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L’ACCQ : la voix des cadres depuis 40 ans

Entrevue avec M. Jean Perron, président-directeur général de l’ACCQ

Dans le cadre du dernier colloque de l’Association des cadres des collèges du Québec (ACCQ) tenu les 7 et 8 novembre derniers, Jean Perron a prononcé l’allocution d’ouverture en parcourant l’histoire des quatre dernières décennies de l’Association. Quelques jours après le colloque, il s’est entretenu avec le Portail en mettant en exergue quelques moments-clés dans la défense et la promotion professionnelle des cadres des collèges et en soulignant un enjeu important pour les prochaines années.

Les débuts de l’Association
Les décennies 70 et 80 ont été marquées par la création de l’Association (1972) et la reconnaissance officielle comme porte-parole des cadres, la mise sur pied d’un siège social (1983) et le renforcement des structures pour la défense des conditions de travail et la promotion des intérêts socio-économiques des cadres. Au début des années 80, l’Association va introduire une deuxième mission, le développement professionnel : un premier colloque se tiendra en 1984, sous le thème « l’évaluation, un outil de gestion ». À l’époque, 200 cadres sur 700 y ont participé.

« Ça n’avait aucun sens. C’étaient des compressions catastrophiques. »
Les années 90 vont s’inscrire à l’aune de la gestion de crise. L’Association sera très active à l’occasion de la commission parlementaire sur l’avenir des cégeps en 92 et des débats entourant la Réforme Robillard en 93. Cette réforme introduit un changement de statut des directions des études. Jean Perron explique : « Le changement de statut des directeurs des services pédagogiques de l’époque, de cadres à hors-cadres, va interpeller l’Association. Ce changement faisait perdre au DSP sa stabilité d’emploi. On bouscule la culture organisationnelle de gestion. Un des effets : on attire moins de jeunes cadres vers cette fonction, puisqu’ils y perdent leur stabilité d’emploi. La modification de la loi a aussi eu pour effet que les cadres se sont retrouvés le seul groupe d’employés non représenté au conseil d’administration puisque disparaissait le poste de directeur des services aux étudiants au conseil au profit d’un deuxième enseignant. Nous continuons à réclamer ce poste au CA. »

Dans le cadre de l’objectif du déficit zéro du gouvernement Bouchard, les cadres ont été confrontés à une volonté de réduire leurs salaires de 6 % et aussi à une réduction de 25 % des « autres coûts » dans les budgets des collèges. Ce qui va se traduire par une diminution de 200 cadres dans le réseau. La mobilisation dans les collèges fut importante. « Ça n’avait aucun sens. C’étaient des compressions catastrophiques. Il y a eu une mobilisation des cadres de tous les secteurs des fonctions publiques et parapubliques. L’ACCQ a joué un rôle de leadership important dans le règlement de cette crise. Plus de 25 000 cadres se sont associés. Les efforts et l’acharnement de l’Association, mais surtout la solidarité et la collaboration exceptionnelles de tous les cadres des associations ont permis de limiter les dégâts. En effet, cette réduction annoncée de 6 % s’est finalement traduite en une augmentation de 2 %... Un résultat plus que satisfaisant dans les circonstances et qui a sans équivoque démontré encore une fois la force de l’Association et de ses membres. »

Accentuer le développement professionnel
Au tournant des années 2000, l’Association va accentuer le volet du développement professionnel. Dix-neuf colloques ont été organisés. « Plusieurs sessions de perfectionnement sont offertes gratuitement, ce qui tient compte des capacités de payer des collèges, surtout en région. Notre souci est de répondre à leurs besoins professionnels au moins ponctuellement. C’est une grande valeur ajoutée pour l’ensemble des membres. »

