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La révolution ChatGPT

Depuis sa mise en ligne, l’application d’intelligence artificielle fait trembler le milieu de l’enseignement.

 

«C’est équivalent à l’arrivée d’internet en ce qui a trait à ce que cela va changer dans nos habitudes.» Sandrine Prom Tep, professeure au Département de marketing de l'ESG UQAM Photo: Getty images

Par Marie-Claude Bourdon

Au Carrefour pédagogique et technopédagogique de l’UQAM, les demandes du personnel enseignant se multiplient depuis le début du trimestre. ChatGPT, une application de la compagnie OpenAI dont personne n’avait entendu parler il y a quelques mois, est en train de créer un tremblement de terre dans le milieu de l’enseignement. À l’université, mais aussi au cégep et dans les écoles secondaires. «C’est un peu la panique», dit Yves Munn, chargé de projets technopédagogiques au Service de l’audiovisuel, qui suit le dossier depuis la mise en ligne de l’application, fin novembre.

«Par rapport à l’enseignement supérieur, il s’agit d’une révolution magistrale», croit la professeure du Département de marketing de l’ESG UQAM Sandrine Prom Tep, qui s’intéresse aux robots conversationnels depuis leur apparition. «C’est équivalent à l’arrivée d’internet en ce qui a trait à ce que cela va changer dans nos habitudes. Cela va révolutionner notre quotidien tel qu’on le connaît.»

Pour ceux qui ne sont pas encore familiers avec la bête, ChatGPT est un robot conversationnel qui répond à des questions et produit sur demande des textes originaux sur à peu près n’importe quel sujet. «ChatGPT, fais-moi un texte de 500 mots sur l’histoire de la Révolution chinoise». En un clic, l’application s’exécute. «ChatGPT, explique en 150 mots l’origine du système solaire.» Et hop! La réponse apparaît. On peut aussi lui demander des listes, des résumés, des tableaux, des plans de cours…

«ChatGPT n’est pas un moteur de recherche, précise Yves Munn. Il s’agit d’un système d’intelligence artificielle (IA) basé sur des algorithmes d’apprentissage nourris par des bases de données énormes.» GPT est l’acronyme de Generative Pre-trained Transformer, un agent conversationnel conçu pour comprendre et générer du langage naturel. Les habiletés de ChatGPT sont plus grandes en anglais qu’en français, mais l’application se débrouille déjà très bien dans la langue de Molière. Et ses compétences ne font que s’améliorer.

La version 3.6 de GPT, actuellement disponible, repose sur 175 milliards de paramètres différents, indique le chargé de projets. Des rumeurs veulent que la prochaine, qu’on attend d’ici moins d’un an, dispose d’une base de 100 000 milliards de paramètres!

«Un professeur de philosophie a tenté de coincer l’application en lui posant huit questions sur un sujet théorique, raconte Yves Munn. À la fin, il trouvait que ChatGPT l’avait fait progresser dans sa réflexion. Le professeur avait eu l’impression de discuter avec un étudiant de doctorat!»


Loin d’être infaillible

Mais attention. ChatGPT est loin d’être infaillible. Dans un article paru sur le site 24 heures.ca, le professeur de l’École des médias Jean-Hugues Roy raconte avoir demandé à l’application de fournir trois faits sur chacun des premiers ministres du Québec depuis 1867. Il a donné une note de 59,2% à ChatGPT pour sa réponse, jugée trop vague. Le robot s’est aussi trompé en répondant à une question de mathématiques de secondaire 4 proposée sur le site Alloprof.

«Les réponses de ChatGPT peuvent être impressionnantes, commente Sandrine Prom Tep. Mais le robot peut aussi produire des réponses erronées, difficiles à détecter si on n’est pas un expert du sujet. En plus, il ne cite pas ses sources.»

ChatGpt ne cite pas ses sources… pour l’instant. Mais cela est prévu dans une prochaine version, précise la professeure.

Des ressources pour réfléchir à l’utilisation de l’IA en enseignement

Les membres du Carrefour pédagogique et technopédagogique ont mis en ligne une liste d’activités et de ressources pour soutenir le personnel enseignant dans la découverte et l’appropriation des agents conversationnels.

Entre autres, on peut trouver deux articles sur ChatGPT et l’IA publiés par le Collimateur – Veille technopédagogique: ChatGPT expliqué par des vingtenaires passionnés de l’IT et Apprendre à parler IA. On peut aussi suivre le fil Twitter du Carrefour pour en apprendre davantage sur le sujet.

Les 9, 15 et 23 février, Yves Munn et ses collègues animeront un groupe d’échange: L’intégration de ChatGPT dans l’enseignement: questionnements, opportunités et enjeux. Le 22 février, il animera également une table de discussion sur le sujet dans le cadre de la Semaine de l’enseignement à distance avec la professeure du Département d’analytique, opérations et technologies de l’information de l’ESG UQAM Claudine Bonneau: ChatGPT, IA et formation à distance: une nouvelle ère de l’apprentissage.

Grâce à une subvention obtenue dans le cadre du Pôle montréalais d’enseignement supérieur en intelligence artificielle, Sandrine Prom Tep et ses partenaires du Collège de Bois-de-Boulogne et d’Eductive préparent une série d’ateliers pour les enseignantes et enseignants de l’enseignement supérieur. Les ateliers, qui commencent le 2 février, seront offerts par le Laboratoire pédagogique de littératie en intelligence artificielle.

«Les gens qui utilisent ChatGPT ont l’impression de discuter avec une vraie personne, observe Yvves Munn. Mais ce n’est pas une personne. C’est une machine qui calcule des probabilités à partir des mots que vous utilisez.»

«C’est une intelligence artificielle au sens pur du terme, renchérit Sandrine Prom Tep. Elle n’a ni conscience ni jugement. Elle génère du texte en fonction de vos questions.»

Même si chaque échange la rend plus intelligente («c’est le fameux apprentissage profond ou deep learning de l’IA», remarque la professeure), l’application n’a pas de mémoire à long terme des échanges qu’on a avec elle. Elle ne se souviendra pas de vous. Par contre, elle a une mémoire du dialogue en cours et peut raffiner ses réponses en fonction des informations qu’on lui fournit. Ce n’est donc pas une bonne idée de terminer un échange qui n’a pas donné les résultats escomptés pour ensuite repartir à neuf avec une nouvelle requête. Il vaut mieux persévérer, formuler sa demande autrement, préciser.

«La façon dont vous posez des questions va générer des réponses différentes, précise Sandrine Prom Tep. C’est l’art de bien formuler ses requêtes ou ses prompts, comme on dit en anglais.» Déjà, les sites qui expliquent comment utiliser la machine se multiplient. Ainsi, dans ChatGPT expliqué par des vingtenaires passionnés de l’IT, un lien mène à un extrait vidéo où de jeunes Français échangent des trucs pour tirer le maximum du robot.

Source: UQAM - Lire la suite

31 janvier - Montréal