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Le nouvel Observatoire national de l’amiante
« Un grand besoin de connaissances »
C’est le premier observatoire scientifique du réseau collégial. Situé à Thetford Mines, il est lié au Cégep de Thetford. Créé par le ministère québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, l’Observatoire national de l’amiante s’ajoute aux autres ressources de recherche du cégep.
Daniel Samson-Legault, Portail du réseau collégial
Mystérieuses comme des volcans. Elles sont une cinquantaine dans le coin. Presque abandonnées. Les plus récentes générations, enfants, ont glissé dessus sur des boîtes de carton ou des « crazy carpets ».
Pendant un siècle et demi, ces montagnes de résidus miniers, des haldes, ont été créées par les rejets lors de l’extraction de l’amiante. Les résidus miniers étaient largement utilisés par la population comme matériau de remblayage. Après une cabale internationale et des diagnostics d’amiantose, Québec a interdit l’exploitation de ces mines en 2012. Dans un reportage il y a deux ans, l’émission La Semaine verte de Radio-Canada traitait de l’érosion des haldes et des ruissellements qui contaminaient la rivière Bécancour…
Contrairement à d’autres minerais, il n’y a pas de seuil limite pour l’exposition humaine à l’amiante. Des problèmes de santé peuvent prendre très longtemps à apparaitre, et c’est multifactoriel. En fait, c’est maintenant « tolérance zéro ». Le principe de précaution.
800 millions de tonnes de résidus amiantés.
800 millions de tonnes de résidus amiantés. La région autour de Thetford Mines et Val des sources (ex Asbestos) souffre d’une image floue. Entre insouciance et phobies, toutes les attitudes existent.
Transformations
Deux formes de revalorisation sont toujours à l’étude : une végétalisation et l’extraction de nombreux minerais présents.
Des recherches en chimie et en biologie ont permis de transformer certains résidus en parcs verdoyants. La transformation est spectaculaire.
Il y a encore de l’amiante dans ces haldes, des fibres plus courtes qu’il était moins rentable d’exploiter. Mais plusieurs autres minerais s’y trouvent aussi, du magnésium, du nickel, du cobalt, du chrome, etc. Il devient intéressant de penser par exemple à l’électrification des transports. Le magnésium en demande permettrait d’alléger les véhicules. Le nickel en demande servirait aux piles des autos.Évaluation globale du BAPE
Le BAPE s’est penché sur la question en 2019-2020. Il constatait dans son rapport du 7 août 2020 qu’il manquait beaucoup de données fiables et probantes pour évaluer tous les projets de développement dans la région. « C’est un travail exceptionnel qui a été fait par le BAPE. Il mettait en contexte toutes les problématiques connues dans la région, de santé, environnementales, les problématiques administratives et normatives, le manque de cohérence dans certaines prises de position, la présence de données qui étaient utilisées par certains ministères et refusées par d’autres… » Annie Rochette est la directrice générale du nouvel Observatoire national de l’amiante (ONA). « En fait, le BAPE a surtout démontré que nous avons des normes, des principes, des lois, mais dans certains cas, nous n’avons pas de données probantes pour dire que c’est blanc ou que c’est noir. »
« C’est un travail exceptionnel qui a été fait par le BAPE.» Annie Rochette
L’Observatoire de l’amiante est un agrégateur d’informations. Sa mission est de les faire converger en favorisant une large concertation, entre ministères, entre régions, entre populations, etc. Une table de concertation régions-entreprises-gouvernement symbolise cette ouverture.
Rabelais a écrit que « ignorance est mère de tous les maux ».
L’Observatoire avait été annoncé avec le Plan d’action 2022-2025 Amiante et résidus miniers amiantés au Québec : vers la transformation d’un passif en un actif durable, mais son lancement officiel se fait encore attendre. Il dispose d’un budget d’un demi-million de dollars par année pour le fonctionnement et d’un million et demi annuellement pour financer les projets de recherche.
Rabelais a écrit que « ignorance est mère de tous les maux ». Annie Rochette dit « Nous avons un grand besoin de connaissances ».
Un grand appel à projets sera lancé en décembre par les Fonds de recherche du Québec (FRQ). Annie Rochette prévoit déjà que « les projets devront combler des lacunes de données et de connaissances sur les impacts de la mobilisation de fibres d’amiante sur la santé, l’environnement et le développement des communautés. Les projets devront être portés par des équipes pluridisciplinaires, interordres (si possible) et intersectorielles. »
La recherche autour du Cégep de ThetfordContrairement à l’Observatoire national de l’amiante, les Centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) sont fondés par le ministère de l’Enseignement supérieur. Deux CCTT étaient déjà liés au Cégep de Thetford et travaillaient sur les résidus miniers. Coalia, anciennement le Centre de technologie minérale et de plasturgie, a changé de nom en diversifiant ses projets et en développant son expertise en « matériaux avancés ». En pensant à la pandémie de COVID, Coalia a conçu l’an dernier des produits virucides qui peuvent être utilisés pour la protection des personnes. Annie Rochette, qui dirige maintenant l’Observatoire national de l’amiante, est l’ancienne directrice de Coalia. Kemitek, anciennement nommé Oleotek, travaille en chimie verte et en mise à l’échelle de procédés. L’innovation en chimie, c’est son domaine. Il y a moins d’un mois, une autre unité de recherche s’est ajoutée. Athletica Innovation est le centre d’innovation sociale en pratiques sportives. On y étudiera « le domaine du sport sous toutes ses formes ». Le directeur général du Cégep, Robert Rousseau, affirmait : « Le Cégep est déjà reconnu pour ses programmes sportifs. Le développement d’un axe de recherche sur ce thème nous permettra donc non seulement d’améliorer en continu l’expérience académique et sportive de nos athlètes, mais également l’écosystème de l’éducation et du sport au Québec. » On parle surtout de recherche appliquée et de recherche-action. « Au niveau collégial, les publications scientifiques ne sont pas un indicateur utile pour comprendre ce qui se fait en recherche », rappelle Chantal Piché, coordonnatrice de la recherche au Cégep. Le service de recherche du Cégep a calculé que 3000 heures annuellement sont consacrées en stages à la formation d’étudiants collégiaux et universitaires. En 2021, Research Infosource plaçait le Cégep de Thetford dans les 5 premiers rangs des collèges de recherche au Québec et dans les 10 premiers au Canada. |