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Au Centre d’aide en français de Granby
Une ortho à la rescousse
Depuis trois ans, le Centre d’aide en français (C.A.F.) du Cégep de Granby compte sur la collaboration active d’une orthopédagogue. Julie Houle, enseignante et coordonnatrice du département d’Arts et lettres, a été chercher Nadine Patrice pour revisiter les « parcours » en tutorat. Une collaboration originale et fructueuse.
Daniel Samson-Legault, Portail du réseau collégial
Dans les recommandations du rapport La maitrise du français au collégial : le temps d’agir, déposé en janvier 2022 au Ministère mais rendu public un an plus tard, la perspective pour les enseignants-es de « français » d’enseigner « explicitement » le fonctionnement de la langue en a fait bondir plus d’un-e. Par contre, « l’examen des données relatives à la maitrise du français chez les étudiants » a trouvé un autre chemin : les centres d’aide en français s’en occupent. Celui du Cégep de Granby fonctionne à plein régime en innovant.
« Au département, on a toujours eu l’impression qu’il y avait des étudiants qu’on ne pouvait pas aider. » L’enseignante Julie Houle se remémore la genèse de cette collaboration. « On a souvent fait des demandes auprès de l’administration pour avoir une orthopédagogue. »
Nadine Patrice, embauchée à l’hiver 2019, conseillère en services adaptés, relève du Carrefour de la réussite et de la direction des affaires étudiantes. « Quand j’ai été embauché, on m’a donné comme mandat de fournir un rôle-conseil, et de toucher à la réussite du plus grand nombre possible d’étudiants. »
Julie salue l’apport de cette ressource. « Grâce à Nadine (et à son regard d’orthopédagogue), nous avons privilégié des microtâches et nous avons gradué le niveau de difficulté des différents exercices. Également, nous avons tâché de penser à toutes les étapes préalables. Par exemple, plutôt que d’aller directement avec l’accord du participe passé (PP), nous avons élaboré un exercice d’identification du participe passé, car pour savoir bien l’accorder, il faut d’abord savoir le reconnaître et l’identifier. Aussi, dans la démarche de l’accord du PP, il faut aussi accorder correctement l’auxiliaire. Un exercice a donc été créé pour mettre en pratique cet élément. Ainsi, avant d’accorder le PP, nous amenons les personnes aidées à accorder les auxiliaires. »
Microgradation des exercices, stratégies mnémotechniques, variation des approches et des modèles, analyse des types d’erreurs, dépistage, étayage mesuré : l’orthopédagogie amène une expertise précieuse dans l’aide personnalisée.
« Au département, on a toujours eu l’impression qu’il y avait des étudiants qu’on ne pouvait pas aider. » Julie Houle
L’équipe est passionnée et complémentaire. Julie précise : « Ce qu’il faut savoir, c’est que notre duo, c’est effectivement une enseignante et une orthopédagogue, mais c’est aussi et surtout Julie et Nadine. Avec le temps, nous avons développé une belle complicité et nous mettons à profit les forces de chacune. ».
Recrutement et entraide
Le Centre d’aide en français (CAF) de Granby existe depuis longtemps mais a beaucoup évolué. Les enseignants du département se partagent une libération de .75 (3/4 de tâche) pour leur implication au CAF, qui est ouvert 18 heures par semaine, pour les rencontres individuelles et pour la supervision du tutorat. Quant à l’orthopédagogue, du Carrefour de la réussite, elle peut y consacrer deux jours par semaine.
L’orthopédagogie amène une expertise précieuse dans l’aide personnalisée.
Mais comment faire pour que des jeunes acceptent de travailler sur une matière qui leur semble rébarbative ?
Pour le service de tutorat du Centre, les aidants-es étudient au Cégep, sont reconnus-es pour leur habileté en français écrit et sont rémunérés 18$ l’heure. Ce recrutement va très bien.
Les aidés-es du Cégep sont le plus souvent en 1re ou 2e session ; un-e de leurs professeurs-es les a référés au CAF parfois ou bien c’est de leur propre initiative. Parfois aussi l’approche de l’Épreuve uniforme de français suscite des besoins. Mais c’est toujours sur une base volontaire. Le Cégep a remarqué que des étudiants avaient des difficultés en français qu’ils traînaient sur plusieurs sessions. « Alors maintenant », dit Julie Houle, « dès le départ, on travaille là-dessus. « On n’a pas voulu se fier uniquement sur les moyennes du secondaire. Plutôt qu’offrir une mise à niveau, on leur dit ‘’Venez essayer les cours du Cégep’’. Dès le premier cours en français, il y a un double seuil de réussite. Il faut non seulement réussir le cours à 60% mais aussi réussir au critère langue. S’ils le réussissent, les deux cours sont réussis. S’ils échouent sur le critère langue, ils ont un Incomplet temporaire et vont faire le cours de Renforcement en français. Pour venir au Centre, c’est un bon incitatif… »
« Il y a plus de demande que ça, mais on manque un peu d’espace » Julie Houle
Nadine Patrice observe d’autres empêchements : « Je vois aussi parfois que c’est une charge trop grande, ils ont 8 ou 9 cours à leur horaire ». Sans compter les heures de travail en plus des études, certains problèmes de santé ou handicaps... Des références proviennent d’ailleurs des services psychosociaux, qui collaborent régulièrement avec le CAF. Elle complète : « On a des étudiants parents, des étudiants de communautés culturelles qui s’occupent de leur famille, ici ou à l’étranger… »
D’autres sortes d’aide sont possibles, explique encore Julie Houle, notamment des rencontres individuelles avec un-e enseignant-e pour 30 ou 60 minutes. « Environ 90 étudiants ont été référés dans les dernières sessions pour le tutorat », a constaté Julie. « Il y a plus de demande que ça, mais on manque un peu d’espace. L’hiver dernier, en rencontres individuelles, 236 rencontres de 30 minutes ont été effectuées. »
Un outil technologique est particulièrement utilisé au CAF de Granby. WordQ est un prédicteur de mots, qui notamment présente des alternatives d’accords. L’étudiant-e doit réfléchir avant de choisir quel accord devrait s’appliquer, « ce que ceux qui ont de la difficulté ne font pas d’emblée », explique Nadine Patrice. |
Pour une aide personnalisée
À côté de l’enseignement, quelle est la place des CAF ? « Le centre d’aide en français est là pour pallier des difficultés que les étudiants traînent », répond Julie. Le cours de renforcement du français aussi. On les fait se doter d’outils, dont un outil personnalisé pour se corriger, qu’ils peuvent utiliser dans les autres cours de français. Il faut qu’ils apprennent à connaitre leurs difficultés, le type d’erreurs qu’ils font… On leur donne aussi des stratégies. Par exemple, s’ils sont épuisés après une rédaction, trop épuisés pour une révision, on peut leur conseiller de ne pas attendre à la fin et de réviser paragraphe par paragraphe… »
Les deux femmes présentaient leur expérience au dernier colloque de l’Association québécoise de pédagogie collégiale. Quand je leur demande quel message elles voudraient passer en publicisant leur initiative, Nadine rappelle l’importance pour tout le monde de travailler en collaboration et non en silo.