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ACFAS 2025
Le bien-être des cégépiens.nes
Lors du récent Congrès de l’Acfas, le bien-être des cégépiens.nes était au cœur des présentations d’une quinzaine de professeurs.es-chercheurs.es du collégial. Le regard aiguisé porté sur différents déterminants ouvre sur un meilleur accompagnement. Reste à motiver les changements nécessaires devant ces enjeux individuels et sociétaux.
Par Thérèse Lafleur, rédactrice

Pour amorcer les journées consacrées au bien-être des collégien.nes, Juline Denoncourt et Émilie Lemire-Lafontaire du Cégep Marie-Victorin, ont présenté un aperçu de leur étude sur la transition secondaire-collégial. Leur Projet de recherche-action participative sur les enjeux de transition interordre des élèves de l’Est de Montréal est en cours. Cette recherche se penche notamment sur les facteurs qui influencent le bien-être des jeunes avant l’entrée au collégial.

Éco-anxiété et engagement écologique
L’éco-anxiété est-elle motivante ou paralysante chez les étudiants.es ? L’action individuelle peut-elle diminuer leur sentiment d’impuissance face à la crise environnementale ? Natalie Cormier et Raphaël Canet du Cégep du Vieux Montréal ont abordé ces questions dans leur recherche : Transformer la ville pour bâtir le monde de demain : Enquête sur les initiatives de transition écologique et sociale dans la région de Montréal et leur impact sur l’éco-anxiété des jeunes du collégial.
Trois grandes dimensions ont été identifiées pour étudier l’éco-anxiété. La dimension émotionnelle : j’ai peur pour l’avenir de la planète. La dimension cognitive : j’y pense tout le temps. La dimension comportementale : je m’informe compulsivement. Cette recherche a aussi évalué les comportements collectifs, par exemple : je participe aux manifestations pour le climat. Quant à l’engagement écologique, il comporte à la fois une dimension individuelle et une dimension collective.

Ce qui ressort de leur étude, c'est le sentiment d'impuissance. La peur, la tristesse et l'inquiétude, les affectent tous. Les collégiens.nes adoptent régulièrement des comportements écologiques individuels mais beaucoup plus collectifs. Les résultats préliminaires de l’enquête révèlent que l’action individuelle ne réduit pas l’éco-anxiété. En contrepartie, elle conscientise et motive les étudiants.es à s’engager au sein de mouvements écologiques plus collectifs et activistes.
Bien-être alimentaire
Les collégiens.nes en sécurité alimentaire ont un sentiment d'auto-efficacité plus ferme et une plus forte satisfaction aux études. Un constat de l’équipe qui s’est intéressée au bien-être alimentaire dans le projet de recherche : Bien-être et comportements alimentaires des populations cégépiennes : un angle mort dans la compréhension des enjeux de réussite au cégep ?

François Régimbal, Éric Richard, Gabriel Roy, Élodie Rouillard-Gagnon du Cégep du Vieux Montréal et Aude Fournier du Cégep de Victoriaville se sont penchés sur les cinq dimensions du bien-être alimentaire : matérielle, relationnelle, corporelle, temporelle et décisionnelle.
Les principaux défis qui se dégagent de leur analyse sont marqués par la désorganisation temporelle, la transition à nouvel ordre d’enseignement et la mise en œuvre de rituels alimentaires adaptés au quotidien des populations cégépiennes (Régimbal et al., ).
L’étude souligne l’interdépendance entre les différentes dimensions d’où la complexité de comprendre le phénomène. Cependant, l’insécurité alimentaire demeure la pointe de l’iceberg.Une enquête réalisée dans six cégeps révèle que 43,9 % des étudiants.es vivent de l’insécurité alimentaire (Richard et al., en évaluation).
Pour plus de détails, lire l'article d'Élise Prioleau : Évaluer et soutenir le bien-être alimentaire des populations étudiantes

L’interaction professeur.e étudiant.e est au cœur des apprentissages, l’absentéisme et l’assiduité en classe influencent donc ce processus. Vasile Ovidiu Lungu du Cégep Marie-Victorin s’est penché sur ce qui caractérise absentéisme/assiduité.
Ce qui a plus surpris le professeur-chercheur c’est l’impact de l’absentéisme sur les résultats scolaires des personnes ayant trois absences ou plus ainsi que le fait que cet impact dépend aussi de la distribution des absences au sein d’une session donnée.
En comparant les personnes sans aucune absence avec celles ayant une seule absence, la note moyenne des étudiants.es assidus est supérieure de 15 % à celle des étudiants.es n’ayant manqué qu’un cours au régulier et de 20 % à la formation continue. Les personnes comptant quatre ou cinq absences risquent l’échec quant à elles.
L’étude a mis en évidence les liens entre la gestion du temps et ses effets sur l’absentéisme et la performance académique. Par ailleurs, c’est l’expérience globale de l’étudiant.e au sein de son institution qui a un impact sur son absentéisme ou son assiduité a constaté monsieur Lungu.
Situation de handicap
L’inclusion croissante d’étudiants.es en situation de handicap, les EESH, a suscité d’importantes transformations dans les collèges. Le CRISPESH – CCTT en inclusion des personnes en situation de handicap et ÉCOBES – Recherche et transfert se sont associés pour mener une recherche: Comment les enseignants du collégial comprennent-ils l’inclusion et le handicap, et se représentent-ils leur rôle et responsabilités à l’égard des EESH ? Un portrait de leurs représentations sociales.

