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Valoriser la lecture au collégial, selon Charles Prémont

Comment semer la passion de la lecture ?

En septembre, la grande conférence de l’AQPC a été l’occasion de réfléchir aux bienfaits de la lecture. Charles Prémont, journaliste, écrivain, scénariste et membre de la Fondation Lire pour réussir, a livré un plaidoyer saisissant pour une culture de la lecture au cégep.

Par Élise Prioleau, Portail du réseau collégial

La lecture est un loisir sous-estimé au Québec. Aimer lire permet de réduire le stress chez les jeunes et le risque de maladies cognitives chez les aînés. Lire stimule la créativité et augmente même l’empathie. D’entrée de jeu, au début de son allocution, Charles Prémont a fait état d’une foule de données sur les bienfaits de la lecture, trop peu connues du grand public, et même des enseignants.

« Aimer lire, c’est ça qu’on vise, car la lecture n’amène que du bon. Généralement, les lecteurs atteignent un meilleur statut socioéconomique, vivent plus longtemps et se perçoivent plus heureux que les non-lecteurs », a-t-il mentionné.

Charles Prémont

Le Québec accuse du retard en littératie

Selon le ministère, au secondaire, la cohorte 2012-2017 avait un taux de diplomation de 71,3 %, comparativement à 72,7 % pour la cohorte de 2014-2019. Elle serait même passée à 77 % pour la cohorte ayant étudié de 2016 à 2021. La tendance reste à la hausse depuis 1998, ouvrant ainsi la porte des cégeps à un nombre accru de jeunes.

Pourtant, le taux de littératie des Québécois, tous âges confondus, demeure très bas. En 2022, 46,4 % des Québécois rencontraient des difficultés majeures de lecture, selon les données de la Fondation pour l’alphabétisation.

« Au Québec, on a un problème de littératie. Près de la moitié des Québécois sont des analphabètes fonctionnels. C’est-à-dire des gens qui sont capables de lire les noms de rue et de se débrouiller, mais qui ne sont pas capables d’utiliser la lecture comme un outil. Reste que lire est très important », rappelait Charles Prémont. Savoir lire est essentiel ne serait-ce que pour participer à la société, réaliser ses objectifs et développer son potentiel, comme le rappelait le conférencier en citant l’Organisation de coordination et de développement économique (OCDE).

Autre statistique alarmante, on constate un recul de la lecture chez les retraités québécois au fil des ans, contrairement à d’autres pays qui démontrent plutôt la tendance inverse. « Chaque année de retraite qui passe, les gens perdent 0,5 % de leur compétence en littératie. Les gens arrêtent d’être actifs dans leur lecture et on constate des baisses. Au Japon et en Angleterre, la retraite au contraire, fait gagner des points en littératie. Qu’est-ce qui se passe au Québec ? Pourquoi la culture de la lecture est moins développée qu’ailleurs ? », questionnait Charles Prémont, qui a par la suite offert quelques pistes de solution pour changer la donne.  

Devenir un modèle de lecteur inspirant

Pour créer une culture de la lecture, on doit d’abord promouvoir des représentations sociales positives associées à ce loisir. Inversement, il s’agit aussi de combattre certaines représentations moins glorieuses fortement répandues au sujet de la lecture. De nombreux Québécois perçoivent encore la lecture comme un plaisir solitaire, souvent associé aux travaux scolaires ou encore un plaisir réservé à l’élite et peu accessible au commun des mortels.

Charles Prémont a invité les enseignants qui participaient à la conférence à réfléchir à différentes manières de déconstruire l’image négative qui colle encore à la lecture en 2022. Pour se faire, le cégep apparaît comme un lieu où promouvoir une image positive de la lecture serait particulièrement porteur. On le sait, le cégep est un lieu d’influence et de construction identitaire chez les jeunes de 17 à 20 ans. Le journaliste et auteur a invité les enseignants, toutes disciplines confondues, de parler à leurs étudiants de lectures, et même celles qui ne sont pas au programme.

« La première étape est d’informer les étudiants. Il faut que les étudiants comprennent que c’est avantageux d’avoir une habitude de lecture. Est-ce que concrètement ils savent à quoi ça va leur servir ? Ce n’est pas clair. Comment les informer ? La première chose, en tant que professeur, toutes disciplines confondues, est d’aborder le sujet en classe et de devenir un modèle de lecteur », a proposé Charles Prémont.

« Toutes les formes de littérature peuvent donner le goût à la lecture. »

Car la lecture apporte une foule de bénéfices, particulièrement pour des jeunes qui ont des ambitions scolaires. C’est un loisir qui, à long terme, permet de développer des capacités de lecture supérieures, prédispose aux études universitaires et permet de se déposer dans un espace de concentration apaisée.

Créer des contextes invitants et variés

« La lecture, ce n’est pas que les classiques. Toutes les formes de littérature peuvent donner le goût à la lecture. Il faut leur donner l’occasion de découvrir autre chose, hors des corpus des cours de littérature, en leur parlant de livres et du plaisir de lire », a souligné le conférencier.

Pour encourager la lecture au cégep, Charles Prémont a aussi suggéré de créer des contextes invitants et diversifiés pour la lecture, afin de démocratiser ce plaisir dans le monde collégial. Il a notamment parlé de lieux informels et accueillants où il ferait bon lire au cégep, et pas nécessairement entre les murs des bibliothèques.

Pour renouveler la représentation de la lecture chez leurs étudiants, les enseignants pourraient aussi les inviter à lire un roman commun pendant la session, créer des temps de lecture collectifs pendant les pauses ou encore leur présenter des stratégies pour amorcer une habitude de lecture, comme le fait de lire 15 minutes avant de se coucher. Bref, parler lecture, d’une manière personnelle et dans une ambiance décontractée et ludique.

« Nos années au collégial sont importantes. Tout le monde se souvient de ses années de cégep. Tout le monde en garde un beau souvenir. On découvre le monde, la liberté. Si on pouvait découvrir la lecture en même temps, ce serait d’autant plus extraordinaire », conclut-il, rappelant que « la lecture, c’est un projet de société, et que chaque petit pas qu’on fait ensemble est super important ».