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L’inhalothérapeute, présent en première ligne


Par Alain Lallier


Entretien avec madame Catherine O’Brien, enseignante en techniques d’inhalothérapie et responsable à la coordination du département et des stages au Collège de Rosemont

Dans le contexte de la crise de la COVID-19, les inhalothérapeutes sont aux premières lignes de la ligne de front, pour aider les patients atteints du virus. On parle beaucoup des essentiels respirateurs ou ventilateurs dans cette lutte. Or, les inhalothérapeutes sont des professionnels cliniciens spécifiquement formés pour ajuster et assister la ventilation mécanique. « Les étudiants en inhalothérapie reçoivent de nombreux cours en ventilation mécanique. L’étudiant  diplômé est vraiment le professionnel de la santé qui assure la prise en charge optimale des soins cardiorespiratoires s’adressant aux patients en soins critiques  », explique Catherine O’Brien.

Apprendre à se protéger
Travaillant en soins intensifs, ces professionnels sont soumis aux exigences de protection du plus haut standard exigées par le système de santé. En contact avec les voies aériennes des patients, les thérapeutes sont à risque. « Ainsi, pour soigner les personnes atteintes de la COVID-19,il faut mettre : les masques spéciaux N-95, des visières, des jaquettes et des gants. Les étudiants sont préparés pour ce faire. Plusieurs de nos patients ont en temps normal des problèmes respiratoires commandant ce genre de procédures.

Les élèves reçoivent donc durant leur formation les cours se rapportant aux mesures de santé et de sécurité; ils apprendront à s’habiller/déshabiller correctement, à savoir quels types de précautions à prendre avec tel ou tel patient. En 3e année, ils passent un "fit test" très important pour les masques N-95. Le but est de s’assurer que le masque soit bien serré dans le visage afin qu’aucune particule ne puisse entrer au niveau du masque. Il y a vraiment une différence entre les masques N-95 et les masques de procédures. Ces derniers permettent un accès au visage, à la bouche et au nez avec aussi une différence dans la filtration des particules ».

Un laboratoire de simulation haute fidélité
Le Cégep de Rosemont possède un laboratoire de simulation hautefidélité équipé de mannequins,et ce, dans un environnement qui ressemble le plus possible au milieu hospitalier. Ce laboratoire peut se transformer en bloc opératoire, en urgence, en unité de néonatalogie et de pédiatrie. La simulation permet à l’étudiant d’intervenir dans des situations qui sont fréquemment vues en milieux cliniques. Le technicien ou technicienne qui opère le simulateur ajuste les différents paramètres physiologiques du patient afin que l’étudiant puisse saisir l’impact de ses actions sur la personne soignée»

Une des compétences acquises dans la formation porte sur l’assistance anesthésique. En étroite collaboration avec l’anesthésiologiste, les étudiants sont formés pour travailler dans les blocs opératoires afin d’assurer le soutien technique et la surveillance au niveau du patient sous anesthésie. « Les étudiantes sont ainsi formées d’un point de vue clinicien pour faire face à différentes situations et, dans tous les cours, nous travaillons énormément sur le jugement clinique afin qu’ils soient en mesure de porter les jugements optimaux pour ou sur la condition du patient. »

Une formation professionnelle agréée
La profession est régie par l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OIQ). Ce n’est pas l’Ordre qui fait passer un examen final, mais bien le collège qui soumet les étudiants à une épreuve synthèse de programme. C’est lui qui délivre le diplôme qui permet à l’Ordre de délivrer le permis de travail. Dans l’année qui suit, l’Ordre s’assure de faire des évaluations ponctuelles en mode inspection professionnelle. « Quand nous diplômons, il importe que nous puissions amener nos étudiantes au seuil minimal d’entrée à la profession afin qu’ils aient l’ensemble des compétences leur permettant d’être un bon inhalothérapeute, un bon professionnel de la santé. Le programme du Collège de Rosemont est de plus agréé par la Société canadienne des thérapeutes respiratoires. »


Le programme développe de plus des compétences en cardiologie. « Le cœur et les poumons sont intimement reliés. Les inhalothérapeutes travaillent également en unités des soins critiques coronariens. Notre travail est un travail de première ligne. Nous travaillons souvent dans des situations critiques. »

Les qualités d’un bon inhalothérapeute
Pour Catherine O’Brien, les qualités d’un bon inhalothérapeute sont liées à sa capacité d’adaptation, car il a à intervenir dans des situations très différentes. « On peut passer d’un bébé prématuré de 32 semaines à un arrêt cardiaque d’un patient de 75 ans. Il faut être très rigoureux dans notre travail ; il faut s’assurer de respecter les normes, de travailler avec les plus hauts standards. Il faut que les étudiants soient capables de bien gérer leur stress. Ça fait partie de la formation. Ils sont soumis à des examens pratiques; ils sont soumis à beaucoup de situations cliniques. Ils ont beaucoup de stages. Une année complète dans les différents secteurs d’activité. Ça leur permet de développer la collaboration, car le travail d’équipe est extrêmement important : nous travaillons en collaboration avec des médecins, des infirmières, des préposés,des physiothérapeutes. Il y a beaucoup de gens avec qui on travaille dans les unités de soins ou en soins à domicile. »

