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Deux nouvelles ressources en évaluation des apprentissages.

Une contribution de M. Robert Howe, consultant en pédagogie de l'enseignement supérieur, spécialiste en évaluation.

Déjà, en 2014, France Côté[1] nous proposait un manuel fort convivial et pratique sur les grilles d’évaluation à échelle descriptive. Mais 2015 nous aura gâtés. Deux excellentes ressources s’ajoutent maintenant à nos outils de formation et de perfectionnement en évaluation. L’une, de Gérard Scallon, déjà très connu au Québec pour, entre autres, ses manuels de 2000[2] et de 2004[3] vient de publier son plus récent livre : Des savoirs aux compétences : Explorations en évaluation des apprentissages[4].L’autre ressource, d’un collectif dirigé par Julie-Lyne Leroux, professeure à l’Université de Sherbrooke : Évaluer les compétences au collégial et à l’université : un guide pratique[5].

Avant de résumer, plus loin, leurs caractéristiques propres, je tiens ici à mettre en valeur que ces deux ressources ont quelque chose en commun et je souligne ce trait avec enthousiasme. En effet, ce qui me saute aux yeux est que tant Scallon que Leroux et al. traitent ici de la question du jugement professionnel dans l’acte d’évaluation. Depuis toutes ces années où nous nous préoccupions presque avec excès du concept d’objectivité en évaluation, nous en sommes à lire maintenant des propos qui, enfin, établissent clairement la légitimité du jugement professionnel. Évaluer, c’est porter un jugement. C’est comparer des données à des critères. Et cette comparaison, ce jugement qui guidera la prise de décision, est une composante essentielle de toute évaluation. Mais pas n’importe comment. C’est ce qu’illustrent ces deux ressources de 2015 qui nous proposent, du coup, des outils et stratégies concrètes et reconnues pour résoudre des problèmes de …jugement. Comment guider ce jugement professionnel?

J’invite le lecteur à étudier ces deux publications. Elles en valent la peine.

a) Évaluer les compétences au collégial et à l’université : un guide pratique

Paru le 12 novembre dernier, le livre de Leroux est le plus récent des ouvrages publiés dans la collection PERFORMA de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC). Construit en trois grandes sections, cet ouvrage collectif propose vingt chapitres qui traitent, sous autant d’angles de vue, des méthodologies pouvant guider les pratiques évaluatives des acteurs des collèges et des universités.

D’entrée de jeu, « Évaluer les compétences au collégial et à l’université » annonce sa posture. Plutôt que de focaliser sur le « quoi » ou le « pourquoi » de l’évaluation, il aborde spécifiquement la question du «comment » évaluer dans une approche centrée sur le développement de compétences en enseignement supérieur.

Destiné autant aux enseignants chevronnés qu’aux débutants, ses vingt chapitres proposent des ressources pour soutenir des pratiques de qualité en évaluation dans une approche dite par compétences.

Même s’il peut être consulté dans n’importe quel ordre, au besoin et selon les questionnements du lecteur, le guide est organisé en trois grandes familles de textes :

  1. Mise en contexte de l’évaluation en enseignement supérieur
  2. Ressources pour évaluer les compétences
  3. Défis liés à l’évaluation des compétences

Le guide focalise sur l’évaluation de la « maîtrise » des compétences et fonde ce concept sur la conscience que la notion de compétence est polysémique, renvoyant à des significations très variées. De là, il met le lecteur en appétit dès l’introduction en l’avertissant que « le sens véritable accordé à la notion de compétence a d’importantes répercussions sur les stratégies d’évaluation qui seront mises en œuvre pour inférer la compétence ».

Voilà un guide incontournable, fait à l’intention expresse des enseignants de l’enseignement supérieur.

b) Des savoirs aux compétences : Explorations en évaluation des apprentissages

Quant à Scallon, celui-ci fait l’état des lieux en évaluation, notamment en évaluation sommative. Fort des écrits des années 2000 sur l’évaluation ainsi que des recherches sur les conceptions de l’apprentissage, l’auteur consacre ce livre à montrer comment on est passés de l’évaluation de savoirs à l’évaluation de capacités et d’habiletés de plus en plus complexes. Les outils et méthodes changent en fonction des objets à évaluer et Scallon caractérise clairement ces méthodes.

Dans ce livre, l’auteur traite beaucoup de la notion de jugement. Les objectifs d’apprentissage sont de plus en plus complexes, afin de donner suite à des mandats de développement de compétences. Si on a longtemps mesuré, quantifié, voire additionné les observations sur les réponses des étudiants, à l’époque où les apprentissages portaient en partie sur les savoirs, Scallon, discute ici des méthodes qu’impose une approche plus qualitative de l’évaluation.

Le jugement fait partie intégrante du processus d’évaluation. Puisqu’on vise l’apprentissage de capacités de haut niveau, des savoir agir qui intègrent plusieurs domaines d’apprentissage, il est devenu impératif de prendre en compte le contexte de la performance des étudiants, ainsi que ses progrès, son comportement et son engagement. Cela impose d’adopter des procédés de collecte d’informations multiples et d’y investir son jugement professionnel pour tirer des inférences.

Dans ce contexte, l’inférence consiste à estimer les caractéristiques d’un individu à partir de son comportement observé dans un échantillon de tâches. Il faudra donc placer l’individu en situation de performance[6]. À cette fin, on lui présentera trois types d’informations :

1)    une mise en situation (un problème, des données, un enjeu);

2)    une tâche à accomplir;

3)    des directives (consignes et exigences à respecter lors de la performance que nous observerons).

De là, l’auteur démontre que le jugement dans l’évaluation sommative, tant sur la démarche de l’étudiant que sur un produit, doit reposer sur des outils, par exemple des grilles d’évaluation et des échelles de jugement, plus qualitatifs que quantitatifs.

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Rédacteur : Robert Howe, consultant en pédagogie de l'enseignement supérieur, spécialiste en évaluation.

Tout commentaire ou suggestion de votre part sera bienvenu. Vous pouvez adresser vos commentaires à howerobert@sympatico.ca

 


 

RÉFÉRENCES

[1]  Côté, France (2014). Construire des grilles d’évaluation descriptives au collégial. Guide d’élaboration et exemples de grilles. Presses de l’Université du Québec.  168 pages.

[2]  Scallon, G (2000) L’évaluation formative. Saint-Laurent (Québec), ERPI, 449 p.

[3]  Scallon, G. (2004). L’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences. Saint-Laurent : Éditions du renouveau pédagogique. 342 p.

[4]  Scallon, Gérard.(2015) Des savoirs aux compétences : Explorations en évaluation des apprentissages. Montréal : Éditions du renouveau pédagogique (ERPI Éducation). Pearson. 126 pages

[5]  Leroux, J.L., dir., et Groupe de recherche en évaluation des apprentissages (GRÉAC), (2015). Évaluer les compétences au collégial et à l’université : un guide pratique. Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) et Chenelière Éducation. 2015. 688 pages.

[6]  Si la documentation anglophone utilise aisément le mot « performance », nous devons comprendre que ce mot inclut « production » dans son sens le plus large. Dans l’esprit des définitions reconnues de ce qu’est la compétence, la performance consiste à demander à l’étudiant d’illustrer son savoir agir, son savoir mobiliser des ressources, son savoir faire, son savoir être. 

 






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