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L’École des Grands
Transferts intergénérationnels
L’École des grands est un programme parascolaire de mentorat axé sur l’aide aux devoirs en français, en mathématiques et l’éveil aux sciences qui rapproche les élèves du primaire et les étudiants du collégial. Inclusion et réussite…
Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial
L’accessibilité aux études était la pierre d’assise des changements spectaculaires engendrés par le rapport Parent, en 1961. La démocratisation de l’éducation se traduit maintenant dans l’accessibilité à la réussite éducative. L’École des Grands est un exemple fort de cette évolution. Ce programme de mentorat favorise le cheminement d’élèves vulnérables tout en soutenant l’engagement scolaire des collégiens. C’est du gagnant-gagnant.
L’École des Grands fait de petits miracles, affirme sa fondatrice, Alisha Wissanji. « Depuis 2015, 1 126 élèves et 1 072 mentors ont bénéficié de la formule. Nous avons élaboré le modèle en utilisant les ressources du milieu tout en mesurant rigoureusement ses retombées. Des mesures d’impact annuelles, quantitatives et statistiquement significatives permettent de conclure que le programme soutient à la fois la réussite éducative des élèves du primaire ainsi que celle des mentors collégiens. »
« Nous sommes les seuls au Québec à mesurer l’ensemble du processus de réussite éducative des collégiens. Au collégial, plusieurs chercheurs se penchent sur un des indicateurs de réussite, soit la motivation, l’engagement ou la persévérance. Nous analysons l’ensemble du processus parce que la réussite éducative est un processus dont l’aboutissement est la réussite scolaire. Entre-temps, il y a des éléments qui se développent à court, moyen ou long terme. C’est ce que nous mesurons. »
D’ailleurs, la professeure Wissanji a été honorée de l’Ordre de l’Excellence en éducation pour cette contribution exceptionnelle. Détentrice d’un doctorat en physique et d’un postdoctorat en mathématiques, elle enseigne au Cégep Marie-Victorin depuis 2014. Parallèlement, elle poursuit ses recherches sur la réussite éducative des populations vulnérables.
En 2015, avec le Cégep Marie-Victorin, Alisha Wissanji a mis sur pied la première édition de l’École des Grands. À la rentrée 2023, 10 cégeps et 15 écoles primaires y participent. Les élèves viennent d’écoles situées dans les milieux les plus défavorisés du Québec. Les collégiens mentors proviennent, quant à eux, de tous les profils et rendements scolaires.
« Depuis 2015, 1126 élèves et 1072 mentors ont bénéficié de la formule. » Alisha Wissanji
Les mentors étudiants aident aux devoirs et font de l’éveil scientifique et informatique à des élèves du primaire. Les activités se déroulent dans les cégeps, dix samedis matin par session. Les élèves bénéficient gratuitement du transport et d’un déjeuner. Les mentors reçoivent une mention d’engagement étudiant sur leur bulletin. Une petite fête de graduation rassemble élèves, mentors, parents à chaque fin de session.
Pour la région
La directrice des études du Cégep de Saint-Jérôme, Patricia Tremblay, s’est intéressée au projet. « Dans les Laurentides, plusieurs écoles primaires sont situées en milieux défavorisés. Alors si l’École des Grands fonctionne ailleurs, pourquoi pas chez nous ? En 2022-2023, nous avons déployé ce programme au Centre collégial de Mont-Laurier, à la suggestion des professeurs. Cela nous a permis de structurer le projet et son financement. Cette année, nous amorçons la formule au Centre collégial de Mont-Tremblant et l’an prochain au Cégep de Saint-Jérôme. »
« C’est d’abord une professeure en éducation physique, Mélanie Ouellette, qui a porté le projet. Depuis, le modèle a évolué », explique la directrice du Centre collégial de Mont-Laurier, Annie Lapointe. « Pour l’an deux, cette professeure est libérée pour coordonner l’École des Grands. Une chargée de projet a été embauchée pour superviser les samedis. Mentore elle-même en 2022-2023, elle étudie maintenant au Baccalauréat en enseignement préscolaire primaire offert par l’UQAM dans nos locaux. »
Elle souligne que le transport, habituellement défrayé par l’école, a été offert par la Fondation du Centre collégial de Mont-Laurier. « Nous tentons d’en demander le moins possible aux écoles locales. Notre Fondation rassemble des acteurs locaux sensibles aux projets qui soutiennent ce type d’initiative qui profite au milieu. Des jeunes du primaire qui vont possiblement fréquenter notre cégep. C’est bon pour la région. »
Le Cégep de Saint-Jérôme bénéficie du soutien financier de plusieurs partenaires, dont celui de la Fondation W.. « La subvention majeure obtenue du Pôle à l’enseignement supérieur des Laurentides permet la réalisation de nos projets d’École des Grands », ajoute Mme Tremblay. « C’est notamment pour favoriser l’accessibilité des étudiants de première génération que ce financement est versé par le Pôle. Souvent, en milieux défavorisés, les parents n’ont pas fait d’études supérieures. Donc, les enfants ne se voient pas aller au cégep et à l’université. En participant à l’École des Grands, ces élèves prennent conscience de l’existence du cégep. Il y a aussi des collégiens mentors qui se découvrent des fibres d’enseignants. C’est une opportunité d’intéresser plus de collégiens à poursuivre des études universitaires en enseignement. »
À la rentrée 2023, 10 cégeps et 15 écoles primaires y participent.
