezutter, professeur titulaire en didactique du français au Département de pédagogie de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, a mis en lumière l’importance d’élaborer des AFR qui tiennent compte des besoins de l’étudiant.e en lien avec son projet d’études.
Par ailleurs, les compétences langagières sont omniprésentes dans la formation collégiale, et chaque discipline a ses propres pratiques langagières. Si le département de français et les centres d’aide (en français, en littérature, en philosophie, etc.) contribuent grandement à l’appropriation du français langue d’études, il faut rappeler que le personnel enseignant de toutes les disciplines y participe activement.
D’autres mesures peuvent relever d’un comité interculturel, par exemple. À un autre niveau, les aides pédagogiques individuels.es peuvent accompagner les allophones dans leur cheminement scolaire pour favoriser un développement progressif, et réaliste, des compétences langagières.
La communauté étudiante peut aussi être mise à contribution. Des activités collaboratives et des activités de communication orale permettent aux étudiants.es allophones et francophones d’interagir, de s’entraider et de développer ensemble leurs compétences langagières.
Selon le collège, les repfrans contribuent de manière plus ou moins directe au soutien à la réussite en français des allophones. Les membres de la communauté pratique peuvent proposer des activités favorisant l’appropriation de la langue d’études, soit en accompagnant le personnel enseignant pour l’adoption de nouvelles pratiques ou la bonification de pratiques en cours. Les repfrans peuvent aussi poser un regard global sur les mesures offertes afin d’assurer leur cohérence et leur efficacité.
Ce ne sont donc pas les idées qui manquent ! Le défi, pour les collèges, est de trouver les ressources nécessaires pour développer et soutenir différentes initiatives, pour en évaluer les retombées et apporter les ajustements.

Les ressources
Un groupe de repfrans a conçu, en collaboration avec le Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD), Allo ! Banque de ressources en français pour les allophones et les anglophones du réseau collégial — Carrefour de la réussite au collégial. Allo ! offre quelque 180 recommandations de ressources pédagogiques et didactiques, dont la plupart sont accessibles en ligne.
Le site Amélioration du français, du CCDMD, propose plusieurs ressources pour le français langue seconde. D’ailleurs, l’InterCAF, la rencontre annuelle des responsables des centres d’aide en français (CAF) qui est organisée conjointement par le CCDMD et un cégep hôte, le Cégep de l’Outaouais en 2025, portera aussi sur l’accompagnement des allophones.
Être allophone, un atout
Les personnes allophones n’ont pas que des défis et des besoins. Puisqu’elles sont plurilingues, elles ont un riche bagage linguistique antérieur. Elles sont souvent très créatives pour développer des stratégies d’apprentissage de la langue. Par exemple, elles sont souvent capables « d’utiliser une grande variété d’associations, d’idées originales et d’artéfacts pour combler les espaces conceptuels entre deux langues », comme l’a souligné Caroline Dault aux Journées Repfran. « De plus, ce sont généralement des personnes très motivées, débrouillardes. Ce sont des étudiants.es qui ont une grande capacité d’adaptation et qui, selon leur parcours, ont acquis plusieurs compétences transférables, » ajoute madame Paradis.
L’animatrice du Réseau Repfran conclut en insistant sur l’importance de reconnaître et de valoriser le bagage linguistique antérieur des étudiants.es allophones. « Ce sont souvent des gens courageux, persévérants, et cela fait une différence dans leur parcours scolaire. Ces étudiants.es veulent réussir, car leur projet professionnel, leur projet de vie, en dépend. »