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Les taux d’échec bondissent chez les cégépiens
Des étudiants en détresse, désorganisés, démotivés : l’écart se creuse entre les cégépiens les plus forts et les plus faibles. Dans au moins un collège, plus de quatre élèves sur dix sont à risque d’échouer au moins un cours lors de la session d’automne qui tire à sa fin, a appris Le Devoir.
Marco Fortier et Anne-Marie Provost - Le Devoir
« Je n’ai jamais eu autant d’échecs et jamais eu autant de notes supérieures à 90 % dans mes cours », laisse tomber Alexandre Boisvert, professeur de sociologie au cégep de Drummondville.
L’écart entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent atteint un sommet : dans un de ses cours d’introduction à la sociologie, l’écart-type est de 30 points de pourcentage. Pour une moyenne de groupe de 65 %. Cela signifie que les résultats des élèves varient entre 35 % et 95 %. Normalement, l’écart-type est entre 5 % et 8 % par rapport à la moyenne du groupe.
Les enseignants interrogés par Le Devoir estiment que la pandémie a accentué une tendance qui se manifestait avant les confinements du printemps 2020. « Il y a peut-être des étudiants qui n’étaient pas prêts à venir au cégep. Un élève m’a dit que c’était la première fois qu’il était obligé de se forcer pour réussir », raconte Alexandre Boisvert.
Un autre professeur confie qu’il entend souvent : « Je n’ai pas fait grand-chose au secondaire. J’aimerais recommencer mon secondaire parce qu’il me manque des connaissances. »
Taux d’échec élevé
Un professionnel en aide pédagogique dans un grand cégep de région rapporte que le taux d’échec sera entre 30 % et 40 % plus élevé que la normale. Plus de 40 % des élèves (1900 sur 4400) se dirigent vers un échec dans au moins un cours. Il a appelé chacun de ces élèves pour les prévenir qu’ils risquent d’échouer s’ils ne font pas davantage d’efforts. Plusieurs se ressaisissent, mais d’autres ne répondent même pas aux appels ou aux messages.
« Quand ils n’aiment pas le programme ou qu’ils réussissent moins bien que prévu, certains arrêtent d’aller au cours sans avertissement. On se fait ghoster ! » raconte ce professionnel de l’éducation qui a demandé l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler publiquement.
Il soupçonne les élèves d’écoles dites « ordinaires » d’être moins préparés au cégep par rapport aux élèves issus de projets particuliers de l’école publique ou d’écoles privées. Les inégalités issues de l’école secondaire à trois vitesses se perpétuent, croit-il.
Quand ils n’aiment pas le programme ou qu’ils réussissent moins bien que prévu, certains arrêtent d’aller au cours sans avertissement. On se fait ghoster ! - Un professeur
Les établissements reçoivent beaucoup de budgets pour aider les élèves en difficulté, mais certains jeunes ignorent l’existence de ces programmes ou refusent d’y prendre part, peut-être par manque de motivation, selon ce pédagogue.