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Les écosystèmes régionaux

La Mauricie, une région + trois collèges

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

Le Collégial propose des articles mettant en lumière des interactions des cégeps/collèges dans leur écosystème régional. Ces institutions d’enseignement supérieur se révèlent être des acteurs clés de la vie socioéconomique locale et régionale.

Entre Québec et Montréal, sur la rive nord du fleuve, la région de la Mauricie compte plus de 280 000 habitants. Trois collèges accueillent quelque 6 000 étudiants et près de 1 500 personnes y travaillent. À ces communautés éducatives se greffent quatre centres collégiaux de transfert technologique (CCTT). Autant d’établissements et de personnes dont la présence a des répercussions sur le tissu social et l’économie de la région.

En enseignement supérieur, Trois-Rivières profite des ressources du Cégep de Trois-Rivières, du Collège privé Laflèche et de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). La Ville de Shawinigan bénéficie de la présence du Cégep de Shawinigan. Il offre des formations en Haute-Mauricie via son Centre d’enseignement collégial (CEC) La Tuque.

À la Ville de Shawinigan, le directeur des communications et des relations avec les citoyens, Frédéric Beaulieu, insiste sur le rôle majeur que joue le Cégep, notamment dans la rétention de la jeunesse shawiniganaise. Il ajoute que « depuis plusieurs années, le Cégep est intimement lié au développement économique de la Ville. Les citoyens ont accès à ses installations sportives et à son auditorium. En 2022, le cégep a accueilli près de 100 étudiants étrangers. Un apport non négligeable pour une ville de 50 000 habitants comme la nôtre. Une majorité d’entre eux décident de s’installer ici et de fonder une famille. Leur présence amène nos citoyens à découvrir de nouvelles cultures et à s’ouvrir au monde. »

Geneviève Scott Fontaine, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industries de Trois-Rivières, abonde dans le même sens. « Les étudiants et les employés des cégeps font bouger l’économie, c’est certain. Pour les entreprises, avoir des collèges qui offrent des formations techniques permet de garder les employés en Mauricie. Sinon, il faut faire revenir ces diplômés. »

Des ententes

La démarche du Cégep de Trois-Rivières parle d’elle-même de l’impact des collèges dans leur milieu. Le directeur général, Louis Gendron, explique : « Nous avons consulté nos partenaires municipaux, les organismes trifluviens et la Table de planification de la Mauricie pour savoir ce qu’ils attendaient du Cégep. Ils veulent que le Cégep de Trois-Rivières soit un “grand citoyen” ! Alors nous agissons en tant que tels. »

Par exemple, le Cégep de Trois-Rivières a développé une entente de transport collectif, l’Écopasse. Les étudiants ont accès gratuitement au transport collectif de toute la région. Un partenariat qui a servi de levier pour bonifier les services offerts au grand public sur tout le territoire. « Est-ce que toute cette amélioration est due au Cégep de Trois-Rivières ? Sûrement pas. Mais est-ce que nous avons joué un rôle important comme “grand citoyen” ? Certainement », affirme M. Gendron.

« L’enjeu de la piscine a aussi donné l’occasion au Cégep de Trois-Rivières d’œuvrer comme “grand citoyen”. C’était un dossier chaud pour la Ville de Trois-Rivières qui n’a pas de piscine. Elle utilise celles de l’UQTR, du cégep et du Centre de services scolaire (CSS) du Chemin-du-Roy. La piscine du cégep avait plus de quarante ans et nous utilisions 25 % des plages horaires. Alors, fallait-il la fermer ou la rénover ? Après avoir étudié différents scénarios avec la Ville, nous venons d’annoncer des investissements de plus de dix millions de dollars pour la construction d’une nouvelle piscine. Ce n’est pas seulement la piscine du Cégep, c’est un équipement qui répond aux besoins des citoyens. Une autre manière de tisser des liens avec le milieu. »

« Ils veulent que le Cégep de Trois-Rivières soit un “grand citoyen”! Alors nous agissons en tant que tels. » Louis Gendron

La création d’un Centre des sciences en Mauricie rallie unanimement toutes les municipalités. « Ce projet de 15 millions de dollars servira la collectivité et aussi le Cégep de Trois-Rivières. Les sciences sont importantes pour l’économie de demain. Pour l’instant, en Mauricie, le revenu per capita et le niveau de scolarité sont plus bas que dans plusieurs régions. Alors si le Centre des sciences permet d’intéresser les jeunes aux sciences, cela peut avoir un impact sur leurs choix vocationnels. Ce projet représente un atout pour dynamiser la région », précise M. Gendron.