Et l’École des Grands fait des petits. À Marie-Victorin ou Maisonneuve, des élèves des premières cohortes, maintenant rendus au collégial, reviennent à l’École des Grands comme mentors.
Des données probantes
Dans un souci de transparence, le site internet de l’École des Grands partage l’analyse de ses mesures d’impact. « Ces mesures ont été développées par la professeure Isabelle Archambault, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’école, le bien-être et la réussite éducative des jeunes à l’Université de Montréal », précise Mme Wissanji. En complément, avec la firme ImpactBee, la Chaire a développé un tableau d’indicateurs de performance de l’École des Grands qui est aussi accessible en ligne.
L’impact de l’École des Grands est indéniable comme en témoignent les données tirées de l’étude menée par Mme Wissanji. « Chez les élèves du primaire, l’analyse montre une amélioration des notes des participants au projet comparativement à un groupe contrôle. C’est une première étude sur deux ans, dans deux centres de services scolaires de Montréal. »
« Notre Fondation rassemble des acteurs locaux sensibles aux projets qui soutiennent ce type d’initiative qui profite au milieu. Des jeunes du primaire qui vont possiblement fréquenter notre cégep. C’est bon pour la région. » Annie Lapointe
Une première étude dans deux cégeps montréalais est aussi révélatrice. Dans les tableaux fournis par la professeure Wissanji, le rose représente le score des étudiants mentors. En vert, ce sont les étudiants des mêmes cégeps qui ne participent à aucune activité étudiante. Le bleu montre un deuxième groupe contrôle composé d’étudiants des mêmes cégeps qui participent à n’importe quelle activité de la vie étudiante, sauf à l’École des Grands.
« En zoomant sur les 378 participants à l’étude, les chercheurs sont allés chercher les collégiens à risque, entrés au cégep avec des moyennes générales en bas de 70 %. » ajoute-t-elle. « La motivation intrinsèque des collégiens à risque a explosé de manière statistiquement significative contrairement aux deux groupes contrôles à risque. Il en va de même avec l’engagement comportemental et le sentiment d’autonomie dans les études qui sont tous des indicateurs de réussite éducative. »
Devant de tels résultats, le ministère de l’Éducation a consenti une première subvention en 2022-2023. Et parce que l’École des Grands aide tant au primaire qu’au collégial, un financement des ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur est attendu pour la suite.
Mais comment et pourquoi Alisha Wissanji en est arrivée à mettre en œuvre l’École des Grands ? « Parce que cela fait trente ans que je fais ça pour les enfants québécois issus de pays en guerre. J’ai ouvert cinq centres d’aide aux devoirs pour les Afghans. Nous avons accueilli 800 enfants dans des sous-sols d’églises ou des cégeps et engagé 65 enseignants. C’est là que j’ai tout appris et aussi compris l’importance de mesurer les impacts pour renouveler le financement. J’ai transposé ce modèle en l’optimisant pour l’École des Grands. En faisant des partenariats avec la communauté, les écoles et les cégeps, le programme demeure à faible coût, exportable et pérenne. »
L’École des Grands fait des petits. À Marie-Victorin ou Maisonneuve, des élèves des premières cohortes, maintenant rendus au collégial, reviennent à l’École des Grands comme mentors.
« L’École des Grands se pose comme un facteur de cohésion sociale. Le projet ancre davantage le cégep comme un établissement citoyen engagé dans sa communauté. Un pôle de réussite éducative. À l’École des Grands, les élèves vulnérables sont pris par la main et amenés au cégep à proximité. Ils franchissent une barrière physique et psychologique qui les motive à poursuivre des études secondaires et postsecondaires. Ils aspirent à être comme leurs mentors. Et ces étudiants mentors se découvrent eux-mêmes dans le processus. Certains en viennent même à envisager une carrière en enseignement. »