Une perception plus positive se dégage des résultats bien qu’il existe encore des écarts entre les situations de handicap visibles et invisibles. Julien Archambault du Cégep du Vieux Montréal; Marilou Charron, Gaëlle Dupuis et Audrey Dupont du CRISPESH ainsi que Suzie Tardif et Marco Gaudreault d’ÉCOBES, ont souligné l’importance de promouvoir les principes d’une pédagogie à visée universelle pour soutenir la réussite des EESH. Les conclusions de l’étude indiquent aussi que pour répondre aux besoins grandissants et à leur complexification, le soutien offert au personnel enseignant gagnerait à être renforcé.
Collégiens.nes adultes

Dans sa recherche Quelles sont les difficultés rencontrées par les populations étudiantes plus âgées au collégial ?, Éric Richard, du Cégep du Vieux Montréal, a étudié les défis de ces étudiants.es adultes qui représentent entre 8 % et 10 % des collégiens.nes. Il a pu observer que 17,5 % ont des responsabilités familiales/scolaires/professionnelles; 23,7 % ont des responsabilités familiales/scolaires; 40,8 % conjuguent responsabilités scolaires/professionnelles et 18 % sont aux études sans autre engagement.
Monsieur Richard a souligné que les étudiants.es adultes ne forment pas un groupe homogène. Ce sont « des » populations étudiantes distinctes. Des étudiants.es adultes qui font face à plusieurs difficultés situationnelles, dispositionnelles et institutionnelles. Les résultats de l’étude révèlent que les difficultés identifiées s’entrecroisent et ne doivent pas être considérées individuellement.
Finances
Lors d’une autre intervention, monsieur Richard a présenté sa recherche Réalités et responsabilités financières des populations étudiantes adultes au collégial. Les conditions financières et résidentielles d’étudiants.es « jeunes » de 23 ans et moins ont été comparées à celles d’étudiants.es « adultes » de 24 ans et plus.
Il en ressort des distinctions importantes entre les deux groupes quant à leur parcours scolaire. Ils vivent des défis particuliers et expriment des besoins différents. Les résultats font ressortir à nouveau les enjeux relatifs à la diversification des populations étudiantes. Des réalités qui interpellent les institutions afin de répondre aux besoins spécifiques associés au bien-être des collégiens.nes adultes.
Habitudes de vie et santé mentale

Isabelle Cabot du Cégep Édouard-Montpetit et Rachel Surprenant du Cégep de Saint-Hyacinthe ont étudié la Relation entre les habitudes de vie des collégiens et leur persévérance et leur réussite scolaire.
Elles ont examiné l’évolution de la motivation en première session. Elles ont aussi exploré l’effet de certaines habitudes de vie à l’entrée au collégial sur la motivation scolaire, un an plus tard. Les résultats préliminaires de leur étude indiquent une diminution significative de l’intérêt à fréquenter le cégep et de l’utilité des apprentissages faits.
En ce sens, madame Cabot a soulevé que la motivation repose sur le sentiment de compétence, l’intérêt et la contrôlabilité. Donner aux étudiants.es la chance de décider est très lié avec l’intérêt.Et si l'intérêt est important pour la persévérance, le sentiment de compétence est important pour la performance. Respecter le rythme d’apprentissage joue sur le sentiment de compétence. Cependant l’intérêt, le plaisir d’être au cégep, semble la seule variable ayant eu un effet significatif sur la réinscription a-t-elle expliqué.
Quant à la mesure des habitudes de vie, c’est la gestion du stress qui a l’effet le plus important sur la persévérance et la réussite. Une certaine structure de vie quotidienne est aussi liée à la motivation.
Avec une équipe de l’Université de Sherbrooke, mesdames Cabot et Surprenant ont examiné les associations entre les habitudes de vie et la santé mentale positive des collégiens.nes. Il en ressort que la prise régulière de trois repas par jour, l’activité physique et le sommeil étaient chacun associés à une augmentation des probabilités de vivre une santé mentale florissante. Par ailleurs, le temps d’écran durant le week-end était associé à une réduction de 7 % des probabilités.
Sens et appartenance
La motivation est au cœur de l’engagement envers le bien-être personnel et collectif. La conférence La quête de signification : Cultiver le besoin qui fait tourner le monde d’Arie W. Kruglanski, professeur émérite de psychologie à la University of Maryland,a démontré comment les besoins de sens et d’appartenance affectent tant les individus que l’action collective. Selon lui, la socialité humaine est indissociable d’un facteur psychologique commun : la quête universelle de sens et de dignité. Il a identifié deux sources de sens dont l’effet est conjoint : les caractéristiques individuelles et l’identité sociale.