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Vers la création d’une Cité des métiers au Québec
Une entrevue avec M. Roch Tremblay, président, Partenariat de la Cité des métiers du Québec
Le projet La Cité des métiers a été lancé en 2009. Michel Sylvestre, ex-directeur général du Regroupement des collèges du Montréal métropolitain (RCMM), avait produit une étude qui présentait les efforts des autres pays pour attirer les jeunes vers les métiers et les techniques. Le modèle français de mise en place d’une Cité des métiers avait tout particulièrement attiré l’attention. Le concept de Cité des métiers est un modèle qui a fait ses preuves dans d’autres pays. Il en existe plus d’une quarantaine dans le monde. Les pays qui ont créé ce type de cités présentent des statistiques fort enviables par rapport au Québec. Leurs performances sont de beaucoup supérieures à celles du Québec en termes de diplômés en formation professionnelle et technique. En témoignent les taux de fréquentation des filières de la formation professionnelle : • Finlande (88 %) • Suisse (71 %) • République slovaque (66 %) • République tchèque (65 %) • Italie (64 %) – pays de l’OCDE (44 %) – Québec (31 %).
Nous nous sommes entretenus avec Roch Tremblay des tenants et aboutissants du projet de Cité des métiers au Québec.
« Le Québec connaît et connaîtra une pénurie de main-d’œuvre dans les métiers spécialisés de techniciens et d’ouvriers qualifiés »
Nous avons d’abord demandé à Roch Tremblay à quel problème veut répondre le projet : « Le Québec connaît et connaîtra une pénurie de main-d’œuvre d’ici 2021; 1,4 million d’emplois devront être comblés et plus du tiers de ceux-ci sont dans les métiers spécialisés de techniciens et d’ouvriers qualifiés. On parle ici de 500 000 emplois, soit 100 000 par année. Les commissions scolaires et les cégeps forment 80 000 diplômés par année. Il en manque donc 20 000 chaque année. D’où l’importance de travailler à résoudre ce problème qui peut causer un préjudice sérieux au développement économique du Québec. Ça fait longtemps que les établissements et le gouvernement font de la promotion de ces filières de formation. Ces moyens n’ont pas donné les résultats attendus. Il faut trouver d’autres façons d’attirer les jeunes vers les métiers. Il faut utiliser de nouveaux moyens dont les technologies immersives et l’expérimentation », explique Roch Tremblay.
Ce ne sont pas des programmes qu’on expose, mais bien des gens qui pratiquent ces métiers
À Drummondville, on s’est inspiré du concept en créant le Carrefour des professions. Quoique éphémère, l’évènement simule une cité avec des rues, celle des mécaniciens, celle des techniciens en électronique, celle des métiers de la santé. Ce ne sont pas des programmes qu’on expose, mais bien des gens qui pratiquent ces métiers qui sont sur place et qui donnent de l’information. La visite est préparée d’avance avec la collaboration des écoles. Les initiateurs du projet La Cité des métiers voudraient donner une permanence à ce genre d’initiatives permettant la découverte des métiers par l’expérimentation ainsi que les formations qui mènent à leur pratique.
Vers des expériences immersives par le biais des outils multimédias.
Pour l’instant, compte tenu de la disponibilité des nouvelles technologies numériques et de multimédias et de l’expertise du Québec dans ces domaines, le projet s’oriente vers des expériences immersives par le biais des outils multimédias. Roch Tremblay donne l’exemple de l’exposition montée à la Grande Bibliothèque par Robert Lepage sur une visite immersive de grandes bibliothèques du monde. « On veut appliquer le même concept en faisant voyager les jeunes à travers les métiers. Que ce soit dans sa version permanente ou par le biais d’outils multimédias, le projet reçoit l’appui du milieu du travail, de l’éducation et de l’industriel, notamment certains CSMO (comité sectoriel de main-d’œuvre), la fédération des cégeps et les manufacturiers exportateurs du Québec. D’ailleurs, le projet d’un site permanent avait reçu l’appui des entreprises à la hauteur de 18 millions de dollars. »
Un intérêt pour toutes les régions
Le projet n’a pas encore de réalisations concrètes. Mais l’intérêt pour sa mise en place concerne tout le Québec. Les régions sont elles aussi intéressées. Lors d’une rencontre avec CanamManac, les responsables de l’entreprise ont rappelé que des soudeurs en Beauce, il n’y en a plus. Ils ont tous été engagés. Les gens de CanamManac ont dit : « Quand les immigrants arrivent à Montréal, nous aimerions ça avoir un pied à terre pour les accueillir et leur dire que nous avons des jobs à offrir en Beauce et accueillir toute leur famille. »
Les immigrants figurent parmi les clientèles visées par le projet. Pour ceux qui veulent changer d’orientation de travail, ils ont besoin de voir quelles sont les possibilités.
« Il faut vendre ces métiers et non pas le lieu où on va le pratiquer ou l’enseigner »
Roch Tremblay souhaite que la nouvelle orientation prise par le projet de s’orienter vers une cité plus virtuelle qui puisse se déplacer à travers le Québec reçoive l’appui des autorités gouvernementales. « Il faut mandater un organisme qui va faire la recherche nécessaire pour trouver les meilleurs moyens de s’adresser aux jeunes. Quand nous regardons l’argumentaire concernant les régions, nous répondons que les programmes eux n’ont pas de frontières. Le génie électrique est enseigné autant à Chicoutimi qu’à Montréal. Attirer du monde dans ces métiers, c’est le même problème à Chicoutimi qu’à Montréal. Il faut vendre ces métiers et non pas le lieu où on va le pratiquer ou l’enseigner. »
Entrevue et texte réalisés par Alain Lallier, éditeur en chef et édimestre, Portail du réseau collégial