La techno

En innovation technologique, le Cégep de Trois-Rivières et son CCTT Innofibre, l’UQTR et Industrie et Développement économique (IDE) Trois-Rivières travaillent en synergie pour positionner la région comme leader au Québec.

En matière de recherche, le Cégep de Trois-Rivières maintient sa 1re position au palmarès 2023 Canada’s Top 50 Research colleges pour une troisième année consécutive. Cette position de tête est attribuable aux trois centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) affiliés au Cégep : le Centre de métallurgie du Québec (CMQ), Innofibre (pour les produits cellulosiques) et le C2T3 (en télécommunications).

Toujours dans cette visée technologique, le Campus TI est partenaire du Pôle régional d’enseignement supérieur de la Mauricie inauguré en 2019. En 2018, les cégeps de Trois-Rivières et de Shawinigan, l’UQTR, les CSS du Chemin-du-Roy et de l’Énergie et les entreprises ont mené une étude sur les besoins de main-d’œuvre en technologies de l’information en Mauricie. « À partir des conclusions de cette étude, Campus TI a élaboré un plan d’action. Ensuite, les mesures déjà déployées par Campus TI se sont arrimées aux objectifs du Pôle pour la Mauricie », dit Pierre-Yves Rousselle, chargé de projet pour le Campus TI.

« En 2022, le cégep a accueilli près de 100 étudiants étrangers. Une majorité d’entre eux décident de s’installer ici et de fonder une famille. » Frédéric Beaulieu

L’avènement de la Vallée de la transition énergétique (VTÉ) — l’innovation par la formation (Bécancour, Trois-Rivières, Shawinigan) est déjà amorcé. Ce positionnement d’innovation par la formation interpelle directement les cégeps du Centre-du-Québec et de la Mauricie, les cinq CSS et l’UQTR.

« De ville industrielle qu’elle était, Shawinigan est devenue un incubateur à entreprises », souligne Nathalie Houle, du Cégep. « Le passé industriel de la ville se trouve maintenant en transformation », précise-t-elle. Ce que confirme le rapport d’évaluation 2011-2017 sur les CCTT. Le ministère de l’Économie et de l’Innovation y mentionne que le Cégep de Shawinigan s’est révélé un employeur clé dans sa région pendant la crise dans l’industrie forestière.

« Pour contribuer au développement de la vitalité culturelle, le Cégep s’est associé avec le Service d’accueil aux nouveaux arrivants (SANA), à Shawi en Forme, et au Continuum des arts », note Mme Houle. « Et les représentants du Cégep siègent à de nombreux comités. En collaboration avec Culture Shawinigan, le Cégep publie la revue culturelle ShaOui destinée au grand public.

Jusqu’en Haute-Mauricie

Le Cégep de Shawinigan a ouvert en 2003 un Centre d’études collégiales (CEC) à La Tuque, en Haute-Mauricie.

La responsable du Centre, Sonia Lavoie souligne que « l’accès aux études postsecondaires grâce au CEC La Tuque peut signifier beaucoup. C’est un continuum facilitant, tant par le maintien du soutien par le milieu que pour l’économie engendrée. S’exiler pour une formation à l’extérieur peut représenter un grand défi pour certains. Ces étudiants demeurent sur le marché du travail latuquois et contribuent plus longtemps à la vie économique et sociale de La Tuque. »

À la Chambre de commerce et d’industrie de Shawinigan, Daisy Bila, responsable des communications et service aux membres, mentionne que « les cégeps de Shawinigan et de Trois-Rivières sont des membres et aussi des partenaires. Les offres de stages sont centralisées à la Chambre. De plus, la formation continue est une précieuse alliée du milieu des affaires. »

Seul établissement collégial privé en Mauricie, le Collège Laflèche invite la collectivité à son restaurant pédagogique L’escarbille. Le défilé annuel d’Espace Mode Laflèche, est un happening mode organisé par les étudiants en collaboration avec les commerçants. En 2023, l’événement présenté à l’Amphithéâtre Cogeco proposait au public un défilé, un marché sur place et aussi un marché virtuel des collections printemps-été de marchands locaux. Le grand public est aussi régulièrement invité aux Grandes Rencontres du Collège Laflèche avec des personnalités reconnues.

Somme toute, les collèges de la Mauricie peuvent tirer avantage de leur proximité avec la Métropole et la Capitale pour attirer des étudiants. Mais leur solide offre de programmes et les ressources qu’ils déploient visent, avant tout, à ancrer leurs jeunes en Mauricie. De futurs diplômés qui habitent déjà la région et choisiront d’y travailler et de s’y établir. C’est ce qui motive les initiatives collectives des principaux acteurs pour vitaliser la Mauricie.