Articles

Les écosystèmes régionaux

L’Outaouais, une région + trois collèges

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

Le Collégial propose des d’articles mettant en lumière des interactions des cégeps/collèges dans leur écosystème régional. Ces institutions d’enseignement supérieur se révèlent être des acteurs clés de la vie socioéconomique locale et régionale.

La région compte quatre établissements d’enseignement supérieur, soit l’Université du Québec en Outaouais (UQO), le Cégep de l’Outaouais, Cégep Heritage College et le Collège Universel — Campus de Gatineau.

L’Outaouais est une vaste région. Pourtant, 72 % de ses 408 979 habitants vivent à Gatineau. Les trois collèges de l’Outaouais y accueillent près de 7 500 étudiants et comptent plus de 1 300 employés.

Mais combien d’autres traversent la rivière pour étudier ou travailler à Ottawa ? Entre Gatineau et Ottawa, l’accès aux études supérieures est en déséquilibre au détriment de l’Outaouais selon l’Observatoire du développement de l’Outaouais (ODO). Muni d’un Diplôme d’études secondaires (DES), un étudiant peut accéder directement à l’université en Ontario. Cette disparité engendre une migration unidirectionnelle en faveur d’Ottawa. De plus, la carte restreinte de programmes offerts en Outaouais encourage cet exode. En 2017, l’Alliance pour la cause de l’enseignement supérieur en Outaouais (ACESO) en estimait les pertes annuelles à 65 M$.

En 2022, la pauvreté de l’offre de programmes serait la principale cause de l’exode d’environ 7 500 étudiants vers les établissements d’enseignement supérieur ontariens selon l’ODO.  

Ce désavantage, dénoncé de longue date par un mouvement de mobilisation régional, affecte le niveau de scolarité des populations de l’Outaouais. Mais le rattrapage important exigé par l’Alliance pour la cause de l’enseignement supérieur en Outaouais (ACESO) a été entendu. En 2019, l’Assemblée nationale du Québec adoptait une motion reconnaissant le statut particulier de l’Outaouais.

Entre Gatineau et Ottawa, l’accès aux études supérieures est en déséquilibre au détriment de l’Outaouais.

Le PESO, le Pôle en enseignement supérieur de l’Outaouais, se veut aussi rassembleur des forces vives de la région. La coordonnatrice, Nadine Chauret, explique que le PESO se penche actuellement sur les transitions entre les ordres de formation et le marché du travail. « L’exemple du dossier autochtone démontre bien la collaboration entre les institutions. L’objectif est de démultiplier les efforts de concertation. Le partenariat avec la Ville de Gatineau a permis l’embauche d’une agente de liaison pour la région. Les ressources présentes dans chaque établissement peuvent s’y référer. Cette personne veillera à la fluidité des communications avec la communauté de la Première Nation algonquine Anishinabeg de Kitigan Zibi, près de Maniwaki. En centralisant la concertation, les établissements facilitent la réussite des autochtones et leurs démarches d’autochtonisation dans un esprit de réconciliation. »

Le Cégep de l’Outaouais

Avec ses trois campus, le Cégep de l’Outaouais est un acteur de premier plan en Outaouais. Son directeur général, Steve Brabant, en témoigne. « Le Cégep est un agent de développement et d’engagement communautaires. Prenons le volet entrepreneurial. Le Cégep a créé LABoite en collaboration avec le PESO. Cette entreprise-école offre des services aux étudiants qui veulent démarrer leur entreprise. Elle aide aussi les entreprises dans leurs démarches. »

Le Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) CyberQuébec fait partie d’un écosystème de partenaires institutionnels et industriels qui positionnent l’Outaouais comme chef de file en cybersécurité. Grâce à ce CCTT, le Cégep de l’Outaouais réalise des projets de recherche appliquée et développe des innovations technologiques. CyberQuébec soutient la cyberlittératie et le rehaussement de la capacité des entreprises à se protéger contre des menaces informatiques. « Plusieurs projets de recherche se déploient en Outaouais. En collaboration avec la Ville, une initiative de biodigestion de plastiques pour épurer les eaux usées est en cours. Nous développons des biosenseurs pour capter les polluants dans l’atmosphère. La préservation de la faune, notamment du parc de la Gatineau, fait aussi l’objet de recherche. »

CyberQuébec fait partie d’un écosystème de partenaires institutionnels et industriels qui positionnent l’Outaouais comme chef de file en cybersécurité.

