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Chronique d'Hélène David
L’enseignement supérieur, incontournable priorité
Par Hélène David - La Presse
Les chiffres ne trompent pas. De plus en plus d’étudiants poursuivent des études postsecondaires. Environ un demi-million fréquentent les collèges et les universités annuellement et on ne peut que s’en réjouir. DEC technique, préuniversitaire, baccalauréat, maîtrise, doctorat, postdoctorat, certificat, DESS, programme court de troisième cycle… la nomenclature est longue et confond les non-initiés. Mais celle-ci démontre une chose : le progrès depuis la Révolution tranquille est fulgurant, immense et exceptionnel.
Le Québec se distingue à de nombreux égards en matière d’enseignement supérieur. Que ce soit la grande accessibilité du cégep ou les droits de scolarité universitaires moins élevés qu’ailleurs au Canada et en Amérique du Nord, l’accès à l’aide financière aux études, le développement de nos établissements collégiaux et universitaires partout sur le territoire, et les multiples initiatives de programmes ciblés répondant à des besoins spécifiques, tout cela impressionne. Mais les défis existent.
Parlons d’abord des cégeps. Je les ai à peu près tous visités au cours des dernières années. C’est un réseau qui n’a qu’un peu plus de 50 ans d’existence, où chaque collège est profondément imbriqué dans le tissu de sa communauté, avec un parcours conçu pour permettre un accès progressif et bien calibré aux études supérieures avec des programmes novateurs qui font l’orgueil de tout le réseau, et pas seulement des régions où ils sont déployés. Dès sa création, l’objectif du réseau était l’accessibilité aux études postsecondaires. On peut dire, cinq décennies plus tard, que c’est mission accomplie ! Mais le réseau reste fragile, il faut en prendre soin.
Un des défis est d’attirer et de retenir les élèves en région, tant ceux du Québec que ceux de la francophonie internationale, en encourageant l’offre de programmes convoités ou exclusifs. Je pense par exemple à l’École supérieure en art et technologie des médias (ATM) du cégep de Jonquière, au programme Techniques d’aménagement cynégétique et halieutique (TACH) du cégep de Baie-Comeau dont les élèves français raffolent, ou encore au programme de photographie offert au cégep de Matane.
Et partout sur le territoire, des parcours répondent à des besoins de main-d’œuvre, que ce soit en éducation spécialisée, en petite enfance, en génie, en inhalothérapie, en soins infirmiers et j’en passe.
Avec des projets de mobilité pour les élèves des milieux urbains, on pourrait assurer une plus grande fréquentation des cégeps en région et ainsi garantir leur pérennité.
Il faut par ailleurs investir dans les logements étudiants partout au Québec et dans les infrastructures, particulièrement dans les zones urbaines où certains cégeps sont surpeuplés ou vétustes.
Les cégeps ont aussi créé de nombreux CCTT (centres collégiaux de transfert de technologie), des trésors trop méconnus. La recherche qui y est faite est impressionnante et solidement ancrée dans le milieu, en lien avec des entreprises et des organismes sociaux.
Un petit mot sur la question de la formation dite « générale » au cégep, qui est née avec la création de ceux-ci et qui a souvent été remise en question.
Je crois profondément à l’importance et à la pérennité de cet ensemble de cours de français, de philosophie, de langue seconde et d’éducation physique. Ce tronc commun de cours a été au cœur d’une importante réflexion lors de la création des cégeps. Il a été défini comme le socle nécessaire pour tous les jeunes adultes, qu’ils soient inscrits au DEC préuniversitaire ou au DEC technique, pour les aider à consolider, entre autres, la connaissance de la langue française et de la culture francophone, en plus d’apprendre à comprendre les grandes époques de l’histoire de la pensée. On a besoin, plus que jamais, de réfléchir aux enjeux sociaux, environnementaux, psychologiques et philosophiques qui marquent notre époque.
Priver les nouvelles générations de ce socle de connaissance et de réflexion serait une grave erreur. Ce qui n’empêche pas la discussion sur les contenus et l’organisation de ces cours, et les enseignants au collégial s’y penchent régulièrement. Un rapport exhaustif rendu public récemment explique bien tous ces enjeux et mérite d’être lu1.
Les cégeps sont aussi des lieux d’apprentissage de la vie et sont devenus des acteurs incontournables du développement économique, social, culturel et intellectuel de toutes les régions où ils sont présents.