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Cultiver le sentiment d’appartenance dès la rentrée
Par Élise Prioleau
Cet automne, l’enseignement et les services offerts aux étudiants se feront majoritairement à distance. Pour contrer l’isolement des étudiants et soutenir leur réussite, les établissements ont fait preuve d’une créativité remarquable. En quelques mois, de nouvelles stratégies ont été élaborées pour recréer le sentiment d’appartenance dans la communauté étudiante.
Marie Blain, directrice des études, Cégep Marie-Victorin
Au Collège Marie-Victorin, un établissement reconnu pour la beauté de ses locaux, seules 30% des activités se tiendront en présence à la rentrée. « Cette année, nous misons plus que jamais sur les liens humains pour motiver nos étudiants en début d’année », affirme Marie Blain, directrice des études. « Les nouveaux étudiants seront invités à venir rencontrer leurs enseignants en plein air sous un chapiteau pour créer un sentiment d’appartenance autour du collège. » Les étudiants de deuxième année, quant à eux, recevront un appel téléphonique des professeurs qui les connaissent. Dans tous les cas, les étudiants seront convoqués à différentes activités pédagogiques sur le campus afin de les encourager à poursuivre leurs études, selon la directrice.
Dans la majorité des établissements, le calendrier a été modifié pour dégager une ou deux semaines préparatoires dédiées à l’accueil des étudiants.
Christian Tremblay, directeur des études, Cégep de Chicoutimi
C’est le cas du Cégep de Chicoutimi, où le calendrier scolaire a été compressé en quatorze semaines plutôt que quinze. « Au cours de la première semaine, les nouveaux étudiants seront convoqués en petits groupes pour venir visiter les locaux du cégep et les laboratoires. À la fin de la journée d’accueil, il y aura un dîner et des foodtrucks. L’objectif est de donner le goût aux étudiants d’entamer leur cheminement scolaire et que ce soit concret pour eux », explique Christian Tremblay, directeur des études.
Des mentors pour les nouveaux étudiants
Au Collège de Rosemont, les Services à la vie étudiante ont choisi de communiquer directement vers les étudiants les plus vulnérables dès la rentrée. La Boussole, un service de soutien offert aux étudiants les plus à risque d’abandon, fait partie de cette stratégie. « Une équipe d’employés de soutien va rentrer en communication par téléphone avec des étudiants ciblés, notamment les étudiants de 1ere année », décrit Marie-Ève St-Denis, directrice des services aux étudiants.
Marie-Ève St-Denis, directrice des services aux étudiants, Collège de Rosemont
« Ces appels vont servir à nous assurer que les étudiants comprennent bien le fonctionnement du cégep, de leur horaire, des cours, des études et des services offerts en ligne. Lors de ces appels, nous allons aussi proposer aux étudiants un suivi téléphonique régulier. » Les étudiants qui en feront la demande seront suivis tout au long de l’année par des employés des Services aux étudiants. Ceux-ci deviendront en quelque sorte les mentors de ces nouveaux étudiants. « Ils pourront appeler cette personne-là en cas de besoin et pour leur poser des questions », ajoute Marie-Ève St-Denis.
Cet automne, les étudiants du Collège de Rosemont auront accès à une brochure qui regroupe toute l’information sur l’enseignement à distance. « Dans la trousse Étudier à distance, les étudiants trouveront des renseignements pratiques tels que le fonctionnement des programmes de vidéoconférence utilisés par le cégep, les outils informatiques à leur disposition et les ressources d’aide disponibles », précise Marie-Ève St-Denis.
Faciliter l’accès à l’information et au soutien scolaire
Au Collège Marie-Victorin, les conseillers pédagogiques TIC et le service des programmes ont eu l’idée de créer un microsite pour fournir plus de ressources en ligne aux étudiants et aux enseignants. « L’Espace numérique sera lancé dès le début septembre », affirme Nathalie Baumgartner, coordonnatrice du Service des communications. « L’objectif de cet outil est de faciliter la transition vers l’enseignement numérique. Nous avons notamment regroupé tous nos tutoriels. Ils sont archivés par sujet et facilement accessibles. » En quelques clics, l’Espace numérique permettra aux étudiants et enseignants du collège Marie-Victorin de trouver toute l’aide dont ils ont besoin sur les plans pédagogique, technologique et concernant l’enseignement à distance.
À Marie-Victorin, on a aussi choisi de miser sur la solidarité des pairs pour s’entraider sur le plan technologique. La Brigade numérique jouera ce rôle cet automne, comme l’explique Marie Blain. « On a libéré trois enseignantes qui ont une aisance dans l’utilisation des outils technologiques. Ces enseignantes vont aider à résoudre les difficultés vécues par leurs collègues sur le plan numérique. Par la suite, elles vont superviser une brigade d’étudiants qui seront appelés à répondre aux questions de leurs pairs sur la technologie utilisée en cours. »
Une formule hybride à géométrie variable
En juin dernier, le Ministère a donné comme directive d’accueillir au minimum 30 % des étudiants sur les campus. Bien que l’ensemble des cégeps ait adopté une formule hybride pour la rentrée, la réalité diffère d’une région à l’autre. À Montréal, des cégeps tels que le collège de Rosemont et le Collège Marie-Victorin ont opté pour un taux de présence des étudiants d’environ 30 %. En région, le Cégep de Chicoutimi aura un taux de présence moyen de 50 %. Ces taux de présence diffèrent également d’un programme à l’autre. Les étudiants des programmes techniques auront généralement un accès plus élevé au campus étant donné qu’une portion de leur formation a lieu en laboratoire.
Noémie Veilleux présidente de la FECQ
À la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), on redoute les inégalités quant à la qualité de l’enseignement cet automne. « C’est une rentrée à géométrie très variable », admet Noémie Veilleux présidente de la FECQ. La réalité dans les grands centres urbains est différente de ce qu’on peut voir en région. » À Montréal, le taux de présence des étudiants sera globalement moins élevé en raison des risques plus grands associés à la pandémie, prévoit Mme Veilleux. « En région, le ratio de présentielle a tendance à être plus élevé étant donné la capacité d’accueil souvent plus élevée des cégeps », ajoute-t-elle.
La FECQ s’inquiète aussi des inégalités quant à la formation du corps enseignant dans la province. « À la demande du Ministère de l’Éducation, le corps enseignant a eu accès à une formation sur l’enseignement à distance donnée par la TELUQ. Or, le reste de la formation qui pourrait leur être offerte dépend des cégeps. D’un établissement à l’autre, la capacité de libérer le corps enseignant pour une formation et de mettre en place des formations peut varier. Les plus petits cégeps pourraient être pénalisés. » Selon la présidente, l’inquiétude actuelle de la FECQ est de voir se mettre en place des diplômes de qualité variable dans le réseau. En outre, la FECQ demande une formation sur les outils technos-pédagogiques obligatoires pour tous les étudiants et étudiantes du Québec.
Malgré les nombreux défis posés par la distanciation sociale, la pensée positive demeure plus que jamais nécessaire, conclut Marie Blain. « Au printemps dernier, on prédisait une augmentation du décrochage scolaire. Dans les faits, nous avons eu le même taux de réussite et de persévérance scolaire que lors des années précédentes. Nous avons toutes les raisons de demeurer optimistes. Nous avons la responsabilité de transmettre cet optimisme-là aux étudiants. »