Articles

En évaluation de l’enseignement,une doléance plus fréquente que d’autres : le manque de clarté

 

Dans mon expérience professionnelle de conseiller pédagogique ou de directeur adjoint, il m’est arrivé fréquemment de constater, à l’analyse des résultats de l’évaluation de l’enseignement par les étudiants, que la doléance la plus fréquente porte sur le manque de clarté. Les lacunes de clarté se trouvent habituellement dans les plans de cours et / ou dans les consignes d’examens, ou dans les critères ou barèmes de correction.

Lorsque je partage cette observation avec des collègues qui touchent à des résultats d’évaluation de l’enseignement, tant à l’université qu’au collégial, cette doléance sur la clarté ressort aussi au palmarès.

Rédiger un plan de cours ou un  dispositif d’évaluation des apprentissages, c’est poser un acte de communication. C’est ici que l’enseignant communique des informations qui ont une importance significative pour les étudiants. « Qu’est-ce que je vais apprendre dans ce cours et pourquoi? », Qu’est-ce que j’ai à faire, précisément, dans ce travail, dans cet exercice, dans cet examen? », etc.

Regardons comment le manque de clarté peut devenir une source de doléances chez les étudiants, d’abord dans les plans de cours, puis dans les évaluations.
Dans les plans de cours, certains étudiants trouvent que les objectifs pédagogiques manquent parfois de clarté. Or les recherches (voir http://www.cdc.qc.ca/bulletin/bulletin-6-reussite-garcons-partie1-mai-2011.pdf et http://www.cdc.qc.ca/bulletin/bulletin-9-reussite-scolaire-collegial-fev-2013.pdf ) démontrent que les étudiants (surtout les garçons, apparemment) ont besoin de donner du sens à ce qu’ils apprennent. Et c’est dans le plan de cours qu’ils devraient voir clairement ce qu’ils vont apprendre et pourquoi ils apprendront cela à ce moment-là de leur programme de formation. Quel sens a ce cours? Que signifient ces objectifs d’apprentissage? Où ce prof nous amène-t-il? Pourquoi? L’analyse externe de plans de cours confirme souvent que des étudiants ont raison de se plaindre d’un manque de clarté : des objectifs flous, équivoques, parfois beaucoup trop nombreux, parfois sans lien apparent avec le contenu ou avec les travaux à faire. Pire, des objectifs qui ne se reflètent pas tous dans les dispositifs d’évaluation. Plusieurs sources nous donnent des principes à suivre pour écrire des objectifs pédagogiques qui seront clairs et pertinents. Un bulletin du Centre de documentation collégiale en donne les principales balises. Voir : http://www.cdc.qc.ca/bulletin/bulletin-cdc-10-objectifs-apprentissage-oct-2013.pdf

Aussi, je réfère encore à un « vieux » manuel qui a toujours mon respect, celui de Dominique Morissette (Morissette, 1993). Monsieur Morissette y rappelle, dans son chapitre 2 sur les objectifs d’un cours, les trois règles fondamentales de la rédaction des objectifs. Nul doute que vous trouverez ce manuel dans la bibliothèque de votre collège, sinon au Centre de documentation collégiale. Avec sa rigueur habituelle, Suzan Broockhart (Broockhart, 2011) fait un résumé commenté des compétences attendues chez les enseignants concernant l’évaluation et elle y insiste sur la nécessaire compétence des enseignants à communiquer clairement les objectifs pédagogiques.

Quant aux dispositifs d’évaluation des apprentissages, que ce soit une série de questions d’examens, une mise en situation avec tâche à accomplir et consignes (résolution de problème, travail en équipe, recherche, dissertation, etc.) ou tout autre, on a encore affaire à une communication écrite. En évaluation, une étape essentielle c’est de déclencher chez l’étudiant la mise en œuvre de comportements qui démontreront ses apprentissages (c’est le « montre-moi que tu as appris »). Et c’est justement ça, le rôle des consignes, tâches ou questions : mettre l’étudiant « à l’ouvrage » afin qu’on puisse poser un jugement professionnel sur ses apprentissages. Or, nous savons tous que l’écriture de nos consignes et de nos questions d’examens se doit d’être claire pour que l’étudiant compétent puisse nous démontrer sa compétence. Pour favoriser l’équité en évaluation et, surtout, pour minimiser l’erreur de mesure (un sujet à traiter dans une prochaine capsule, peut-être?1 ), on doit se préoccuper d’éviter, dans notre communication écrite, tout ce qui pourrait empêcher l'étudiant compétent de démontrer sa compétence.

