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Le débat sur le français déchire les profs de cégep

Article publié par Le Devoir - Marco Fortier

Les cégeps anglophones ont connu une croissance importante au cours des deux dernières décennies en attirant surtout des étudiants francophones et allophones.
Photo: iStock

6 avril 2022- Le projet de loi 96 visant à renforcer le français au Québec met à rude épreuve l'unité du principal syndicat d'enseignants de cégep. Selon ce que Le Devoir a appris, un mouvement de professeurs a forcé la tenue d'un nouveau vote dans l'espoir d'amener la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) à réclamer l'application de la loi 101 aux cégeps.

Des débats déchirants agitent cette fédération syndicale, qui représente 85 % des professeurs de cégep. Des membres influents craignent même l'implosion de la FNEEQ, tiraillée entre ses membres francophones et ceux de huit collèges anglophones publics et privés.

La FNEEQ marche sur un fil de fer entre les intérêts divergents de ses membres. La Fédération appuie le projet de loi 96, qui « rétablira l'équilibre entre les cégeps francophones et anglophones ». Le projet cherche à limiter le poids relatif des établissements anglophones (dont l'effectif sera plafonné à 17,5 % du réseau) tout en préservant les emplois dans les deux langues, fait valoir le syndicat.

La FNEEQ appuie aussi la décision du ministre Simon Jolin-Barrette de ne pas étendre la loi 101 aux cégeps, ce qui aurait réservé l'accès aux études collégiales en anglais aux « ayants droit », comme au primaire et au secondaire. Sans aucune balise, les cégeps anglophones ont connu une croissance importante au cours des deux dernières décennies en attirant surtout des étudiants francophones et allophones. Les anglophones sont désormais minoritaires dans les cégeps anglais, rappelle le syndicat.

Sursaut nationaliste

La position mitoyenne de la FNEEQ dans ce débat crée de l'insatisfaction de toutes parts.

Vingt et un syndicats de profs francophones prônent une position plus ferme sur la défense du français en étendant la loi 101 aux cégeps. D'autres votes sur cette question doivent avoir lieu au cours du mois d'avril. Un sursaut nationaliste prend naissance parmi les enseignants de cégep francophones, explique une source.

D'un autre côté, des profs anglophones s'opposent aux limites imposées aux cégeps anglais par le projet de loi 96.

La FNEEQ a le défi d'unir ces points de vue en apparence irréconciliables. « C'est déchirant. C'est émotif. Il faut le reconnaître. Il faut être capables de trouver une position qui va nous rassembler », dit Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ. Elle estime que la position adoptée par les membres en conseil fédéral, en septembre dernier, est « la mieux équilibrée ».

Une part appréciable des membres francophones de la FNEEQ ne sont pas d'accord et ont obligé la Fédération à rouvrir le débat à ce sujet. Un nouveau vote sur l'application de la loi 101 au collégial devra prendre place au prochain conseil fédéral de la FNEEQ, confirment nos sources. Le bureau de la Fédération doit fixer cette semaine la date lors de laquelle cet avis de motion sera traité.

« On écoute nos membres, et ce sont eux qui nous donnent des mandats. On aura sans doute une bonne discussion à ce sujet. On travaille à créer un espace de dialogue, de respect et d'écoute mutuelle », explique Mme Quesnel.

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