Quel est le profil des étudiants et étudiantes ?
La responsable du département précise que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à choisir ce programme. La moyenne d’âge se situe autour de 24-25 ans. On retrouve plusieurs personnes qui sont en retour aux études ou en changement de carrière. « Ce sont des gens qui sont allés à l’université ou sur le marché du travail et qui ont décidé de revenir au niveau collégial. Il y a aussi des étudiants qui viennent directement du secondaire. Ce qu’ils ont en commun, c’est leur désir de pouvoir aider les gens tout en étant dans une profession stimulante.Le contexte de crise dans le milieu hospitalier a fait que nous avons dû suspendre tous les stages. Nous sommes en attente. Ce n’était pas sécuritaire d’envoyer les étudiants dans des milieux critiques où déjà beaucoup d’inhalothérapeutes sont rapatriés sur les unités de soins. Le contexte n’est pas optimal pour l’atteinte des compétences pour les étudiants. Tous les stages sont en suspens en inhalothérapie à l’échelle du Québec. Nous sommes conscients qu’il y a une pénurie d’inhalothérapeutes au Québec et qu’on attend du renfort. Mais, on ne veut pas diplômer nos étudiants à n’importe quel prix. On veut qu’ils soient compétents. On prend toujours l’exemple : si c’était votre père ou votre mère qui était soignée par cette inhalo-là, vous vous attendez à ce qu’il ait atteint les compétences pour être un bon inhalothérapeute. »

Comment terminer cette année de formation ?
Dans le contexte actuel de reprise progressive des activités pédagogiques, le département du Collège de Rosemont donnera la portion théorique. Mais, pour la portion laboratoire, il demeure difficile d’évaluer des compétences à distance. « Se pencher pour voir comment on peut émettre une note. La grande question : quand et comment va se faire le retour? Cet automne ? Nous ne le savons pas. Mais, pour nous, il faut s’assurer que nos étudiants et étudiantes ont les compétences nécessaires. Il faut les évaluer en laboratoire, ça ne se fait pas à distance. »
De plus, dans sa recherche de respirateurs, le système hospitalier a fait appel à tous les départements d’inhalothérapie pour avoir accès à ces équipements. « Tous nos laboratoires sont vidés; pour l’instant on ne pourrait pas opérer. Il nous manque beaucoup d’équipements de protection, car ils ont aussi été réquisitionnés par les centres hospitaliers. »

Une formation universitaire souhaitée
Le Collège de Rosemont est le seul cégep francophone à offrir le programme à Montréal. Il y a sept autres collèges qui offrent le programme au Québec, six collèges publics et un privé. Le collège de Rosemont a reçu 185 demandes d’admission en 2019 et en a admis 85.

Le collège a la capacité d’admettre plus d’étudiants. Mais, depuis quelques années, on constate une baisse des demandes d’admission. Selon madame O’Brien, en plus de la baisse démographique, une des raisons explicatives tient au fait que le réseau de la santé n’a pas très bonne presse dans les médias. De plus, le programme ne connaît pas de suite au niveau universitaire comme en soins infirmiers. L’Ordre et le milieu de l’enseignement travaillent à faire corriger cette situation, ce qui permettrait de développer encore plus le côté clinique. La révision du programme ministériel date de plusieurs années. « Il manque 1000 heures pour s’assurer de voir toutes les spécialités liées à l’inhalothérapie. Une formation universitaire permettrait de pousser plus loin les soins critiques, l’urgence, la néonatalogie et l’assistance anesthésique et d’intégrer les développements technologiques nombreux dans la discipline. »

Catherine O’Brien enseigne au Collège de Rosemont depuis 2005. Elle est elle-même diplômée en inhalothérapie du Cégep de Sainte-Foy. Elle a travaillé dans le milieu hospitalier pendant plusieurs années tout en enseignant. Le fait d’encadrer les étudiants en stage lui permet de garder un contact serré avec la pratique.

Le mot de la fin : « Ce que je vois des inhalothérapeutes, c’est que nous avons vraiment à cœur notre profession. Nous sommes vraiment des passionnés. C’est vraiment tatoué sur notre cœur, l’inhalothérapie. »
 


Pour en savoir plus :
1. Site web du programme Techniques d’Inhalothérapie du Collège de Rosemont.
2. Site du programme Techniques d’Inhalothérapie sur Pigma
3. Une personnalité remarquable en inhalothérapie : France St-Jean. Femme d’action, l’inhalothérapeute France St-Jean a reçu un prix Mérite du CIQ de l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OPIQ) au début du mois d’octobre à Gatineau. Dédiée au développement de sa profession, Mme St-Jean a toujours fait de la compétence une priorité. Elle est diplômée du Collège de Rosemont et y a enseigné jusqu’à sa retraite. Lire la suite
4. Site web de l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OPIQ)






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