La révision du plan de classification
Une opération majeure et digne de mention s’est déroulée en 2005 : la révision du Plan de classification. « Mis en place au cours des années 70, il était grand temps de voir à une actualisation de ce plan afin de rendre les conditions d’emploi des cadres plus concurrentielles. En réalité, les travaux entourant cette révision ont été fort nombreux et ont nécessité le déploiement de démarches administratives et politiques de divers ordres (le Secrétariat du Conseil du trésor voulant faire cette opération à coût zéro). Heureusement, tous ces efforts ont porté des fruits, car la conclusion s’est avérée positive : un redressement en moyenne de près de 8 % alors que ce genre d’opération se traduit généralement par une augmentation de l’ordre de 2 %. Il faut dire toutefois que cette opération était plus que due à l’époque. Nous travaillons d’ailleurs à l’heure actuelle à une actualisation de ce plan de classification. Quand on se compare, on s’aperçoit vite que cette actualisation s’impose. »

Missions d’études et publication
Au cours des années 90 à 2000, l’Association a réalisé plusieurs missions d’études à l’étranger : en Allemagne, en France, aux États-Unis, en Tunisie. « Pour nous, il était important de mettre les cadres en contact avec des systèmes d’éducation différents. Ça nous permettait aussi d’expliquer ce qu’est un cégep. Nous avons maintenant cessé ces missions, à cause des budgets. Dans les périodes où l’on remettait en question l’existence même des cégeps, nous voulions comparer nos résultats avec ceux d’autres pays. » En complément de ces missions, l’Association a publié, à l’occasion du 40eanniversaire du réseau des cégeps, un livre intitulé Les cégeps : une grande aventure collective québécoise. Ce livre, édité avec l’Université Laval, est devenu une référence dans les facultés d’éducation. Une synthèse des principaux articles en a été réalisée en anglais.

Les cadres sont préoccupés par la tension créée dans le milieu par les compressions successives et les exigences accrues en matière de reddition de compte.
Au cœur des discussions du colloque de cette année, « Gérer, l’art de jongler », les cadres sont préoccupés par la tension créée dans le milieu par les compressions successives et les exigences accrues en matière de reddition de compte. Pour Jean Perron, les difficultés d’attraction et de maintien des cadres à l’emploi des collèges doivent passer par une amélioration substantielle des conditions de travail et  par les conditions d’exercice. « Le temps qu’on passe à faire de la reddition de compte, ce n’est pas du temps que l’on met à faire du développement et à être près de nos services. Les gens qui joignent le rang des cadres dans les collèges, ce sont des gens qui ont la vocation. Une étude menée par le docteur Dubois sur la durée du temps de travail montre que les cadres font plus de 45 heures par semaine et peuvent même travailler jusqu’à 60 heures semaine. »

Le recrutement des cadres sera de plus en plus difficile
« Ce qui vient rendre les conditions encore plus difficiles, c’est le niveau de cotisation au fonds de retraite. Les syndiqués cotisent à la hauteur de 9 %. En janvier, le taux de cotisation des cadres va passer à 14,38 %. C’est un écart de plus de 5 %. Les augmentations de salaire que tu pourrais obtenir disparaissent pratiquement. Ces éléments viennent rendre encore plus difficile le recrutement des nouveaux cadres. Ajoutons à cela la perte de la sécurité d’emploi et des heures supplémentaires rémunérées. Dans le contexte appréhendé d’une décroissance des clientèles étudiantes au cours des prochaines années, il faut s’attendre à des coupures de postes de cadres. D’autant que la loi 100 oblige le non-remplacement d’un départ sur deux. Toutes ces raisons rendront encore plus difficile le recrutement de cadres au cours des prochaines années. »

« Les cadres seront les premiers à trouver des solutions pour se sortir de ces difficultés. »
Jean Perron reste toutefois confiant. « Les cadres des collèges ont relevé des défis extrêmement importants dans le passé. Ils seront les premiers à trouver des solutions pour se sortir de ces difficultés. Encore faut-il que nous ayons l’écoute de nos gouvernements pour permettre aux gens d’avoir un minimum d’oxygène, pour permettre une bonne gestion des collèges. Je suis convaincu que la solidarité des cadres jumelée au dévouement et à la détermination de l’ACCQ nous permettront de poursuivre notre mission ».

Entrevue réalisée le 13 novembre 2013 par M. Alain Lallier, édimestre, Portail du réseau collégial.

 






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