Nouvelles
Défaut de proportion
Éditorial du Devoir
Louise-Maude Rioux Soucy
Commençons par éliminer tous doutes ou malentendus. Le Devoir appuie vigoureusement les obligations imposées aux cégeps et aux collèges anglophones avec la réforme de la Charte de la langue française adoptée en 2022 par le gouvernement Legault. Chacune d’elles, sans réserve et avec la conviction que celles-ci peuvent contribuer à fortifier le français au Québec.
Des critères d’admissibilité à l’enseignement collégial en anglais plus stricts ? Oui ! Réussir une épreuve uniforme de français pour obtenir son diplôme ? Il était temps ! Suivre (et réussir) au moins trois cours en français ? La moindre des choses. Plafonner le nombre d’étudiants pouvant être admis dans un parcours anglophone ? Ça tombe sous le sens. Il y a du bon et même du meilleur dans la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (aussi dite loi 14).
Établissement d’enseignement supérieur bilingue offrant des programmes en français et en anglais sur ses campus de Montréal, de Laval et en ligne, le Collège LaSalle pense de même. « On est absolument pour la loi 14 et la protection du français », affirme à qui veut l’entendre son président-directeur général, Claude Marchand.
Ce dernier a visiblement échoué à trouver une oreille prête à l’entendre — et surtout à le croire — à Québec. Il faut dire qu’il y a décalage apparent entre les paroles et les actes.
L’an dernier, le gouvernement Legault avait tapé fort sur les doigts du Collège LaSalle, lui reprochant 716 inscriptions en trop en 2023-2024. Il lui avait imposé une pénalité de 8,78 millions que la direction de l’établissement privé fondé en 1959 avait contestée avant de porter la cause devant les tribunaux. Cet été ? Québec sort le bazooka. Pour 1066 étudiants anglophones en trop en 2024-2025, il ajoute une pénalité de 21,1 millions que conteste également le collège. C’est l’équivalent de 19 806 $ pour chaque inscription dépassant la limite imposée.
Ces quelque 30 millions forment une somme colossale sans précédent. Claude Marchand croit que ces pénalités sont si lourdes qu’elles menacent la « survie » même de LaSalle. Est-ce mérité ? Est-ce raisonnable ?
La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, croit que si, après « un accompagnement serré et plusieurs avertissements ». D’autant que LaSalle serait, argue-t-elle, le seul collège privé subventionné à continuer de défier ainsi la Charte de la langue française 2.0. Selon des informations de CBC, il serait plus juste de dire que LaSalle est le seul qui n’a pas su s’entendre avec elle pour trouver un terrain d’entente le temps que la transition soit achevée.
Car c’est là que le bât blesse. Informé de son quota en février 2023, le Collège LaSalle avait immédiatement réclamé du temps pour transitionner vers cet objectif sans causer de préjudice à ses derniers étudiants fraîchement admis — avec la bénédiction de Québec. Cela aurait dû lui être accordé. On ne déracine pas des étudiants en plein parcours.
En échange, la direction avait promis de réduire la voilure tout en continuant d’honorer ses engagements passés avec ces cohortes jugées désormais en trop. Son objectif ? Arriver à respecter son plafond en 2025-2026, une fois ces cohortes diplômées. Ce qui sera fait sans dépassement aucun, garantit Claude Marchand.