M. Brabant insiste sur le rôle important des collèges pour combler le déficit de main-d’œuvre. « Des besoins qui sont grands, notamment en santé. Le Cégep de l’Outaouais a travaillé très fort pour obtenir le Programme de radiodiagnostic. En janvier 2023, six mois seulement après l’autorisation, une première cohorte a débuté. Pourtant les 20 M$ d’infrastructures et d’équipements nécessaires à la formation ne seront en place qu’en 2025 ! Nos étudiants ont pu commencer leur formation directement sur les équipements du réseau de la santé. Le CISSS de l’Outaouais et l’Hôpital de Hull sont venus en renfort pour accélérer le plus possible la diplomation. Ultimement cela aura une incidence sur la capacité et l’offre de service de nos centres hospitaliers », explique M. Brabant.

Le manque de résidences étudiantes s’avère aussi problématique. « Nous sommes un cégep desservant une région qui s’étend sur 30 000 kilomètres carrés. Environ 10 % de nos étudiants habitent à 60 kilomètres et plus. Soixante kilomètres est un seuil identifié dans la littérature comme étant un facteur de risque pour la réussite. Sans accès à une résidence, des étudiants s’inscrivent ailleurs ou ne poursuivent pas leurs études. Nous travaillons au développement de solutions pour le logement étudiant et certaines se concrétiseront bientôt. »

« L’Outaouais attend une des plus fortes hausses démographiques du Québec au cours de la prochaine décennie. » Steve Brabant

« D’ailleurs, l’Outaouais attend une des plus fortes hausses démographiques du Québec au cours de la prochaine décennie. Cette hausse causera une pression importante sur nos infrastructures, notre capacité d’accueil et nos ressources. Avec le Ministère et nos partenaires, nous planifions stratégiquement notre développement pour bien gérer la croissance anticipée », de dire M. Brabant.

Le nombre de plateaux sportifs en Outaouais est le plus bas au Québec, ajoute M. Brabant. « Le Cégep de l’Outaouais et la Ville de Gatineau sont en attente de financement pour quatre nouveaux gymnases. » Dans cette foulée, la Ville, le Cégep de l’Outaouais et la Maison de la culture de Gatineau viennent de conclure une entente. « Il s’agit d’un partenariat bénéfique pour tous et favorisant la collaboration mutuelle. Les échanges de services au cœur de celle-ci permettront de mieux répondre aux besoins et à la demande de la communauté collégiale, en plus de faciliter l’accès à la culture, aux arts et aux sports à Gatineau », a déclaré la mairesse de Gatineau, France Bélisle, lors de l’annonce qui a eu lieu en décembre 2022.

En français et en anglais

Enfin, M. Brabant mentionne que les cégeps de l’Outaouais collaborent au déploiement de la Stratégie territoriale sur la main-d’œuvre menée par la Chambre de commerce de Gatineau. Plusieurs chantiers les interpellent directement.

Le Cégep Heritage College est « le » cégep anglophone de l’Ouest du Québec. Terry Kharyati, directeur général du Cégep Heritage, insiste sur sa dimension multiculturelle. « Nous accueillons des étudiants du Québec et aussi de partout dans le monde. C’est stimulant d’évoluer comme institution dans un tel contexte. » Rappelons qu’au fil du temps, le développement du Collège a été soutenu par le solide engagement de la communauté anglophone et de l’Alliance de l’Outaouais (Régional Association of West Quebecers) envers l’institution.

Le Collège Universel — Campus Gatineau est le seul établissement collégial privé en Outaouais.  Tous les programmes sont offerts en français et en anglais. Sa présidente directrice générale, Saloua Zraida, souligne que 40 % des 500 étudiants sont issus de l’international. « La diversité de la population étudiante et notre approche inclusive attire de plus en plus en d’étudiants internationaux. Nous accueillons majoritairement des jeunes du Québec. Beaucoup viennent aussi des autres provinces canadiennes. Les étudiants étrangers arrivent d’Afrique, d’Europe et d’Asie. »

L’Outaouais en mode rattrapage

En 2022, l’ODO publiait un suivi des progrès pour combler le retard historique de la région en santé, éducation et culture : L’Outaouais en mode rattrapage. On y rappelle le déficit considérable de programmes des collèges par rapport aux régions comparables. L’ODO avance que pour combler cet écart, l’Outaouais devrait développer 67 programmes collégiaux additionnels.

Pour combler cet écart, l’Outaouais devrait développer 67 programmes collégiaux additionnels.

L’Outaouais est-elle une région négligée ? « Plusieurs indicateurs semblent exprimer cela », affirme Steve Brabant, le directeur général du Cégep de l’Outaouais. « Mais nous faisons aussi notre chance. La clé du succès c’est la concertation et la détermination de tous les partenaires. Nous voulons donner toutes les occasions possibles aux jeunes de s’épanouir en Outaouais. Ainsi, ils pourront devenir des leaders dans notre région et la faire vivre à son plein potentiel. »