Voici quelques conseils2 sur cette préoccupation :

1- Rédiger les tâches, les consignes ou les questions de la façon la plus claire, la moins complexe possible: éviter les phrases longues, les inversions,  les incises, les subordonnées en série,  le vocabulaire inutilement savant, les expressions ambiguës, etc.
2- Rédiger les tâches, les consignes ou les questions de la façon la plus concise possible: éviter le verbiage, les répétitions inutiles, les précisions superflues,  etc.
3- Employer un style et des termes appropriés à l'âge, à la culture et au niveau de développement des étudiants.
4- Éviter les énoncés négatifs, si possible. Tout au moins souligner les négations.  En toute circonstance,  éviter les doubles négations.
5- Éviter les termes qualitatifs ("souvent", "dans une grande mesure", "à un niveau satisfaisant", etc.) qui donnent lieu à des interprétations diverses.
6- Expliciter tout ce qui est nécessaire (nature précise de la tâche à accomplir, point de vue, référence, critère, etc.) pour que l'étudiant compétent puisse nous démontrer sa compétence.
7-  Faire valider par un collègue, à l’avance, la clarté de nos consignes, questions, grilles d’évaluation, tâches à accomplir et ce, avant de les communiquer aux étudiants.

Si des lacunes dans la clarté des consignes, critères, tâches ou questions semblent être la première des doléances des étudiants, plusieurs auteurs, pourtant, nous recommandent de s’en préoccuper. Entre autres, France Côté (Côté, 2014) fait de l’univocité des critères d’évaluation sa règle numéro 2. Dominique Morissette (op cit) en traite aussi (pages 209, 219-220).  Sans explorer ici les autres auteurs québécois qui, chacun à leur manière, évoquent la nécessité de se préoccuper de la clarté de la communication en évaluation, je terminerai ici en invitant le lecteur vers une source-bible incontournable pour les spécialistes en évaluation : Le handbook américain Educational Measurement, dans son chapitre-phare sur la validité, décrit comment une évaluation dont on aura négligé la validité apparente (« face validity ») risque de ne pas favoriser les inférences d’extrapolation (Kane, 2006).

À mon avis, solliciter l’aide d’un collègue enseignant pour valider à l’avance ce que nous transmettons aux étudiants relève d’une précaution élémentaire pour favoriser la réussite. Je pousserai le bouchon en disant que cette précaution relève de l’éthique professionnelle.

----- 30 -----

Tout commentaire ou suggestion de votre part sera bienvenu. Vous pouvez adresser vos commentaires à howerobert@sympatico.ca

Rédacteur : Robert Howe, consultant en pédagogie de l'enseignement supérieur, spécialiste en évaluation

Collaboration : l’équipe du Centre de documentation collégiale

1.Bien entendu, on voudra aussi éviter tout ce qui pourrait permettre à l'étudiant incompétent de dissimuler son incompétence. Mais ça, c’est une autre histoire, n’est-ce pas?
2.Tirés de mes notes de cours, inédites

Broockhart, S. M. (Spring 2011, Vol. 30, No. 1,). Educational Assessment Knowledge and Skills for Teachers. Educational Measurement: Issues and Practice, pp. pp. 3–12.

Côté, F. (2014). Construire des grilles d’évaluation descriptives au collégial. Guide d’élaboration et exemples de grille. Montreal: Presses de l’Université du Québec. Pages 60, 80, 89

Kane, M. T. (2006). Educational Measurement, chapitre 2: Validation. (R. L. Brennan, Ed.) Westport, CT: Americal Council on Education.page 36

Morissette, D. ( 1993). Les examens de rendement scolaire. Quebec: Presses de l’université Laval. Pages 209, 219-220.






Infolettre Le Collégial

Soyez informés de l'actualité dans le réseau collégial. L'infolettre est publiée mensuellement de septembre à mai.

Je m'inscris